Guerre d'Algérie : Macron privilégie la « reconnaissance » à la « repentance »

Le président français, Emmanuel Macron, s'est rendu, vendredi, deuxième jour de sa visite en Algérie, au cimetière européen de Saint-Eugène, dans la banlieue d'Alger, le principal cimetière de la capitale algérienne du temps de la période coloniale française.

Répondant aux questions des journalistes après avoir déposé une gerbe devant le monument aux « Morts pour la France » lors de la première guerre mondiale, le chef d'État français a évoqué un grand nombre de sujets d'actualité.

Après avoir abordé la question de l'approvisionnement en gaz naturel pour l'Union européenne, dans le contexte de la guerre en Ukraine, ainsi que le thème de la migration clandestine et des visas octroyés par la France aux citoyens algériens, le chef d'État français a parlé de la relation entretenue avec Alger, ainsi que de sujets liés à la géopolitique mondiale.

- Reconnaissance du passé colonial français et de ses crimes

Emmanuel Macron a, notamment évoqué le délicat dossier mémoriel qui avait causé une brouille diplomatique en 2021 avec Alger, dans le contexte de la campagne pour les élections présidentielles françaises.

Interrogé par les journalistes sur son regard concernant le passé colonial français en Algérie et les crimes commis par la France durant la guerre d'Algérie, ainsi que sur sa volonté de "renouer" avec ce pays et de fonder un "nouveau partenariat d'avenir", le président français a appelé à regarder le passé colonial français "avec courage" et à rechercher "la vérité" et la "reconnaissance" plutôt que la "repentance".

Lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, après un entretien en tête-à-tête de plus de deux heures, Emmanuel Macron a annoncé, jeudi soir, que les deux présidents ont décidé de "mandater ensemble une commission mixte d'historiens, ouvrant nos archives et permettant de regarder l'ensemble de cette période historique qui est déterminante pour nous, du début de la colonisation à la guerre de libération, sans tabou, avec une volonté de travail libre, d'accès complet à nos archives".

Il est à noter que l'historien Benjamin Stora, fait également partie de la délégation française de 90 personnes accompagnant Emmanuel Macron lors de cette visite d'"amitié".

Stora est un spécialiste de la période coloniale française et de la guerre d'Algérie, et l'auteur d'un rapport demandé par le président Emmanuel Macron sur "la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie", en vue de favoriser "la réconciliation entre les peuples français et algérien".

"J'entends souvent que, sur la question mémorielle, nous sommes sommés en permanence de choisir entre la fierté et la repentance", a-t-il déclaré aux journalistes ce vendredi.

"Moi, je veux la vérité, la reconnaissance, sinon on n'avancera jamais", a-t-il estimé, avant de porter des accusations d'une "immense manipulation" sur les réseaux sociaux, qui serait dirigée contre la France et son passé colonial en Afrique. Celle-ci serait, selon Emmanuel Macron, orchestrée par la Russie, la Chine, mais aussi la Türkiye. Le Président français n'a apporté aucune précision ou source de fondement sur ces accusations qu'il n'a pas étayées.

En février 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à la Présidence de la République Française, avait effectué un voyage en Algérie, au cours duquel, il avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie », dans une interview accordée à la chaîne algérienne Echorouk News.

« La colonisation fait partie de l’histoire française (…). Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », avait-il déclaré au cours de cet entretien.

- Lutte contre le terrorisme

Parmi les autres dossiers internationaux évoqués par le chef d'État français, celui-ci a plaidé pour "renforcer le partenariat avec l'Algérie" dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, avec l'objectif notable d'"éviter que des mercenaires puissent fleurir dans la région, en particulier ceux de Wagner", la société paramilitaire russe accusée par la France d'être active au Mali.

Lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, jeudi soir, Emmanuel Macron avait indiqué que "le Sahel et le Mali sont dans les priorités de nos deux pays" et salué l'implication personnelle du Président algérien "dans le suivi du respect de l'Accord pour la paix et la réconciliation du Mali", connu sous le nom de l'accord d'Alger.

Macron avait souligné la volonté de son pays "de renforcer notre coopération" sur la question malienne et dans "la lutte contre le terrorisme, en particulier dans le cadre de ces coopérations régionales".

Il est à rappeler que les relations diplomatiques sont tendues entre Paris et Bamako, depuis le coup d'État de 2021 au Mali, qui a mené à l'expulsion de l'ambassadeur français du Mali et au retrait forcé du dispositif Barkhane de ce pays, achevé il y a quelques jours.

- La centrale nucléaire de Zaporijjia

Le président français également évoqué la situation militaire autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia, en Ukraine. Il a estimé que "le nucléaire civil ne doit pas être un instrument de guerre".

Exprimant sa "préoccupation" et son "inquiétude" sur la sûreté nucléaire de l'Ukraine en guerre, Emmanuel Macron a rappelé "que depuis mars dernier, je me suis profondément engagé en lien avec le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), pour tout faire, pour protéger : d'abord Tchernobyl, puis maintenant Zaporijjia"

Il a également rappelé avoir rencontré, jeudi matin, le directeur général de l'AIEA, après de nombreux contacts durant l'été" avec les présidents ukrainien et russe, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine.

"La guerre, en aucun cas, ne doit porter atteinte à la sûreté nucléaire du pays, de la sous-région et de nous tous," a-t-il réitéré, soulignant que "le nucléaire civil doit être totalement protégé" et rappelant la mission indépendante de l'AIEA qui sera déployée prochainement. Celle-ci vise à prémunir les Ukrainiens et la communauté internationale face au péril nucléaire que peuvent présenter les combats intensifs qui se tiennent dans la périphérie de la centrale de Zaporijjia, depuis le début du mois de mars, lorsque la Russie en avait pris le contrôle.

"C'est l'objet de cette mission qui se tiendra très rapidement et dont nous avons obtenu les garanties de sécurité de la part des Ukrainiens et des Russes", a-t-il rappelé.

La centrale, qui comprend six réacteurs nucléaires, fournit environ 20 % de l'électricité totale de l'Ukraine et a une capacité de production d'environ 5 700 mégawattheures.

La plus grande centrale nucléaire d'Europe, dont le site a subi des bombardements, a été rebranchée au réseau électrique vendredi après une déconnexion la veille, selon l'opérateur ukrainien Energoatom.

- Une visite de trois jours

Le président français, Emmanuel Macron a entamé, ce jeudi, une visite d'"amitié" de trois jours en Algérie, à l'invitation de son homologue, Abdelmadjid Tebboune.

La visite du chef d'État français, est destinée à "refonder" la relation bilatérale avec l'Algérie, selon l'Élysée, notamment à apaiser les tensions mémorielles entre les deux pays.

Il s'agit de la deuxième visite officielle d'Emmanuel Macron en Algérie, après une première visite en décembre 2017, au début de son premier quinquennat.

Cette dernière visite coïncide avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre d'Indépendance de l'Algérie et de la proclamation de son indépendance en 1962, mais également avec l'objectif pour la France et l'Union européenne de diversifier et renforcer leurs partenariats dans l'approvisionnement en hydrocarbures, alors que la guerre en Ukraine se poursuit depuis six mois.

Selon des sources gouvernementales citées par la presse française, malgré la présence de Catherine MacGregor, directrice générale d'Engie, une des principales compagnies énergétiques françaises, aucun contrat d'approvisionnement énergétique ne devrait être signé entre les deux pays, au cours de cette visite.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, après un entretien en tête-à-tête de plus de deux heures, Emmanuel Macron a annoncé, jeudi soir, que les deux Présidents ont décidé de "mandater ensemble une commission mixte d'historiens, ouvrant nos archives et permettant de regarder l'ensemble de cette période historique qui est déterminante pour nous, du début de la colonisation à la guerre de libération, sans tabou, avec une volonté de travail libre, d'accès complet à nos archives".

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