Depuis le 25 octobre dernier, de nombreuses initiatives ont été suggérées pour rapprocher les points de vue entre les protagonistes soudanais. Toutefois, ces initiatives n'ont abouti à aucune solution, comme si la crise politique soudanaise était insoluble.
Le Soudan est en proie, depuis le 25 octobre 2021, à une vague de protestations populaires qui revendiquent le retour au pouvoir des civils rejetant les mesures prises par le président du Conseil de la Souveraineté, le commandant de l'armée Abdelfattah al-Burhan, qui a décidé d'une série de mesures d'exception, considérées comme étant un coup d'Etat militaire par les personnes qui lui sont hostiles.
Al-Burhan a essuyé d'un revers de main ces accusations, soulignant que ces mesures visent à restaurer le processus de la phase transitoire et s'est engagé à remettre le pouvoir via des élections ou un consensus national.
La situation politique, économique et sécuritaire est en détérioration continue depuis cette date du 25 octobre, et les protestataires poursuivent leur dynamique révolutionnaire pour réclamer une autorité civile.
Des initiatives régionales et locales
L'initiative du Mécanisme tripartite des Nations unies, de l'Union africaine et de l'Instance gouvernementale IGAD (principale initiative d'envergure internationale) a été suspendue après avoir fait face à une série d'écueils sur le plan local.
Le processus de dialogue direct, sous parrainage onusien et africain, avait débuté le 8 juin dernier, avec comme but affiché de mettre fin à la crise politique qui sévit dans le pays. Le 12 du même mois, le Mécanisme tripartite a annoncé le report du deuxième round du Dialogue à une date à déterminer ultérieurement.
En plus de l'initiative de l’IGAD lancée depuis le début de la crise, une série d'autres initiatives ont été proposées mais qui ne sont plus en vigueur, à l'instar de l'initiative du « Front révolutionnaire » (Mouvements armés signataires d'un Accord de paix), l'initiative des Recteurs des universités soudanaises, l'initiative de l'Etat du Soudan du Sud, la Feuille de route du parti « Al-Oumma », une des principales « Forces de la Déclaration de la liberté et du changement » (Ancienne coalition au pouvoir).
De nouvelles initiatives
Récemment, ce sont deux initiatives qui ont été annoncées au public. La première a été lancée par Malek Aggar, membre du Conseil de la Souveraineté et la seconde est celle de « L'appel des gens du Soudan ».
Ces deux initiatives sont les plus récentes étant intervenues après les décisions prises par Abdelfattah al-Burhan, le 4 juillet dernier, portant retrait de l'armée du Dialogue politique dit Mécanismes tripartite.
Toutefois, ces initiatives n'ont apporté aucun changement sur le terrain selon les observateurs et n'ont pas pu créer de percée pour engager un dialogue entre les forces politiques et civiles entre elles ou encore entre les civils et l'armée.
De plus, les forces actives au niveau de la rue soudanaise, au premier rang desquelles figurent les « Forces de la Déclaration de la liberté et du changement », le « Rassemblement des professionnels soudanais » et le Parti communiste, ont brandi le slogan des « trois Non ».
Il s'agit des trois Non affichés à l’encontre de la composante militaire qui domine le pouvoir actuellement, « pas de négociations, pas de partenariat, pas de légalité ». En contrepartie, le Conseil de la Souveraineté déclare que les portes du dialogue sont toujours ouvertes aux forces politiques sans exclusion aucune.
Le vice-président du Conseil de la Souveraineté, Mohamed Hamdan Deglou "Hmidati", a formulé l'espoir de parvenir à un accord entre les forces politiques pour faire sortir le pays de sa crise actuelle.
Animant une conférence de presse récemment dans la capitale Khartoum, Deglou a lancé : « Il existe plusieurs initiatives mais nous n'avons pas d'informations et nous attendons des gens qu’ils négocient pour parvenir à des solutions et nous souhaitons l'aboutissement à un accord entre les différents protagonistes ».
Le 4 juillet dernier, al-Burhan a annoncé la non-participation de l'institution militaire au Dialogue national, sous le parrainage et la supervision du Mécanisme tripartite.
Dans un discours télévisé, al-Burhan a déclaré : « Après la formation du gouvernement exécutif, le Conseil de la Souveraineté sera dissous et il sera procédé à la formation d'un Conseil supérieur des Forces armées composé des forces armées et des unités d'intervention rapide ».
Une dynamique sociétale
L’'initiative de « L'appel des Gens du Soudan » a eu une dimension particulière selon nombre d'observateurs, dans la mesure où elle est intervenue au moment où l'initiative onusienne et africaine a été suspendue, en plus des accusations adressées à des éléments de l'ancien régime (présidence de Omar al-Béchir 1989-2019) d'être l'instigateur de cette initiative dirigée officiellement par des religieux, des organisations de la société civile et des institutions tribales.
Toutefois, le président exécutif de cette initiative, Hachem Ettaieb Kariballah, estime que l'initiative « est sociétale et est imposée par l'état actuel de l’impasse politique dans le pays de même que la situation économique détériorée parallèlement à la dérive sécuritaire qui a fait plusieurs victimes dans plusieurs régions du pays ».
Dans une déclaration faite à l'Agence Anadolu, Kariballah a souligné que « l'initiative vise à tenir une table ronde qui réunira l'ensemble des parties soudanaises sans exclusion aucune, dans le but de parvenir à un accord politique qui permettra au Soudan de surmonter la crise actuelle ».
Il a ajouté que l'initiative « a eu un large écho favorable auprès de l'ensemble des forces politiques et civiles et n'a pas essuyé de refus ou de rejet auprès des partis et des alliances politiques jusqu'à présent, y compris auprès des Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement (Ancienne coalition au pouvoir) ».
Kariballah a confirmé que « l'initiative vise à former un gouvernement civil avec des prérogatives préétablies, s'agissant notamment de l'organisation d'élections et du parachèvement du processus de paix ».
Et notre interlocuteur de conclure : « Nous avons également à combler la vacance constitutionnelle, à parachever les structures du pouvoir et à former des commissions et des commissariats en charge des élections et de la justice transitionnelle parallèlement à la mise sur pied d'un Conseil législatif de contrôle ».
Union nationale
L'analyste politique soudanais, Khaled el-Féki, estime, pour sa part, que toute initiative nationale qui n’œuvre pas à garantir une union nationale, loin des spéculations et de toute exclusion, ne sera pas couronnée de succès.
Dans une déclaration faite à AA, el-Féki a souligné que l'initiative de Aggar et des « Gens du Soudan » sont la résultante d'initiatives lancées depuis l'enclenchement de la crise et ne disposent pas d'un appui parmi les composantes du peuple, en particulier, les coalitions révolutionnaires qui visent à mettre fin au putsch du 25 octobre dernier.
Et l'analyste d'ajouter : « L'initiative des Gens du Soudan fait face à une série de défis, étant essentiellement dépourvue d'un appui régional et international, de même qu'elle comprend en son sein des forces, des partis et des personnalités qui avaient soutenu le régime de Omar al-Béchir jusqu'à sa chute ».
Al-Féki insiste pour dire que « toute initiative, qui ne sera pas à équidistance de l'ensemble des forces politiques et civiles, et qui ne dispose pas d'une vision et d'une méthodologie à même de gérer un dialogue transparent, ne réalisera pas de résultats probants ».
Avant l'annonce des décisions d'al-Burhan du 25 octobre dernier, le Soudan évolue, depuis le 21 août 2019, au rythme d'une phase transitoire qui devrait durer 53 mois et qui aurait été couronnée par l'organisation d'élections à l'orée de l'année 2024.
Il était prévu que, tout au long de cette phase, le pouvoir soit partagé entre l'armée d'une part, des forces politiques civiles et des Mouvements armés rebelles, signataires d'un Accord de paix avec le gouvernement en 2020.
Source : AA