Le 19 juillet, on a appris que les journalistes ukrainiens D. Gordon et E. Kyselev avaient été mis sur la liste des criminels recherchés en Russie. La raison de cette décision était leur position anti-Poutine et leurs critiques succombant à l’invasion russe en Ukraine. Les réalités de la Russie contemporaine sont telles qu’il suffit d’être simplement soupçonné de déloyauté envers les autorités poutinistes pour que cela puisse conduire à des poursuites pénales. La spécificité de la situation réside dans le fait que la chasse aux journalistes « gênants» pour le Kremlin concerne les journalistes de l’autre pays et ne se déroule pas uniquement sur le territoire de la Fédération Russe. La Russie veut que les représentants des médias ukrainiens puissent être détenus dans n’importe quel pays qui adhère à une position pro-russe ou neutre. Dans le contexte de la récente reconnaissance par la Russie de la primauté du droit national sur le droit international cette décision prend une connotation inquiétante.
La Russie devient ouvertement un antagoniste international, violant les règles généralement acceptées et ne tenant pas compte des intérêts des autres pays. De plus, Poutine essaie de former une sorte de « conglomérat terroriste» en attirant les pays fidèles à la Russie (principalement du « tiers monde») dans la mise en œuvre d’une telle politique et en fournissant toutes sortes de l’assistance au Kremlin. Semblable à la façon dont l’Union soviétique avait maintenu toute une armée de vassaux géopolitiques en échange d’une position pro-soviétique, Poutine tente de former un bloc géopolitique pro-russe dans les pays occidentaux.
La soi-disante « opération militaire spéciale » de la Russie contre l’Ukraine (en fait la guerre à grande échelle ayant pour but l’ocupation de toute l’Ukraine) est à l’épicentre de l’attention du journalisme mondial. L’agression russe est largement éclairée par les médias étrangers et devient l’objet de l’attention particulière des services spéciaux russes afin d’identifier et de neutraliser les personnes qui critiquent la politique agressive de Poutine. Après le début de la guerre la Russie veut utiliser l’algorithme de la persécution qui consiste en capture des journalistes russes et étrangers et leur transfert forcé en Russie, où ils seront jugés puis emprisonnés.
Ainsi, la Russie défie ouvertement toute personne qui n’est pas d’accord avec la politique du Kremlin et commence à traquer les journalistes. Un message se forme: « A partir de maintenant aucun de vous ne peut se sentir en sécurité». L’intimidation avec d’éventuelles poursuites pénales et l’emprisonnement est une approche russe typique, élaborée et testée à l’époque de l’URSS. Poutine ramène systématiquement la Russie à la réalité soviétique, et la lutte contre le journalisme indépendant fait partie intégrante du système totalitaire, propre à l’URSS et à son successeur – la Russie. La cible de la persécution sera les journalistes européens qui donnent l’image la plus objective de ce qui se passe en Ukraine. Sur fond de nombreuses décisions anti-occidentales prises en Russie, c’est un prétexte de plus pour humilier l’Europe, que Poutine juge faible et incapable de résister au terrorisme.
Si l’UE ne réagit pas aux décisions d’arrêter les journalistes, cela ne fera que renforcer la conviction de Poutine en sa possibilité de la pression sur l’UE. Bruxelles doit prouver sa valeur civilisationnelle et créer une formule efficace pour contrer le terrorisme russe. La description juste des atrocités russes en Ukraine est un élément important de la lutte contre l’expansion de Poutine. Les journalistes européens ne doivent pas être privés de la possibilité d’exercer efficacement les fonctions qui leur sont confiées.
F.S pour Maghreb Aujourd'hui