Législatives en France : La majorité de Macron ébranlée

Jean-Luc Mélenchon exagérait sûrement, en affirmant, dès l'annonce des premiers résultats du premier tour des législatives 2022, que "la vérité est que le parti du président est battu et défait". Car non seulement l'alliance macroniste, "Ensemble", a devancé la sienne, la "NUPES" (acronyme de Nouvelle union populaire écologique et sociale), même sur le fil (25,75% contre 25,66), mais elle peut toujours espérer décrocher la majorité parlementaire absolue, au deuxième tour de dimanche prochain.

Quand Mélenchon voit juste

Par contre, il peut légitimement s'enorgueillir d'avoir ébranlé l'assurance, qui a souvent flirté avec l'arrogance, du président français et de son camp, d'avoir ressuscité la gauche pour la remettre, en un temps record et presque par miracle, en clivage avec le centre-droit.

Il est, également, en droit de se réjouir d'avoir été le dirigeant politique qui a été plus visionnaire que les autres, pour avoir affirmé, malgré une déception à la présidentielle où le deuxième tour lui a échappé d'à peine un point, que les législatives allaient constituer le "décisif troisième tour", pour avoir été patient et tenace, répétant à l'envi que "rien ne servait de courir, l'essentiel étant d'arriver à point"... pour avoir, enfin, transformé l'abattement du Parti socialiste, des Communistes et des Verts de de L'EELV, en force qu'il a intégrée à sa "France insoumise", pour sortir la surprenante "NUPES" qui a laissé derrière, hier dimanche, le Rassemblement national de Marine Le Pen que beaucoup donnaient pour favori à un deuxième rang, pas tellement dangereux pour l'alliance autour de Macron.

De nombreux analystes et hommes politiques, dont l'ancien président François Hollande, le mentor de Macron, hostile à cette Union de la gauche et, surtout à son artisan, prédisaient même que les législatives allaient être une nouvelle copie de la présidentielle. Les résultats ont été tout autres, car la NUPES ne s'est pas contentée d'arriver au coude-à-coude avec la majorité présidentielle, mais sur les cinq élus dès le premier tour, quatre sont de son bloc. En plus, ses candidats sont restés en course dans 500 des 572 circonscriptions restantes, dont 272 duels directs avec des représentants de l'alliance "Ensemble".

Les abstentions profitent à Macron

Les scores du bloc de la nouvelle gauche de Mélenchon auraient été plus probants, sans le record des abstentions (52,8%), avec une majorité de jeunes (+25%) et de Français de milieu rural, qui constituent une bonne partie du "vivier" de la gauche, particulièrement de "la France insoumise". A l'opposé, les personnes d'âge mûr ou avancé votent beaucoup plus à droite, en évitant l'extrême. Or, cette catégorie est davantage attachée à son devoir civique et ne rate, dans sa majorité, pas les scrutins. Aussi n'est-il point étonnant qu'on parle de plus en plus de dysfonctionnement du système et de l'ancrage d'une "démocratie des seniors et des cadres". Les jeunes, eux, trouvent de plus en plus l'expression de leur volonté dans le rejet du formel, la contestation, les manifestations, jusqu'à la délinquance, les excès...l'abstention.

C'est pourquoi Jean-Luc Mélenchon fut le premier, hier, à appeler à une déferlante des abstentionnistes pour conforter la montée de la NUPES et pour la porter vers une cohabitation qui "assurerait un meilleur être aux Français et s'opposerait à Macron et à ses projets, notamment celui de la réforme des retraites".

L'allocution d'Emmanuel Macron abondera dans ce sens et demandera une plus grande mobilisation des électeurs pour que sa majorité puisse œuvrer pour un avenir prospère, sans recourir à des blocs extérieurs. Une allusion à la perspective d'une majorité fragile, constituée d'élus "débauchés" et faite de concessions douloureuses. Une éventualité fort probable, car avec son recul de six points par rapport aux législatives de 2017 et les pronostics qui créditent l'alliance macroniste d'une fourchette de 250 à 290 sièges, rien ne confirme qu'elle atteigne la majorité absolue de 289 élus à l'Assemblée.

De l'autre côté, si les analystes n'accordent à l'Union de la gauche qu'entre environ 160 et 215 sièges, il ne serait pas très étonnant que ce seuil soit franchi. C'est que tout dépendra de l'entre-deux-tours et à qui saura le mieux convaincre, du report des voix et du taux de participation. Mais d'ores et déjà, Mélenchon et ses alliés peuvent se réjouir que Marine Le Pen ait appelé les adhérents et les sympathisants du Rassemblement national à la neutralité, dans les circonscriptions où "Ensemble" et "NUPES" sont en ballottage et à "ne pas choisir entre les destructeurs d'en haut et ceux d'en bas". Décidément, pour cette dirigeante aux idées carrées, de la droite, il n'existe que son extrême, la sienne. Le reste, en comparaison avec toute la gauche, c'est du pareil au même. Il faut dire que ce jusqu'au-boutisme lui réussit pas mal, puisque son parcours est relevé par deux présences consécutives au deuxième tour de la présidentielle et par la certitude d'un bloc siégeant au Parlement de 20 députés, dans le pire des cas et jusqu'à 45, dans le meilleur.

Son concurrent direct de l'extrême droite, Éric Zemmour a connu un destin tout à fait opposé, puisqu'il a été éliminé dès le premier tour, dans le Var dont il comptait faire un fief pour lui et pour sa "Reconquête". Tout laisse croire qu'il ne s'en relèvera pas...politiquement. Lui qui rêvait d'une conquête-éclair de l'Elysée et d'au moins un bloc conséquent dans l'Hémicycle.

En définitive, les jeux restent ouverts, même si la coalition présidentielle reste logiquement proche d'une majorité, probablement davantage fragile que forte, mais l'éventualité que le deuxième tour réserve à Macron la cohabitation avec Mélenchon, comme Premier ministre, n'est pas totalement à exclure. Car après tout, qui aurait prédit qu'hier, la gauche, moribonde malgré un Mélenchon étincelant, allait être quasiment à égalité avec le favori ?

Le souvenir de 1997 où la gauche plurielle plaçait son Lionel Jospin au Quai d'Orsay, au grand dam de Jacques Chirac, doit hanter l'esprit du président français et lui donner les pires des cauchemars. Et même s'il y échappe dimanche prochain, son mandat ne sera pas de tout repos, face à une opposition solide et des plus farouches, avec d'un côté, une union de gauche revigorée et de l'autre une extrême droite inexorablement hostile.

Source : AA

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