15 mai 2015 – 15 mai 2022, cela fait 7 ans que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali a été signé entre Bamako et certains groupes armés avant d'être parachevé le 20 juin de la même année par la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA). La CMA est composée de plusieurs mouvements armés séparatistes, qui revendiquent, depuis 2012, une meilleure intégration politique et économique des régions du nord du Mali, et ont engagé des offensives contre le pouvoir central, allant jusqu'à occuper certaines régions et villes principales du Nord. Grâce à une médiation, élargie aux Etats Unis d’Amérique et à la France, une série de réunions et de consultations avaient eu lieu à Alger et l`Accord vit le jour. Mais le sort de cet accord suscite de plus en plus de discussions... et de tensions, les groupes armés reprochant aux autorités militaires de transition de ne rien faire en faveur de sa mise en œuvre.
Si pour certains politologues maliens il faut ''mettre en veilleuse toutes les revendications sociales et politiques'', d'autres parlent de la nécessité de ''réadapter'' cet accord avec les réalités actuelles.
Déficit de confiance
Boubacar Boucoum, analyste politique, explique que « tout va bien pour l'Accord pour la paix et la réconciliation » affirmant que « ce sont les acteurs qui ont besoin de plus de place parce que, dit-il, l’État n'est pas totalement dans la stabilité aujourd'hui ». Avant d'ajouter que « la seule chose qui n'avance pas dans l'Accord, c'est le désarmement et la démobilisation. Et cela s'explique par un déficit de confiance entre les différents partenaires ».
« Aujourd'hui les moyens de chantage que les groupes rebelles ont, c'est d'abord les armes pour imposer leur diktat à un État qui a signé un accord en situation de faiblesse donc il faut qu'ils maintiennent les armes pour pouvoir obtenir ce qu'ils attendent du gouvernement », a-t-il fait savoir.
Ballan Diakité, politologue, chercheur au Centre de Recherche d'Analyses Politiques, Economiques et Sociales (CRAPES), indique, pour sa part, que plusieurs raisons peuvent expliquer cette lenteur dans la mise en œuvre de l'Accord.
Selon lui, « l'un des premiers facteurs, c'est d'abord la situation sécuritaire du pays, le contexte politique et sécuritaire qui n'est pas assez favorable pour aller tout de suite vers l'application de l'Accord » ajoutant que « le deuxième facteur est lié au contexte politique avec la chute du régime d'Ibrahim Boubacar Keïta en 2020, et la mise en place, par la suite, d`un gouvernement de transition n'arrivant pas à entamer les grandes réformes politiques et institutionnelles telles que la révision de la constitution, le fait de revoir un certain nombre des lois organiques qui encadrent les questions budgétaires et celles liées aux recettes fiscales ».
Il évoque, également, le manque de volonté souvent affiché de la part de certains acteurs de l'Accord.
Pour Abdoul Aziz Diallo, analyste politique, « c'est d'abord le contenu de l'Accord qui pose énormément problème. Dans cet Accord, on parle de la régionalisation, de l'armée reconstituée, des autorités intérimaires. A ce niveau, il y a eu beaucoup de problèmes y compris le Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) ».
Une relecture de l'Accord s'impose
« Lors du Dialogue national inclusif en 2019, les Maliens ont demandé la relecture l'Accord et lors des Assises nationales de décembre 2021, la relecture dudit accord est revenue à la table », note Abdoul Aziz Diallo.
« Il n'y a pas d'unanimité autour de cet Accord. La population ne se reconnaît pas dans l`Accord, et tant que c`est le cas, il serait difficile de l'appliquer », indique la même source.
Diallo estime qu'il « faut réviser l'Accord et l'adapter à nos réalités. C'est un accord signé sous pression et en état de faiblesse de l'Etat malien. Il s'agit également de tenir compte des mouvements armés du centre du pays qui n'étaient pas présents lors de la signature de cet accord ».
Manque de moyens
Pour Boubacar Bocoum, « l'Accord traine au niveau des investissements dans le développement au nord et de la décentralisation effective ». « Comment un pays qui n'a pas de stabilité peut-il parler de décentralisation ou régionalisation pendant cette période ? Techniquement, ce n'est pas possible », note-t-il.
Et d'ajouter : « Ce n'est pas la faute au gouvernement. C'est une zone aujourd'hui qui n'a aucune stabilité. Tout ce que les mouvements armés demandent, c`est l'insertion au niveau du tissu économique et social. Ceci demande des moyens et l'Etat dans l'état actuel des choses n'a pas ces moyens. Les partenaires techniques et financiers qui avaient promis de l'argent au Mali au moment où on signait ces différents accords n'ont pas mis, non plus, la main à la poche.Donc je pense que la responsabilité ne peut pas incomber totalement à l'Etat ».
Quant à Ballan Diakité, il affirme que « tant que la constitution de 1992 n'est pas révisée, il y a beaucoup d'aspects prévus dans cet Accord qui ne pourront pas être matérialisés. Il faut aller vers l'élaboration d'une nouvelle constitution et que les parties affichent leur bonne volonté pour aller vers la paix ».
Source : AA