En décidant de changer la composition de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et d’amender la loi relative à celle-ci, le président Kais Saied s’est attiré de nombreuses critiques et a été accusé de vouloir prendre le contrôle de l’instance électorale.
L’indépendance de l’ISIE renforcée
Mais ce n’est pas l’avis de Rabeh Khraifi, professeur en droit public et chercheur en droit constitutionnel. Selon lui, le décret de révision de la Loi organique n°2012-23 du 20 décembre 2012, relative à l’ISIE, renforcerait l’indépendance de l’instance électorale, a-t-il souligné, ce lundi 25 avril 2022 dans une déclaration sur les ondes de Mosaique fm.
Rabeh Khraifi invoque le décret n°117 du 22 septembre 2021 et la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple, qui donnent toute la latitude au président de la République de promulguer des textes de lois touchant au droit électoral.
Il explique également que l’exclusion des universitaires et des avocats, ainsi que des spécialistes en communication va fermer la porte aux partis politiques qui tenteraient d’infiltrer l’ISIE.
L’intégrité des élections dans la balance
Ce n’est pas l’avis de Kamel Ben Messaoud, professeur en droit constitutionnel. D’après lui, le décret-loi n°2022-22 amendant et complétant certaines dispositions de la loi organique n°2012-23 du 20 décembre 20212 relative à l’ISIE est anticonstitutionnel.
Kamel Ben Messaoud a critiqué le fait que Kais Saied soit à la fois juge et partie dans la mesure où il reste un acteur des élections. Selon lui, le président de la République sera, à la fois, le joueur, l’adversaire et l’arbitre, soulignant qu’on ne peut parler d’instance indépendante, alors que ses membres sont nommés par le président. C’est une question d’intégrité des élections, précise-t-il.
Mise en garde de l’ONU
En décidant de changer la composition de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et d’amender de la loi relative à celle-ci, le président Kais Saied s’est d’ailleurs vu adresser une mise en garde des Nations Unies.
La porte-parole associée du Secrétaire général de l’ONU, Eri Kaneko, a réagi à la dernière décision de changer la composition de l’ISIE et d’amender la loi organique relative à celle-ci en adressant une mise en garde.
L’ONU a mis en garde, hier, quant à un « éloignement » de la Tunisie de la démocratie, mettant l’accent sur l’importance que revêt le dialogue entre les différents protagonistes. C’est ce qui ressort d’une déclaration faite par Eri Kaneko, en réponse à la question d’un journaliste.
La porte-parole onusienne a formulé l’espoir de voir « un dialogue tunisien de nature à ce qu’il soit permanent ». « La poursuite d’un tel dialogue sera à même d’éviter l’enlisement de la Tunisie dans un processus qui l’éloignera de la démocratie », a ajouté Eri Kaneko.
Nouvelle composition de l’ISIE
Vendredi 22 avril 2022, Kais Saied a décidé de modifier la composition de l’ISIE qui sera chargée de l’organisation des prochaines élections.
Le décret-loi n°2022-22 amendant et complétant certaines dispositions de la loi organique n°2012-23 du 20 décembre 20212 relative à l’Instance supérieure indépendante pour les élections, a été publié, vendredi, au JORT n°45 du 22 avril 2022.
Les amendements concernent, essentiellement, la composition de l’instance dont tous les articles y relevant ont été supprimés, ainsi que le mode de nomination des membres.
Ainsi, l’article premier dudit décret-loi prévoit la suppression des dispositions des articles 5, 6, 8, 9, 17, 18 ainsi que du premier paragraphe de l’article 14, du deuxième paragraphe de l’article 15, des deuxième et troisième paragraphes de l’article 21 et du premier paragraphe de l’article 25, de la loi organique sur l’ISIE.
Le Conseil de l’ISIE sera composé de 7 membres désignés par décret présidentiel. Le président de la République désigne trois membres ayant fait partie des précédents Conseils de l’ISIE.
Selon l’article 6, le président de la République nomme le président de l’instance parmi les trois membres qu’il a choisis lui même.
Source : Webdo