Présidentielle en France : Et si la campagne n'était qu'une formalité ?

Ce lundi 28 mars, a été donné le coup d'envoi à la campagne présidentielle en France, soit 15 jours avant le premier tour du scrutin (9 - 10 avril), selon la loi.

Douze prétendants à la magistrature suprême sont en lice et qui se divisent, dès le départ et comme dans une course d'athlétisme, hippique ou de bolides, en favoris, en outsiders et en "comparses". Sauf que les surprises, assez fréquentes en sport, sont rarissimes en politique, où il y a toujours des éléments précurseurs, annonciateurs du résultat final, du moins du duel ou du combat à trois auxquels se livreront les deux ou trois aspirants les plus sérieux à l'Elysée. Ce qui ne se décide pas, ou peu, par leurs compétences, performances, appartenance politique ou degré de popularité, mais par leurs soutiens, essentiellement dans les milieux financiers des affaires, dont les barons sont, depuis des années, en train de mettre la main sur les fleurons des médias français qu'ils mettent au service, direct ou indirect, de tel candidat ou de tel autre.

Macron et Zemmour, les favoris des... plus riches

Aussi un rapide coup d'œil sur les plus grands et influents journaux, périodiques, revues spécialisées, chaînes de télévision et même maisons d'édition et instituts de sondage, révèle-t-il qu'il sont passés sous la coupe de dix milliardaires de l'Hexagone, bien que pour la plupart générateurs de peu de bénéfices, s'ils ne sont pas carrément déficitaires. Et si les magnats de l'industrie, de la finance ou du luxe consentent ces "sacrifices", ce n'est pas uniquement pour apporter de la promotion à leurs activités premières (elle coûterait beaucoup moins en achat de plages publicitaires), mais pour s'immiscer dans la politique, à travers non pas des partis ancrés dans le paysages politiques, mais des personnages "porteurs", susceptibles de les faire aboutir à des desseins et à des choix de politique qu'ils affectionnent. Et quoi de meilleur que des organes médiatiques variés, touchant l'érudit et le profane, l'intelligentsia et -surtout- monsieur tout le monde, pour influencer l'opinion publique et faire "triompher" la démocratie et "son" suffrage universel ?

La montée spectaculaire d'un Éric Zemmour illustre bien cette -relativement- récente tendance à l'oligarchie des médias. Voilà un écrivain-journaliste-chroniqueur dont les positions extrémistes quant à l'immigration, les réfugiés, les familles monoparentales, l'identité... sont très controversées et font même peur à une majorité de Français, ne trouvant écho qu'auprès d'une droite radicalement conservatrice, qui se trouve propulsée dans le sommet de la vie politique, par la seule volonté du milliardaire Vincent Balloré. Ce dernier est désormais à la tête d'un vrai empire médiatique dont l'énumération aura pris près de sept minutes à David Assouline, le rapporteur de la commission sénatoriale qui l'a auditionné, le 19 janvier dernier, sur sa concentration de médias et sur la dimension d'équité dans le paysage politique que ses supports ne respectent pas. Omniprésent sur les plateaux de radio et de télévision du groupe Balloré dont nous ne citerons que Canal+, C News I Télé, Europe 1, sans compter les journaux papier, Zemmour a été intégré dans les sondages, avant même l'annonce officielle de sa candidature. Depuis, il n'a cessé de monter en intentions de vote, au point qu'il se trouve aujourd'hui, dans le quatuor de tête, crédité le week-end dernier, de près de 11% des voix. Un quota qui peut très bien monter, au cours des prochains quinze jours. Car comme le dit Mathieu Hanotin, le maire socialiste de Saint-Denis : "Quand on introduit du Zemmour, même quand il n'est pas sur les plateaux, on influe sur l'élection. En fait, les médias choisissent le "menu" des émissions et ce faisant, ils agissent sur les résultats à venir".

En fait, malgré l'attention des organismes chargés du contrôle du départage médiatique équitable entre les candidats, il y a toujours moyen de contourner les règles. Et quand on sait que les passages ont varié, en pré-campagne, entre 70 heures et 12 minutes, on situe l'écart entre les privilégiés et les marginalisés de ce suffrage. Aussi la distribution des cartes semble-t-elle avoir été faite, bien avant ce 28 mars et la lutte, si lutte y a, déjà décidée. Et Emmanuel Macron est quasi-certain.

Ce dernier a beau avoir donné mauvaise impression, lors de son dernier discours, en piochant dans les programmes de ses rivaux, dont Anne Hidalgo et Jean Luc Mélenchon, reprenant à son compte les points forts, comme la lutte contre le harcèlement sexuel scolaire et en ligne, le mal-logement, la santé et les hôpitaux..., il profitera toujours, au-delà de son statut de président, du soutien inconditionnel de Bernard Arnaud, le patron LVMH, le géant du luxe, ainsi que de son armada médiatique, dont Les Echos, le Parisien-Aujourd'hui... Il n'est point étonnant qu'il trône aux sondages avec près de 29% des intentions de vote. Qu'importe qu'une Annie Genevard, une autre candidate, l'ait traité de "pilleur" d'idées...

Résistance aux médias

Entre Macron, super-favori et Zemmour, jusque-là sérieux outsider qui peut monter, il y a deux prétendants qui profitent d'un mécanisme opposé qu'on peut qualifier de "résistance aux médias" de la part d'un électorat bien assis dans ses convictions et convaincu de ses représentants. Il s'agit de Marine Le Pen (Rassemblaient national) et Jean Luc Mélenchon (la France insoumise), crédités respectivement de 18,5 et de de 13,5% des voix. Des scores qui peuvent encore changer, sans probable influence sur la composition de ce quatuor, dont émergera un candidat qui défiera Macron, au second tour, les 23 et 24 avril. Serait-ce Zemmour ? Si cela arrivait, ce serait l'éclatante vérification de la force des médias et de la clairvoyance du journaliste qui écrivait en gros : "La recette d'une influence sur l'opinion réussie consiste en beaucoup de sondages, un zeste de censure, quelques grains saupoudrés de corruption et une propagande structurelle et diffuse". Cela, des gens comme Balloré ou Arnaud savent le faire. Et pas seulement à la présidentielle... Les législatives vont suivre.

Source : AA

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