Réunis dimanche à un sommet extraordinaire à Accra au Ghana, les chefs d'État et des gouvernements des pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) ont adopté de sévères sanctions contre le Mali.
Celles-ci portent, entre autres, sur la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cédéao et le Mali, la suspension de toutes les transactions commerciales entre les pays de la Cédéao et le Mali, le gel des avoirs du Mali dans les banques centrales et commerciales de la Cédéao et la suspension du Mali de toute aide financière des institutions financières de la Cédéao.
Les dirigeants ouest-africains ont pris leurs décisions après avoir constaté "avec regret l'échec des autorités de transition au Mali à organiser les élections présidentielles d'ici au 27 février 2022".
Pour les dirigeants ouest-africains, cela est contraire à l'accord conclu entre les autorités maliennes et la Cédéao le 15 septembre 2021 et à l'engagement de la Charte de la transition malienne.
Les sanctions de la Cédéao interviennent quelques jours après la décision prise par Bamako, suite à des "consultations nationales" de proposer un nouveau chronogramme prévoyant l'organisation de nouvelles élections après une transition de cinq ans.
"Ce chronogramme signifie simplement qu'un gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien en otage au cours des cinq prochaines années", ont estimé les dirigeants de la Cédéao.
- Des raisons géostratégiques?
Malgré les raisons avancées par les chefs d'État et de gouvernement, les sanctions de la Cédéao sont diversement analysées à travers le continent, principalement dans les pays ouest-africains voisins du Mali.
Nombre d'analystes se demandent si ces décisions ne sont pas aussi motivées par des raisons d'enjeux géostratégiques, liés au rapprochement récent entre le Mali et la Russie au détriment de l'ancien colonisateur : La France.
"La particularité de ces décisions c'est qu'elles interviennent également dans le sillage de la campagne que mène la France contre la junte malienne, coupable d'avoir introduit le loup russe, Wagner, dans la bergerie françafricaine", a expliqué l'analyste des questions ouest-africaines nigérien Moussa Tchangari sur sa page Facebook.
Dans une réaction publiée sur sa page Facebook aussi, l'opposant sénégalais Ousmane Sanko a estimé qu'en prenant des sanctions contre le Mali, la Cédéao "veut préserver des intérêts étrangers", l'accusant de "piétiner avec allégresse tous ses principes fondateurs, surtout celui du respect de la protection des droits des peuples".
Dans sa toute première réaction aux sanctions, le gouvernement malien a aussi implicitement accusé la Cédéao d'avoir agi au nom d'autres intérêts en disant regretter que "des organisations sous-régionales ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extra régionales aux desseins inavoués".
Depuis l'annonce, il y a quelques semaines, du déploiement des "mercenaires russes" du groupe Wagner au Mali pour aider l'armée de ce pays à lutter contre le terrorisme, les relations entre Paris et Bamako se sont particulièrement dégradées.
La France, qui a manifesté sa ferme opposition contre l'arrivée des "mercenaires russes" avait décidé de réduire ses effectifs de la force Barkhane et de se retirer de certaines positions au Mali, notamment celles les plus au nord, tout en menant une offensive diplomatique auprès de la Cédéao et de l'ONU pour empêcher l'arrivée de Wagner au Mali.
Mardi, au Conseil de sécurité de l'ONU, une résolution en faveur des sanctions décidées par la Cédéao a été bloquée par la Russie et la Chine, deux concurrents de plus en plus influents en Afrique, entre autres dans le "pré-carré" de la France.
Vaste pays de l'Afrique de l'ouest et du Sahel, le Mali est un pays pauvre, mais qui dispose tout de même d'importantes richesses minières dont l'or.
Ancienne colonie française, ce pays est secoué, depuis son indépendance en 1960, par des coups d'État et des tensions politiques à répétition.
Depuis environ une décennie, le Mali est encore secoué par le terrorisme, avec l'installation sur son sol de plusieurs groupes qui contrôlent une partie de son territoire, notamment au nord, au centre et au sud.
Malgré le déploiement des Casques bleus de l'ONU, des soldats de la force française Barkhane et ceux de la force conjointe du G5 Sahel, la situation sécuritaire du pays reste toujours préoccupante.
Source : AA