L’Algérie commémore, ce lundi 27 décembre, le 43e anniversaire de la mort, en 1978, de son ancien président, Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharouba.
Presque oublié durant les trois dernières décennies, le défunt aura droit, cette année, à un programme officiel spécial, selon le ministre algérien des Moudjahidine (anciens maquisards), Laid Rebiga.
« Sur ordre des hautes autorités, un programme spécial est en cours d’élaboration pour commémorer l’anniversaire du décès du président Houari Boumediene. Il est un des symboles de l’Etat algérien », a-t-il déclaré en marge d’une conférence des paysans algériens, tenue à Alger.
Ce programme, a-t-il ajouté, « ravivera son image chez les Algériens ». Pourquoi le gouvernement algérien s’intéresse-t-il autant à Houari Boumediene ? Qui est cet homme qui suscite toujours débat dans le pays, 43 ans après sa mort ? Qu’est-ce qui fait que les Algériens s’intéressent encore plus à lui qu’à son prédécesseur, Ahmed Ben Bella et ses nombreux successeurs ?
Cet intérêt prouve, en tout cas, que celui qui a géré l’Algérie d’une main de fer, treize années durant, a bien marqué les esprits. Positivement et négativement. C’est selon les témoins et les orientations politiques et idéologiques des acteurs qui l'évoquent. Son passage à la tête de l’Etat algérien n’a pas été sans impact. C’est une réalité.
Né un certain 23 août 1932 à Aïn Hassainia, dans la wilaya (département) de Guelma dans l’est algérien, Houari Boumediene n’a pas été un des leaders de la guerre de libération. Issue d’une petite famille de paysans, comme il y en avait des centaines de milliers à cette époque dans le pays, l’homme a été marqué, alors qu’il était très jeune, par les massacres du 8 mai 1945, commis par l’armée et les colons français contre les Algériens dans les localités de Sétif, Kherrata et Guelma (à l’est d’Alger).
C’était le début de sa prise de conscience. « Ce jour-là, j’ai vieilli prématurément. L’adolescent que j’étais est devenu un homme. Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu’il fallait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. Personne ne peut oublier ce jour-là », avait-il lui-même témoigné lors d’un discours, lorsqu’il était encore à la tête de l’Etat.
---L’armée des frontières---
Mais le jeune Boumediène n’avait pas participé, à l’intérieur du pays, à la guerre de libération déclenchée, un certain 1er novembre 1954. Étudiant à Zitouna à Tunis dès 1950, il rejoint ensuite Al-Azhar en Egypte. Il intègre, par la suite, l’armée des frontières, établie en Tunisie, où il a gravi les échelons pour devenir, dès 1959 chef d'état-major général de l’armée de libération nationale.
A l’indépendance, il participe activement à l’intronisation d’Ahmed Ben Bella à la tête du pays, en tant que premier président de l’Algérie indépendante, contre l’avis de nombreux chefs de la révolution et d’une large partie des maquisards. Il devient même son ministre de la Défense. Mais la lune de miel ne durera pas longtemps.
Moins de quatre ans après l’indépendance, le colonel Houari Boumediène renverse le président Ahmed Ben Bella, au nom du « redressement révolutionnaire ». C’était le 19 juin 1965. Ce coup d’Etat, estime l’historien algérien, Rabah Lounici, « a été mal perçu, tant en Algérie qu’à l’international ».
« Il est arrivé au pouvoir suite à un coup d’Etat. Il avait renversé Ahmed Ben Bella qui était, à ses yeux, trop lié à l’Egypte de Djamel Abdennasser. Il considérait aussi anarchique sa politique socialiste. A l’époque, beaucoup pensaient qu’il était antisocialiste et que son acte était contrerévolutionnaire, en faisant le lien avec ce qui s’est passé au Zaïre (actuel RDC) contre Patrice Lumumba et en Indonésie contre Sukarno », précise l’historien dans une déclaration à l'Agence Anadolu.
Mais, ajoute-t-il, Boumediene s’est avéré, avec le temps, « un socialiste convaincu ». « Sur le plan interne, il n'était pas populaire. Il a fallu attendre 1967, et grâce à l’envoi de militaires algériens en Egypte pour combattre, aux côtés des forces arabes contre l’occupant israélien de la Palestine, pour voir le président Boumediene gagner une certaine légitimité populaire », explique-t-il.
---Mouvement des non-alignés---
Selon l’historien, c’est encore dans le cadre du mouvement des non-alignés, dont il fut secrétaire général de 1973 à 1976, que l’homme s’est affirmé comme « un fin stratège et un porteur d’une philosophie ».
«Il a adopté une philosophie très intéressante, qui consiste à donner aux pays du tiers-monde leur autonomie vis-à-vis de l’occident impérialiste qui les voyait comme un simple marché pour ses marchandises. D’ailleurs, Boumediene n’a jamais parlé de la criminalisation du colonialisme français. Pour lui, c’était une évidence. Il s’est intéressé au volet économique. Et il a lancé la révolution industrielle qui a été très mal vue de côté français, notamment à l’époque de Valéry Giscard d'Estaing », détaille notre interlocuteur.
Mais la philosophie Boumédienienne, souligne-t-il, s’est dissipée avec sa mort. « Et cela en raison de sa stratégie politique qui n’avait permis aucune ouverture démocratique. C’était une erreur fatale. Il n’y avait pas d’organisations autonomes et fortes pour défendre son projet après sa disparition», indique-t-il.
Malgré les critiques, rappelle de son côté, Nacer Djabi, spécialiste de la sociologie politique algérienne, Houari Boumediene « reste, dans l’imaginaire collectif des Algériens, le symbole d’une Algérie forte au niveau régional et international ».
« Il est le seul président algérien à bénéficier, 43 ans après sa mort, d’une même aura et d’une même opinion positive », analyse-t-il dans une déclaration à l'Agence Anadolu.
Celui qui a failli être, lui-même, victime d’un coup d’Etat en 1966, enchaîne Nacer Djabi, « a réussi, grâce à sa personnalité et à sa simplicité que l’on connaît aux paysans et habitants des zones rurales en Algérie à gagner l’estime éternel d’une grande partie des Algériens ».
Source : AA