En réunissant une trentaine de pays à Paris, le président français, Emmanuel Macron, comptait jouer les premiers rôles sur la scène internationale et parmi ses pairs dans un des dossiers les plus épineux qui perdure depuis une décennie, en l’occurrence celui de la Libye, ce riche pays pétrolier livré au chaos depuis la chute de l’ancien « Guide » Mouammar Kadhafi.
Macron, qui n’a pas pu s’exprimer à Djerba en Tunisie après l’annulation du Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie, prévu initialement au mois de novembre courant, s’est offert une autre tribune à l’échelle internationale pour soigner son image vis-à-vis de son opinion publique notamment, à quelques mois d’une présidentielle française à l’issue incertaine.
En effet, le vendredi 12 novembre courant, se sont réunis à Paris les principaux protagonistes libyens et les représentants, dont des présidents, des chefs de gouvernement, des ministres des Affaires étrangères et des diplomates, d’une trentaine de pays venus assister à la Conférence internationale pour la Libye.
Toutefois, nombre d’observateurs se sont interrogés sur l’efficacité d’une pareille rencontre (une de plus ou une de trop) ainsi que sur la possibilité d’appliquer et de mettre en œuvre sur le terrain les principaux points de la Déclaration.
Il convient de noter, d’ailleurs, que le texte intégral de la Déclaration finale de la Conférence, composé de 25 points répartis en 4 chapitres essentiels (politique – sécurité – économie – droits de l’Homme) a été publié sur le site de l’Elysée, mais qu’aucune trace ne se trouve sur les plateformes électroniques du Quai d’Orsay, vitrine de la diplomatie française.
Une « absence-omission » qui a soulevé auprès de nombre d’observateurs des interrogations et des doutes, voire du scepticisme sur ses raisons réelles.
Par ailleurs, le premier aspect qui a terni cette Conférence s’articule au niveau de la présence, ou plutôt des absents qui n’ont d’ailleurs pas toujours tort.
Les chefs d’Etat de deux pays centraux dans la crise libyenne, le premier situé en Méditerranée orientale, la Turquie, présente en Libye sur le terrain depuis 2019 à la demande du gouvernement légitime et internationalement reconnu de l’époque, et le second situé dans le bassin occidental et frontalier avec la Libye, à savoir l’Algérie.
Aussi bien le président turc, Recep Tayyip Erdogan, que son homologue algérien, Abdelmajid Tebboun (en crise ouverte avec Macron depuis plus d’un mois) ont préféré ne pas faire le déplacement à Paris, se contentant de dépêcher le vice-ministre turc, Sedat Onal, et le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.
La présence des chefs d’Etat turc et algérien auraient conféré davantage de crédit à la Conférence en tant que telle, compte tenu du poids respectif des deux pays, aussi bien diplomatique que politique et militaire, ainsi qu’à la France et à son président, au vu de l’influence des deux dirigeants.
Pour ce qui est de la Déclaration finale et de son application sur le terrain, s’agissant en particulier du principal point d’achoppement tant attendu et débattu, portant sur la tenue des élections législatives et présidentielle à la date initialement prévue, soit le 24 décembre prochain, rien n’indique, ne confirme ou ne laisse présager que le message martelé par les puissances régionales et internationales trouvera un écho favorable ou une écoute attentive auprès des protagonistes libyens, ou du moins certains parmi eux qui font partie des récalcitrants et réfractaires à la légalité internationale.
Certes, les dirigeants des pays réunis en France ont menacé d'infliger des sanctions aux individus, qui à l’intérieur ou à l’extérieur de la Libye tenteraient d’entreprendre toute action susceptible d'entraver ou de remettre en cause les élections prévues dans ce pays le 24 décembre 2021 », mais rien ne garantit la tenue du scrutin à la date annoncée, ce qui constituerait un camouflet pour les organisateurs de cette rencontre, en particulier le président Macron.
Rappelons que le président français n’est pas à son premier essai concernant la Libye. Il avait auparavant organisé et réuni en France à deux reprises des conférences sur la Libye, sans résultat palpable.
D’ailleurs, en juillet 2017, il avait réuni à La Celle Saint-Cloud (région parisienne), Fayez Sarraj, ancien Premier ministre légitime, et le général putschiste à la retraite Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen, tout en prenant fait et cause en faveur de ce dernier mais aucune suite réussie et concrète n’a été constatée.
Ces rencontres et conférences n’ont pas empêché le général à la retraite de lancer en avril 2019 une offensive sanglante contre la capitale Tripoli, qui avait failli tomber, n’eut été l’intervention in extremis de la Turquie, ce qui a permis depuis d’établir un nouveau rapport de forces favorable à une solution pacifique dans le respect de la légalité et de la volonté du peuple libyen.
Le parti-pris de Macron laisse planer des doutes sur la neutralité d’un « organisateur-meneur » qui devrait jouer le rôle de médiateur et entamerait la crédibilité d’une personnalité politique, qui se devait au moins de rester à équidistance des principaux protagonistes pour garantir la réussite de son action et éviter qu’elle ne soit entachée de discrédit.
Pour revenir à la Déclaration finale de la Conférence, ce texte souligne l’importance que « que toutes les parties prenantes libyennes se mobilisent résolument en faveur de l’organisation d’élections présidentielle et législatives libres, régulières, inclusives et crédibles le 24 décembre 2021, comme prévu dans la feuille de route politique libyenne et endossé » par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.
A une quarantaine de jours de cette date fatidique évoquée à souhait par tous les participants et l’ensemble des protagonistes libyens, régionaux et internationaux de cette crise, et en dépit des menaces martelées et des promesses miroitées, la tenue des élections n’est point certaine et la coupe semble loin des lèvres. Wait and see…
Source : AA