-L’Union générale Tunisienne de Travail (UGTT) a appelé, mercredi, le chef de l’Etat à « clarifier la vision politique et à arrêter un échéancier et un processus de restauration véritable ainsi qu’à élaborer une Feuille de route qui mettra fin à l’Étape d’exception et qui permettra de déterminer les perspectives.
-Jelassi : L’absence d’une position politique claire par rapport aux événements sociaux sera une des causes de l’escalade
-Allala : Les récents évènements et les protestations sociales pourraient être une petite boule de neige qui commence à prendre forme
-Boulbeba : Les pressions sont appelées à s’accroître et les problèmes sociaux et économiques placeront Saied dans la posture du principal responsable
Les pressions internes exercées contre le président tunisien, Kais Saied, s’accumulent, sur fond, notamment, de protestations dans la ville de Agareb (sud) depuis plusieurs jours, parallèlement à des pressions extérieures qui lui sont destinées depuis ses mesures d’exception prises le 25 juillet dernier, en vue de remettre le pays sur l’orbite du processus démocratique.
Une double crise, politique et économique, s’aggrave en Tunisie, depuis plus de cent jours qui se sont écoulés de l’annonce par Kais Saied de ses mesures d’exception, s’agissant essentiellement de la suspension des travaux du Parlement, de la levée de l’immunité dont bénéficiaient les députés et de l’abrogation de l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des lois.
Saied s’est emparé, aussi, du pouvoir exécutif en limogeant le Chef du gouvernement, Hicham Méchichi, et en décidant de légiférer par décrets.
L’Union Générale Tunisienne de Travail (UGTT, principale organisation syndicale du pays) a appelé, mercredi, dans un communiqué, à « clarifier la vision politique et à arrêter un échéancier et un processus d’une véritable restauration ainsi qu’à mettre un terme rapidement au mystère qui plane ».
L’UGTT a appelé, également, à l’élaboration d’une Feuille de route qui viendrait mettre fin à la phase d’exception et déterminerait les perspectives, ce qui sera de nature à réunir les conditions de la stabilité et à poursuivre l’édification de la démocratie ».
Cet appel a été lancé au même moment où la ville de Agareb (province de Sfax, sud) est le théâtre depuis lundi de protestations, en particulier dans le périmètre de la décharge contrôlée d’el-Gonna. Ces protestations ont été émaillées d’affrontements avec les forces de l’ordre pour contester la réouverture de la décharge.
Les manifestations sont montées d’un cran, mardi, et les protestataires ont incendié le poste de la Garde nationale à Agareb, sur fond de la mort d’un jeune manifestant qui aurait inhalé le gaz lacrymogène lancé par les forces de l’ordre, la veille, ce qui a été démenti par le ministère de l’Intérieur. Une grève générale a été observée dans la ville, mercredi, à l’appel de l’UGTT.
Des analystes estiment, dans des entrevues accordées séparément à AA, que « l’absence de vision » de la part du président Saied dans le traitement des crises sera à même d’élargir le cercle des protestations contre ses décisions, tandis que d’autres observateurs excluent catégoriquement que le président envisage de céder aux pressions et d’engager le dialogue.
• Il n’est pas possible de prévoir les positions de Saied
La sociologue Sabrine Jelassi a souligné qu’il « est certain que les protestations au cours de la prochaine période seront une opportunité et inciteront les partis d’opposition ou ceux qui ont été écartés du paysage politique à se réorganiser et à mobiliser les soutiens contre l’orientation politique actuelle ».
Dans un entretien accordé à AA, l’universitaire a indiqué que « l’absence d’une position politique claire par rapports aux évènements sociaux, à l’instar des protestations de la ville de Agareb constituera une cause de l’escalade et de l’élargissement du cercle de la contestation ».
« L’absence d’une vision politique claire et d’interaction avec les évènements sociaux sera une raison qui pousseront les partis politiques écartés et l’UGTT à s’orienter vers un troc social afin de mettre un terme au silence dans lequel s’emmure le pouvoir qui les ignore », a-t-elle expliqué.
« En cas d’aggravation des protestations et de multiplication des pressions internes contre Saied, il ne sera pas possible de prévoir ses orientations. Ainsi, l’équivoque demeure intimement lié à la personnalité du chef d’Etat actuel qui, depuis son accès au pouvoir, fait montre d’attitudes et de comportements différents et contraires à ceux des personnalités politiques classiques ».
• Les pressions s’accentuent et les choix de Saied s’amenuisent
Pour sa part, l’analyste politique Mourad Allela, a souligné que « les développements connus par la crise politique en Tunisie est motivée essentiellement par la lenteur du président Kais Saied qui tarde à soumettre son projet politique ainsi que par l’accumulation des pressions à son encontre ce qui a accru les appréhensions et les réserves de ses adversaires et opposants à l’égard de ses positions et orientations ».
Il a ajouté, dans une déclaration faite à AA, que « la position de l’UGTT quant à la nécessité d’établir un échéancier aux mesures d’exception et d’arrêter une Feuille de route aux contours claire devrait constituer une impulsion à Saied pour être plus enclin au dialogue et à interagir aux développements sociaux et politiques tenus dans le pays ».
L’analyste politique a souligné que « les derniers événements et les protestations sociales dans la ville de Agareb pourraient être cette petite boule de neige qui commence à prendre forme et qui pourraient être le prélude à l’entrée d’autres parties dans une crise qui généralement sera instrumentalisée pour des desseins politiques hostiles à l’autorité personnelle du président ».
Evoquant les scénarii les plus probables et les plus proches de la réalité au vu de l’accroissement des pressions internes, notre interlocuteur a relevé que « les choix demeurent réduits compte tenu des nombreuses revendications internes et externes ».
« Ainsi, a-t-il dit, Saied se doit d’attraper ai vol les messages croisés lancés, s’agissant essentiellement de la restauration du processus démocratique et d’œuvrer à mettre fin aux crises sociales et économiques qui sévissent ».
Et Allela de poursuivre : « Même les partis qui soutenaient le président ont annoncé leur désaccord, à l’instar du Mouvement Echaab qui a demandé publiquement au cours de la période écoulée de clarifier la vision pour pouvoir sortir de l’impasse qui fait face au pays ».
• Le président ne cèdera pas aux pressions :
L’analyste politique, Boulbeba Salem a considéré que « la position de l’UGTT qui réclame d’arrêter un échéancier pour mettre un terme aux mesures d’exception en vigueur depuis plus de trois mois et d’élaborer une Feuille de route aux contours claires ainsi que le violent traitement sécuritaire réservé aux évènements de la ville de Agareb ne feront qu’accroître les tensions sociales ».
Il a ajouté, dans un entretien accordé à AA, que la « position de l’UGTT n’est pas nouvelle bien qu’il ait accueilli favorablement, auparavant, les mesures du 25 juillet ».
Toutefois, a-t-il poursuivi, « les nouvelles déclarations faites par les responsables de la Centrale syndicale renferment des calculs dissimulés, dans la mesure où l’UGTT appelle à la tenue d’Un Dialogue national tout en excluant certaines parties (sans les désigner explicitement, cherchant ainsi un dialogue sur mesure ».
« Les parties acceptées par l’UGTT sont des micropartis proches de ses orientations qui n’ont pas de poids ou d’impact politique effectif », a-t-il estimé.
Salem a relevé que « l’exclusion de Saied des organisations nationales et des partis et son refus d’engager un Dialogue nationale sont les facteurs qui ont motivé la position de l’UGTT qui ne souhaite pas être à la marge de l’équation politique ».
Il a ajouté : « Je pense qu’aussi bien les pressions endogènes qu’exogènes sont appelées à augmenter et les problèmes sociaux et économiques placeront véritablement Saied dans la posture du principal responsable de la cherté de la vie et de l’aggravation de la crise, politique, sociale et économique pour s’être emparé, seul, du pouvoir et de la décision ».
Et l’analyste de conclure : « Toutefois, cela ne sera pas une raison pour que Saied change d’orientation ou d’opinons dès lors qu’il n’envisage pas de recourir au dialogue ou de céder aux pressions en dépit de leur ampleur ».
Source : AA