Quelle suite au sommet UE-Balkans occidentaux ?

Le Sommet annuel de l'Union européenne-Balkans occidentaux, qui s'est tenu, mercredi dernier, dans la ville de Brdo en Slovénie, a été marqué par un dîner et des photos de famille ainsi que les sourires d'usage et la routine habituelle, sans pour autant prendre de décision ou accomplir un progrès au sujet de l'élargissement de l'Union.

L'ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors, avait écrit que « l'Europe, c’est comme la bicyclette, si elle n’avance pas, elle tombe ».

Si l'on examine l'UE aujourd'hui, nous serons enclins à la comparer à une bicyclette, dont les roues ont été enlevées pour remplacer les pneus, mais personne ne se soucie de la réparer.

Cette métaphore illustre la situation qui prévalait lors du sommet informel de l'UE – Balkans occidentaux en Slovénie.

La lumière a été faite au cours de ce sommet sur la dissension flagrante entre la Commission européenne, conduite par l’Allemande Ursula von der Leyen, qui appuyait, de manière franche, l'élargissement de l'Union, et le Conseil européen, chapeauté par le Belge Charles Michel, qui a fait part de réserves tout aussi franches au sujet de cet élargissement.

Michel a dit clairement qu'il « n'est un secret pour personne que les 27 Etats membres n’ont pas la même position quant à la capacité du Bloc européen d'accepter de nouveaux membres.
De son côté, Von der Leyen a appuyé l’adhésion de nouveaux membres, « pas en ce moment mais plutôt à l'horizon de 2030 », comme cela a été suggéré par la Slovénie, « lorsque toutes les conditions seraient satisfaites ».

En effet, l'UE ne dispose pas que d'expériences positives concernant son élargissement vers l'est, comme cela s'est passé avec la Roumanie et la Bulgarie, ou avec le Groupe de Visegrad, plus connu aussi sous le nom du Groupe V 4, qui comprend quatre pays (Pologne, Slovaquie, Hongrie, République Tchèque).


Les pays du Groupe de Visegrad est une alliance informelle au sein de l'UE qui s'oppose à la démocratie libérale à l'occidentale et qui soutient le combat pour une Europe chrétienne. Elle s'oppose également à la décadence supposée de l'Occident, à l'immigration, à la diversité culturelle et à plusieurs autres sujets.

Pour bien situer les choses, il convient de noter que le nombre des habitants des six pays de l'Ouest des Balkans (Le Monténégro, la Serbie, la Macédoine du nord, l’Albanie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine) est inférieur à 18 millions avec une superficie équivalente à celle de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne).

De même, le PIB des pays des Balkans-Occidentaux est équivalent à celui de la Slovaquie.
Nonobstant les hésitations de l'UE, les pays des Balkans-occidentaux ont des différends, à l'instar de ce qui se passe entre la Serbie et le Kosovo, parallèlement à la prolifération du crime organisé et de la corruption dans plusieurs zones de la région.

De plus, des appréhensions se multiplient au sein de l'UE à l'égard de certains de ces pays. A titre d'exemple, l'Espagne refuse de reconnaître le Kosovo dans la mesure où Madrid établit un lien direct entre la situation dans ce pays des Balkans et celle des populations catalane et basque.

La Bulgarie est également enlisée dans un différend linguistique avec la Macédoine du Nord, qui a dû changer son précédent nom (la Macédoine) au vu de la susceptibilité accrue de la Grèce, et ce avant que ce pays ne puisse entamer des pourparlers pour adhérer à l'Union.

De leur côté, les Pays-Bas sont sceptiques quant à la présence sur leur sol de membres de la Mafia albanaise, qui contrôle actuellement le trafic des stupéfiants dans ce pays des Balkans.
L'Allemagne a exprimé, pour sa part, sa « gêne » à l'endroit des demandeurs d'asile ou de ceux qui accèdent à son territoire en tant que visiteurs sans pour autant le quitter. De même, la France estime que la région des Balkans entrave « l'autonomie stratégique » souhaitée par l'Europe.

L'UE continue, d’une part, à adopter des pratiques d'atermoiements à l'endroit des pays cités, tout en soumettant, d'autre part, une liste de réclamations et d'exigences relatives à la démocratie, à la suprématie de la loi et à la lutte contre la corruption.

En réalité, l'UE vise, en premier lieu, à calmer et à rassurer la classe politique dans cette région, tout à la maintenant au pouvoir, alors que cette classe politique ne semble plus souhaiter être dirigée par l'Union, d'autant plus que la Chine ne veut pas offrir de financement politique sans conditions.

En effet, la Chine investit des milliards de dollars dans les Balkans Occidentaux, en particulier, en Serbie, le plus grand pays de la région, qui compte sept millions d'habitants. Pékin s'emploie à laisser son empreinte culturelle via les instituts Confucius, les Centres culturels et ses médias, tout en renforçant les programmes de coopération et d'échange avec les universités privées de la région.

De son côté, l'UE ne dispose pas de la volonté politique pour empêcher les pays des Balkans Occidentaux de s'enliser économiquement, et éventuellement politiquement, vers la sphère d'influence de la Chine.
C’est ce que répète le Président français, Emmanuel Macron, qui considère « l'autonomie stratégique » faisant partie des traditions gaulliennes, comme étant une option pour rester à équidistance de la Chine et des Etats-Unis, d'autant plus que cette configuration accorde à la France une meilleure position, dans la mesure où elle est la seule puissance nucléaire dans l'UE.
La chancelière allemande Angela Merkel s'emploie, pour sa part, à atteindre des objectifs plus réalistes, en évitant de perdre le marché des véhicules allemands en Chine.
La crédibilité de l'UE, en tant que partenaire dans la région, est mise à l'épreuve, et entrainera des conséquences stratégiques sur la région et l'Union, ce qui aboutira à une vacance qui pourrait être remplie facilement par la Chine et la Russie.

La Russie exploite les erreurs de l'UE, qui a adopté une politique visant à rallier et obtenir l'adhésion des élites politiques corrompues dans les pays de l’Ouest des Balkans. A travers des erreurs flagrantes, notamment, dans le domaine de la vaccination dans l'Union européenne, la Russie est parvenue à s'imposer comme un acteur influent en temps de crise.

Le Président serbe, Aleksandar Vučić, est le principal allié de Poutine dans la région, dans la mesure où il use de ses bonnes relations avec lui, non seulement pour ramener des doses de vaccin en Serbie mais aussi pour distribuer le vaccin aux touristes en provenance des pays voisins, ce qui a conféré au vaccin russe Spoutnik une importance géostratégique.

Au lieu d'affronter la Chine et la Russie, les pays de l'UE s'emploient, chacun de leur côté, à atteindre les objectifs qui sont les leurs en politiques extérieure et sécuritaire à court terme.

Le 28 septembre dernier, la France et la Grèce ont annoncé la mise en place d'une alliance de défense stratégique à Paris. Rappelons que les deux pays sont non seulement membres de l'UE, et tenus, en vertu du Traité de Lisbonne de se soutenir en cas d'attaque armée lancée contre l'un d'eux, mais aussi membres de l'OTAN, à l'instar de la Turquie dont la nouvelle alliance est dirigée contre elle, et qui est toujours candidate pour adhérer à l'UE, à l'instar d’autres pays des Balkans.


Tant que les pays de l’UE continueront à s'activer les uns contre les autres de cette façon, nous ne pouvons pas aboutir à une « autonomie stratégique », et ni les Conférences au sommet ni les décisions ne parviendront à changer cela.

Entre-temps, la bicyclette continuera à être dépourvue de pneus et aucune réparation éventuelle n’est en vue.

Source : AA

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