Face à la dégradation continue du pouvoir d’achat des salariés algériens et les colères qui s’expriment dans divers secteurs d’activités, le gouvernement tente d’apporter des réponses afin d’en limiter l’ampleur.
Dimanche, au cours du Conseil des ministres, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a demandé au gouvernement de procéder à la réduction de l’Impôt sur le revenu global (IRG) et d’augmenter le point indiciaire dans la Fonction publique. Des mesures qui doivent être incluses dans le projet de Loi de finances 2022.
Le président de la République a également demandé au gouvernement de préparer rapidement un texte de loi pour réprimer sévèrement les spéculateurs, accusés d’être responsables en partie des hausses récurrentes des prix et des tensions sur les produits de consommation.
Longtemps portée par les syndicats autonomes, la revendication liée à l’amélioration du pouvoir d’achat revient en cette rentrée sociale marquée par le sceau de la crise et de l’inflation qui a laminé le pouvoir d’achat des Algériens.
« Il est intéressant de voir le gouvernement reconnaître qu’il y a un souci majeur par rapport à la dégradation du pouvoir d’achat », remarque le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), le Dr Lyès Merabet, qui s’inquiète d’une « situation sociale explosive ».
« Ça bouillonne dans tous les secteurs et principalement dans la Fonction publique. Il y a déjà eu des actions de protestation qui ont été entamées, certes circonscrites dans certaines wilayas mais qui préjugent d’une situation alarmante », prévient-il.
Le Dr Merabet annonce que des « actions coordonnées » sont discutées par les différents syndicats regroupés sous la bannière de la Confédération des syndicats algériens (CSA).
« Cela fait des années qu’on attire l’attention sur deux points essentiels : la revalorisation de la valeur du point indiciaire des salaires mais aussi la révision de l’IRG. Nous avons toujours dit que pour améliorer les salaires, il fallait agir sur l’impôt et en mettant en place un mécanisme qui limite l’impact de l’inflation sur les revenus et le pouvoir d’achat », rappelle le syndicaliste de la santé.
« D’où va provenir tout cet argent ? Il n’y a pas de productivité«
Considérant que « ce n’est que justice que de venir en aide aux salariés », à travers l’annonce du relèvement du taux de la valeur du point indiciaire et l’abattement sur l’IRG, le syndicaliste Meziane Meriane tient à préciser que les choses ne sont pas encore claires.
« Le hic c’est qu’on ne connaît pas les mécanismes notamment en termes de pourcentage du taux d’abattement sur l’IRG. Si ce sera de quelques miettes cela va-t-il suffire à améliorer le pouvoir d’achat ? », se demande le coordinateur du Snapest.
M. Meriane rappelle que les salaires n’ont pas été augmentés depuis 2012 alors que l’inflation a toujours galopé et n’a pas cessé d’éroder le pouvoir d’achat des Algériens.
Il s’interroge sur l’effectivité des mesures annoncées par les autorités en faveur du pouvoir d’achat. « D’où va provenir tout cet argent ? Il n’y a pas de productivité qui va assurer des augmentations des salaires. Ce que je vois d’avance c’est que l’IRG va être diminué de peu. Certaines couches défavorisées vont peut-être bénéficier de l’abaissement de l’IRG, mais il y a le risque de provoquer une injustice sociale », s’inquiète le syndicaliste.
Et ce dans la mesure, dit-il, où « on relève le salaire de quelqu’un qui touche 28 000 DA/mois, mais celui qui touche 30 000 DA on lui dira qu’il ne fait pas partie de la fourchette ».
« Il y aura des inégalités qui vont encore être créées », s’inquiète-t-il. « Pour le point indiciaire, idem, nous voudrions savoir de combien il sera augmenté », réclame Meriane qui se fait fort de réclamer des mesures de protection du pouvoir d’achat contre l’inflation.
« En 2012, il y a eu des augmentations de salaires assez conséquentes mais elles ont été phagocytées au bout de trois années. Il ne s’agit pas d’avoir un salaire astronomique mais suffisant pour permettre aux salariés de vivre aisément », expose le coordinateur du Snapest.
Une classe moyenne « menacée dans son existence »
Les mesures annoncées en faveur du pouvoir d’achat sont-elles suffisantes pour assurer de bons salaires ? Pour l’économiste Mohamed Achir, la réponse est non.
« En plus de l’inflation importée il y a aussi l’inflation domestique surtout avec la hausse des prix des produits de large consommation. C’est tout à fait légitime pour les salariés de revendiquer une augmentation de leurs salaires pour préserver leur pouvoir d’achat déjà dérisoire », énonce-t-il avant de prévenir que c’est toute la classe moyenne qui est désormais « menacée dans son existence ».
Par opposition, les augmentations de 2012 ont favorisé le retour d’une grande partie de la classe moyenne, signale l’économiste. Pour lui, la mise en œuvre des deux mesures (diminution de l’IRG et relèvement du point indiciaire) constitue un effort budgétaire très important.
Une diminution de l’IRG pourrait coûter à l’État jusqu’à 200 milliards de DA par an, calcule Mohamed Achir. Et alors que l’IRG rapporte chaque année 800 milliards de DA comme impôts directs pour le budget de l’État, après la TVA, l’IBS (impôt sur le bénéfice des sociétés) représente à peine 400 milliards de DA/an, ajoute-t-il.
« Sachant que les dépenses publiques avoisinent 8 000 milliards de DA entre équipements et dépenses de fonctionnement, il n’y a véritablement pas de marge de manœuvre », souligne l’économiste.
Pour lui, la seule solution est d’aller vers des mesures structurelles, « à travers la libéralisation de l’investissement, la création de la richesse et la création de l’emploi ».
Source : TSA