Le Conseil de sécurité a mis fin, le 23 décembre 2020, aux fonctions de la Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (UNAMID), treize ans après sa création, le 11 juin 2007
La reprise de la violence dans l'Etat du Darfour (ouest du Soudan) constitue un nouveau défi à relever par le gouvernement qui fait face déjà à des difficultés pour la mise sur pied d'une Force sécuritaire, afin de protéger les civils, simultanément avec une recommandation onusienne au Conseil de sécurité, quant à la nécessité de déployer une force limitée afin de garantir la sécurité dans cette région instable.
La recommandation onusienne intervient alors que Khartoum s'emploie à mettre sur pied une Force sécuritaire locale et à ne pas permettre au Conseil de sécurité de dépêcher de nouvelles unités onusiennes.
Le Conseil de sécurité a mis fin, le 23 décembre 2020, aux fonctions de la Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (UNAMID), treize ans après sa création, le 11 juin 2007.
Le 10 août dernier, le président du Conseil soudanais de souveraineté, Abdelfattah al-Burhan, avait annoncé que les autorités ont entamé « immédiatement la mise en œuvre des arrangements sécuritaires » pour ancrer les valeurs de coexistence pacifique et sociale entre les différentes composantes de la société, sans pour autant arrêter de date fixe à cela.
Toutefois, le chef de la Mission intégrée d'assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (UNITAMS), Volker Perthes, a formulé, le 14 septembre dernier, une recommandation onusienne au Conseil de sécurité afin de déployer une force limitée au Darfour.
Perthes a appelé le Conseil à prendre les mesures nécessaires afin de déployer une force limitée pour répondre aux exactions et à la violation du cessez-le-feu dans l'Etat en cas de besoin.
Le 29 août 2020, le gouvernement soudanais et le « Front rebelle » (mouvements armés) ont signé, dans le cadre du processus du Darfour, un Protocole d’arrangements sécuritaires, comportant la constitution de forces mixtes entre les unités gouvernementales et les mouvements armés afin de préserver la sécurité dans cet Etat instable et fragile.
Le Protocole des arrangements sécuritaires s'inscrit dans le cadre de l'Accord de paix signé par Khartoum, le 3 octobre 2020, avec le « Front rebelle », composé de plusieurs mouvements armés, mais qui n’a concerné que deux mouvements seulement.
Les absents de la cérémonie de signature ont été le « Mouvement populaire-Nord » conduit par Abdelaziz Helw, qui évolue dans les Etats du Nil bleu (Sud-est) et du Kordofan du Sud (Sud) et le « Mouvement de Libération du Soudan » dirigé par Abdelwahed Mohammed Nour qui combat les forces gouvernementales au Darfour.
- Retard dans la mise en œuvre des arrangements sécuritaires
Le journaliste spécialiste dans les affaires du Darfour, Mohammed Ali Mohammedou, a motivé l’absence de formation d’une force de protection des civils par le retard accusé dans l'exécution des arrangements sécuritaires.
Dans une déclaration faite à l'Agence Anadolu, Mohammedou a dit que « le retard dans la formation des forces de protection des civils est lié intimement à l'exécution des arrangements sécuritaires ».
Il a indiqué que « ces forces sont composées de 12 000 soldats, à parité entre les forces gouvernementales et les mouvements armés, dans une première étape, pour faire valoir la paix et la sécurité ».
Et le journaliste de poursuivre : « Les dérives sécuritaires entre pasteurs et agriculteurs se sont multipliées au Darfour et des actes de violence ont ressurgi récemment ».
Le 13 août dernier, les autorités avaient annoncé que 3500 familles se sont réfugiées dans les camps de Zamzam, de Chagra et de Taouila des suites d’actes de violence qui ont eu lieu dans des régions de l’Etat du Darfour du Nord pour fuir un conflit armé autour de terres agricoles.
- Le gouverneur du Darfour forme des forces
Le 17 novembre 2020, des forces relevant du Mouvement de libération du Soudan, sous la direction de Minni Arko Minnawi, sont arrivées dans la ville d’el-Fasher, chef-lieu de l'Etat du Nord du Darfour, et ce dans le cadre de la mise en œuvre des arrangements sécuritaires contenus dans l'accord de paix avec le gouvernement, au lendemain des festivités de paix à Khartoum.
L’Accord de paix prévoit, notamment, la « constitution de forces mixtes pour la préservation de la paix et la protection des civils au Darfour ».
Le 24 août dernier, Minnawi, gouverneur de l'Etat du Darfour, a annoncé en s'adressant à des civils réfugiés au camp de Zamzam, dans le sud d’el-Fasher, la constitution d'une force sécuritaire mixte, qui œuvre à mettre un terme à toute forme de dérive sécuritaire et de conflit dans l'Etat et à protéger les citoyens en lieu et place du retard qui a accompagné la mise en œuvre des arrangements sécuritaires de l'Accord de paix de Juba.
Mohammedou a relevé que Minnawi a entamé la mise en œuvre de mesures sur le terrain pour former une force sécuritaire afin de protéger les civils.
Il a ajouté qu’après « l'annonce par Minnawi, des mesures sérieuses pour la formation d'une force de préservation de la paix ont été prises dans l'attente de la mise en œuvre des arrangements sécuritaires. Ces forces se sont formées à el-Fasher et il est attendu que des unités similaires seront mises sur pied à Nyala (chef-lieu de l'Etat du Darfour du Sud) et à el-Genaina (chef-lieu du de l'Etat du Darfour de l’Ouest).
Il a ajouté que « ces forces soudanaises sont meilleures que les forces internationales en matière de préservation de la sécurité et auront une grande capacité à assurer la stabilité. Compte tenu de leur connaissance des complications de la situation ».
- Ouvrir la porte au Conseil de sécurité
Pour sa part, le Secrétaire général de la Ligue des journalistes du Darfour, Hafedh Adem Hmed Masri, a déclaré à Anadolu que « les problématiques sécuritaires existent toujours dans l'Etat du Darfour et le gouvernement n'a pas entrepris d’actions sérieuses pour assurer la sécurité ».
« Ces dérives sécuritaires ont incité les mouvements rebelles, qui n'ont pas signé l'Accord de paix, à reprendre les armes », a-t-il dit.
Masri a ajouté « qu’aucune mesure sérieuse n’a été prise pour protéger les civils de même qu’il n’y a pas de véritable mobilisation pour former les forces de protection en raison, entre autres, de la non-exécution des arrangements sécuritaires, ce qui a provoqué une dérive sécuritaire et une reprise des conflits tribaux, voir leur multiplication », a-t-il dit.
Il a relevé que « la reprise de la violence et du conflit au Darfour ouvre grandes les portes au Conseil de sécurité et aux organisations onusiennes pour penser à créer des forces onusiennes de protection ».
Il a, également, accusé le gouvernement de « ne pas réunir les conditions nécessaires pour former les forces mixtes et pour appliquer les arrangements sécuritaires, ce qui a provoqué un mécontentement populaire dans l'Etat du Darfour ».
Le gouvernement motive le retard dans la mise en œuvre des arrangements sécuritaires de l'Accord de paix de Juba au manque de financement, d’autant plus que l'opération coûtera quelque 10 millions de dollars.
En 2003, un conflit armé s'était enclenché dans l'Etat du Darfour entre les forces gouvernementales et des mouvements rebelles armés, faisant 300 mille morts et 2,5 millions de réfugiés, selon des chiffres des Nations unies.
Faire prévaloir la paix fait partie des principaux dossiers posés sur la table du gouvernement de Abdullah Hamdok, premier gouvernement installé, depuis que le commandement de l'armée ait déchu, le 11 avril 2019, de la présidence, Omar Al-Bachir (1989-2019), sous la pression de protestations populaires hostiles à son pouvoir.
Le Soudan vit, depuis le 21 août 2019, une période transitoire qui se poursuivra pendant 53 mois, et qui sera couronnée par l'organisation d'élections, au début de l'année 2024. Durant cette étape, le pouvoir est partagé entre l'armée, des forces civiles et les mouvements armés signataires de l'Accord de paix.
Source : AA