La sphère politique en Israël s'oppose à la reprise des négociations par les Etats-Unis avec l'Iran, au sujet de son programme nucléaire, bien que l'actuel gouvernement préfère, contrairement à son prédécesseur, afficher ses positions de manière peu ostentatoire.
A l’opposé, les décideurs militaires ne voient pas d’un mauvais œil une solution politique, tant qu’elle garantit l’arrêt des deux projets iraniens, nucléaire et balistique, parallèlement à la suspension de l’activité de Téhéran dans la région.
Des observateurs israéliens estiment que le besoin de l'actuel gouvernement de l'Administration américaine, qui à son tour le préfère à l’ancien cabinet présidé par Benyamin Netanyahu, fait que Tel-Aviv et Washington privilégient l'entente, en lieu et place à la confrontation.
Cela s'est traduit, au cours de la première rencontre qui a réuni le Chef du gouvernement israélien, Naftali Bennett, et le président américain, Joe Biden, à la Maison Blanche au mois d'août dernier.
Toutefois, et au moment où Bennett avait évité de montrer tout indice pour accepter le retour des Etats-Unis à l'Accord avec l'Iran, son ministre de la Défense, Benny Gantz, considérait qu’Israël est en mesure de coexister avec un pareil accord, mais à certaines conditions.
Dans une allusion faite aux efforts déployés par le président Biden, Gantz a déclaré, au magazine « Foreign Policy », à la mi-septembre dernier, que « si la démarche américaine actuelle consistait à remettre le programme nucléaire iranien dans une urne, je l'accepterai ».
Il a, cependant, nuancé ses propos en indiquant « qu'il voulait que les États-Unis disposent d'un plan B, comportant des sanctions économiques ».
En contrepartie, il a évoqué « un plan C propre à Israël, qui implique une mobilisation militaire afin d'interdire l'Iran d'acquérir l’arme nucléaire ».
Gantz a expliqué au magazine ce qu'il a qualifié de plan B qui est réalisable et applicable. Ce plan consiste, selon lui, en « des pressions tous azimuts, politiques, économiques et diplomatiques devant être exercées par les États-Unis, l'Europe, la Russie et la Chine » sur l’Iran.
Il a, en revanche, relevé que « l'armée israélienne affute ses outils militaires pour empêcher l'Iran d'obtenir des armes nucléaires, au cas où ce pays atteindrait ce palier ».
Le Premier ministre Naftali Bennett, n'a pas souhaité, pour sa part, commenter ces déclarations publiquement, mais la droite israélienne les a considérées comme étant une capitulation » face à l'Iran.
L’analyste Amnoon Lord a écrit dans le journal « Israel Today, proche du chef de l’opposition Netanyahu), que « la déclaration de Gantz en vertu de laquelle Israël pourrait coexister avec un nouvel accord nucléaire indique que le gouvernement a délaissé et cédé sur une politique indépendante au niveau du front nucléaire iranien ».
L’analyste a estimé qu’il s’agit de « déclarations malheureuses, en particulier sur fond des pourparlers avec l’Iran concernant le déploiement d’observateurs internationaux pour visiter ses équipements nucléaires. Les Iraniens ont accepté l’installation de caméras dans les sites nucléaires mais ils ne fourniraient les cartes mémoires pour visionner ce qui a été enregistré ».
Il a ajouté : « Gantz et Bennett annoncent aux Américains et au monde entier qu’Israël reprend sa position qui compte fondamentalement sur Washington, même après le cuisant échec en Afghanistan et après que le président américain Joe Biden a indiqué qu’il n’est pas prêt à lancer une quelconque opération contre l’Iran ».
De son côté, Mohamed Mjedla, expert en affaires israéliennes et analyste dans la chaîne de télévision « 12 » (privée), a souligné qu’à travers cette déclaration, Gantz exprime les positions de l'armée israélienne.
Dans une déclaration faite à AA, Mjedla a indiqué que « les dirigeants sécuritaires et militaires en Israël ont appuyé et appuient encore l'aboutissement à un accord entre Israël et les puissances internationales à condition qu’il s’agisse d’un bon accord ».
« Cela signifie que l'accord doit toucher les têtes balistiques, le développement des missiles balistiques et l'interdiction de l'enrichissement de l'uranium, estimant ainsi que c'est la garantie de la non-acquisition par l'Iran de la bombe nucléaire ».
Il a ajouté : « Ainsi, les déclarations de Gantz s'inscrivent dans ce cadre, dans la mesure où le ministre de la Défense est plus proche de la position militaire et sécuritaire et non pas politique, une sphère qui ne peut pas afficher de telles positions, publiquement du moins, dès lors qu'elle fera face à des critiques de la part de Netanyahu et de la droite qui considèrent tout accord international avec l'Iran comme étant une faute stratégique qui dessert les intérêts d'Israël ».
L‘ancien Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, avait adressé des critiques à Bennett au sujet du traitement qu'il accordait au dossier iranien.
Il a écrit dans un tweet diffusé, la semaine écoulée, que « Bennett est hanté par l’établissement de distinctions entre lui et ma personne, quelle que soit la forme. Mais cela pourrait coûter cher à l'Etat israélien, en termes de lutte contre la COVID-19, de la guerre contre le nucléaire iranien et du combat politique contre les Palestiniens ».
Il a lancé : « Au lieu de lancer des attaques ridicules contre les nombreux discours réussis de Netanyahu, Bennett se doit de lire avec soin ces discours pour apprendre comment s'attirer les faveurs du monde et mobiliser un soutien en faveur de l'Etat d'Israël ».
Rappelons que Naftali Bennett avait déclaré lors de la réunion du Conseil des ministres, le 12 septembre dernier, que le « programme nucléaire iranien a atteint une phase avancéer et c’est l'héritage qui nous a été légué par l'ancien gouvernement mais là il s'agit de notre mandat. Nous avons des engagements et nous saurons comment traiter ce programme (iranien).
Mjedla a estimé que « Netanyahu évite cependant d'adresser des critiques sévères à l'endroit de Gantz qu'il considère comme étant un éventuel allié à l'avenir ».
« Gantz dispose d'une plus grande marge de manœuvre pour faire de pareilles déclarations dans la mesure où il sait que Netanyahu a besoin de lui en cas de formation d'un gouvernement à l'avenir et qu’il ne le critiquera pas sévèrement, de même que Gantz est ministre de la Défense et généralement les déclarations de ce ministre sont plus proches du niveau militaire que du palier politique », a-t-il poursuivi.
Mjedla a ajouté : « Je ne considère pas que les déclarations de Gantz représentent la sphère politique, dans la mesure ou à l'intérieur du gouvernement il existe des divergences au sujet du dossier du nucléaire iranien ».
« La branche qui soutient un accord avec l'Iran est celle des ministres des Affaires étrangères, Lair Lapid, et de la Défense, Benny Gantz, de la Santé et du Transport », a-t-il détaillé.
Et Mjedla d’ajouter : « A l'opposé, il y a la branche qui rejette tout accord avec l'Iran et qui comprend le Premier ministre Naftali Bennett et les ministres de la Justice et des Finances ».
« Malgré cela, il existe un accord en vertu duquel Israël affiche sa position au sujet de l'accord avec l'Iran dans les chambres fermées et non pas dans l'es médias », a-t-il relevé.
« Cela ne signifie pas que l'actuel gouvernement ne fera pas ce qu'avait fait Netanyahu auparavant, qui avait lancé une campagne mondiale et à l'intérieur des États-Unis contre l'accord avec l'Iran en 2015, campagne qui déstabilisé la relation entre Démocrates et Républicains et à l'intérieur même du camp des Démocrates », a-t-il souligné.
Mjedla a conclu en estimant que « les États-Unis ont promis à Israël qu'ils prêteront une écoute attentive à ses positions au sujet de l'accord nucléaire mais dans les chambres fermées ».
« Biden a bien notifié à Bennett qu'il s'emploie à conclure un accord avec l'Iran et l'affaire ne consiste pas à savoir s'il y a un accord ou pas mais comment cet accord sera conclu et quelles seraient ces conditions et dans quelle mesure il limitera l'Iran non pas uniquement au sujet du nucléaire mais également concernant les missiles balistiques et les activités de Téhéran dans la région du Moyen-Orient », a-t-il détaillé.
L'analyste militaire du journal israélien « Haaretz », Amos Haril a indiqué à ce propos que la « politique américaine est démotivante mais la partie israélienne cède progressivement ».
Dans un article publié dans le journal, il a souligné que « les réserves israéliennes ont été formulées au cours de la réunion du président Biden avec le Chef du gouvernement Bennett, le mois dernier à Washington, et au cours d'une série de rencontres de haut niveau ».
« Dans une partie des discussions, les Israéliens ont proposé aux Américains de hausser le ton et d’adresser une véritable menace militaire contre l'Iran, si ce pays continue à progresser dans son projet nucléaire », a-t-il dit.
« Mais l'Administration américaine, et en dépit des liens d'amitié solides la liant à Israël et à ses responsables, n'a pas affiché l'enthousiasme requis pour cela », a-t-il dit.
Il a dévoilé que les dirigeant militaires israéliens et l’opposition américaine ont empêché une attaque militaire contre les installations nucléaires en Iran durant la période s’étalant entre 2009 et 2012.
Il a cependant relevé que « malgré les déclarations des hauts responsables israéliens une option militaire indépendante contre l’Iran ne se pose pas effectivement actuellement ».
Source : AA