L'annonce par le président tunisien, Kaïs Saïed, mercredi, de la désignation d'une nouvelle cheffe de gouvernement, a soulevé des réactions divergentes chez les partis politiques, les organisations et les hommes et femmes politiques.
Les réactions ont oscillé entre accueil favorable par certains, tandis que d'autres ont considéré cette décision comme étant en « dehors de la légalité constitutionnelle ».
En fin de matinée du mercredi, la Présidence tunisienne a annoncé que Saïed a chargé Najla Bouden de former le gouvernement, devenant ainsi la première femme dans l'histoire du pays à occuper ce poste.
Au soir du 25 juillet dernier, le président tunisien avait annoncé des mesures d’exception renforçant ses pouvoirs, considérées par la majorité des parties comme étant « un coup d'Etat contre la Constitution » et « une tentative d'instaurer un régime dictatorial », tandis que d'autres l'ont qualifié de « restauration du processus », au milieu de crises multidimensionnelles, politique, économique et sociale.
Ces mesures ont comporté le limogeage du Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, la suspension des travaux du Parlement ainsi que la levée de l'immunité de tous les députés, au moment que Saïed s'est accaparé le pouvoir exécutif.
Le 22 septembre dernier, le locataire de Carthage a publié le décret présidentiel numéro 117, en vertu duquel l'Instance de contrôle de la constitutionnalité des lois a été abrogée, tout en décidant de légiférer par voie de décrets.
- Confiance du Parlement
Commentant la nomination de Bouden, la députée du Mouvement Ennahdha (53 sur 217 sièges au Parlement suspendu), Yamina Zoghlami, a déclaré : « Il est clair que le nouveau gouvernement aura une composition et un programme devant être soumis au Parlement, en application de la Constitution. A défaut, il s'agit d'une mesure contraire aux dispositions de la Constitution et de la légalité constitutionnelle ».
Dans un post publié sur sa page officielle du réseau social « Facebook », Zoghlami a ajouté : « J'aurais souhaité que le choix d'une femme à la tête du gouvernement soit effectué dans le cadre de la légalité. Cela n’enlève rien au respect que je porte pour Madame Najla Bouden ».
De son côté, le Secrétaire général du Courant démocrate (22 sièges), Ghazi Chaouachi, a accueilli favorablement la désignation de Najla Bouden, en tant que première femme chargée de présider un gouvernement tunisien, mais « tout en disposant de l'intégralité des prérogatives constitutionnelles ».
Dans un post publié sur sa page Facebook, Chaouachi a souligné : « J'attends toujours que le chef de l'Etat se rétracte du décret présidentiel 117 violant la Constitution » (publié la semaine passée).
Pour sa part, Oussama Khelifi, chef du bloc de « Qalb Tounes » (28 sièges), à « formulé l'espoir que Madame Bouden obtienne la confiance du Parlement après la formation de son gouvernement, comme le dispose l'article 89 de la Constitution, afin que ce gouvernement devienne légitime ».
Et Khelifi de poursuivre, dans un post Facebook : « Je lui souhaite plein succès dans sa mission en tant que première femme chargée de présider le gouvernement dans l'histoire de la Tunisie », affirmant que « la Constitution sera décisive ».
Pour sa part, le député indépendant, Sahbi Smara, a exprimé son « espoir de voir le gouvernement de Najla Bouden obtenir l'approbation du Parlement ».
Dans une déclaration faite à une radio privée locale, Smara a indiqué que « ce gouvernement ne peut être légal sans approbation par la majorité des députés du Parlement ».
Dans le même ordre d'idée le dirigeant démissionnaire du mouvement Ennahdha, Samir Dilou, a fait part, dans un post publié sur sa page Facebook, que « la désignation de Najla Bouden, nouvelle cheffe de gouvernement, désormais première femme à ce poste dans l'histoire de la Tunisie, est une décision qui mérite d'être saluée ».
S'adressant à Bouden, Dilou a ajouté : « Le fait que votre désignation soit fondée sur le décret 117 fait d’elle une désignation contraire à la Constitution et votre gouvernement sera un gouvernement illégal. Malgré cela, je vous souhaite plein succès au service des Tunisiens ».
- Une nomination saluée
A l'opposé, la présidente de l'Union Nationale de la Femme Tunisienne (UNFT, indépendant), Radhia Jerbi, a considéré « la désignation de Najla Bouden en tant que première femme à la tête du gouvernement, est un couronnement du militantisme des Tunisiennes, à travers plusieurs décennies, pour atteindre le stade de la citoyenneté complète et de la légalité et pour parvenir aux postes décisionnels, tout en contribuant à la gestion de la chose publique ».
Dans une déclaration faite sur les ondes d’une radio privée locale, Jerbi a lancé : « Le chef de l'Etat a rassuré à travers cette nomination l’UNFT en termes de respect des droits des femmes ».
Pour sa part, la présidente de l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD, indépendant), Neila Zoghlami, a, dans une déclaration faite à la même radio, souligné que « le fait que le chef de l'Etat ait chargé une femme de former le prochain gouvernement est une demande formulée par l'AFTD depuis la première rencontre qu'elle a eue avec le président, à côté de la réclamation d'un gouvernement paritaire ».
Zoghlami a considéré que « plus important que la désignation de Najla Bouden en tant que première femme dans l'histoire de la Tunisie pour former le gouvernement, sont le programme, les prérogatives et la composition ».
Le choix de Najla Bouden à ce poste intervient sur fond d'une crise marquée par des conditions économiques difficiles que traverse la Tunisie aggravées par les retombées de la pandémie de Covid-19 et de l'instabilité politique chronique dont souffre le pays depuis plusieurs années.
Source : AA