L’évasion de six prisonniers palestiniens de la prison israélienne de haute-sécurité de Gilboa a laissé le monde admiratif après que les six détenus avaient réussi de creuser un tunnel depuis l'intérieur de leur cellule jusqu'en dehors de l'établissement pénitentiaire. Toutefois, la durée de leur fuite n'a pas duré longtemps.
Des spécialistes des questions des prisonniers ont déclaré dans des entretiens avec l'Agence Anadolu que plusieurs facteurs ont milité pour que la durée d’évasion des prisonniers soit courte.
Il s’agit, en particulier, des capacités gigantesques dont dispose Israël, de sa domination des territoires de la Cisjordanie occupée et de la méconnaissance des prisonniers de la réalité en dehors de la prison.
Malgré cela, nos interlocuteurs ont évoqué ce que l'évasion a véhiculé comme messages et comme illustrations aux plan local et international, s'agissant, notamment, de la question des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes, en particulier, les plus anciens parmi eux, une question remise aux devants de la scène.
Dimanche à l'aube, l'armée israélienne a arrêté Ayham Kamamji et Mounadhil Nafi’at – les deux derniers prisonniers encore en fuite - dans la zone-est de la ville de Jénine, située dans le nord de la Cisjordanie occupée.
Selon un communiqué de la police israélienne, « les deux individus recherchés ont été interpellés, alors qu'ils étaient en vie et sans résistance. Ils ont été transférés pour interrogatoire par le Service de sécurité intérieure israélien ».
Le 6 septembre dernier, les six prisonniers ont creusé un tunnel depuis leur cellule jusqu’en dehors de la prison. Quatre parmi eux ont été arrêtés, les 10 et 11 septembre. Il s'agit de Mohamed Al-Ardha, de Mahmoud Al-Ardha, de Zakariya Zoubeidi et de Yaakoub Qadri.
- De la petite à la grande prison
Walid Al-Hawdeli, un ancien prisonnier, estime que « le sort connu par les détenus était prévu », adressant ses reproches à ceux qui ont « extrapolé » sur les possibilités et moyens, dont disposaient les détenus.
Ancien prisonnier, Walid Al-Hawdeli a eu plusieurs publications dans le champ de la « Littérature de la prison », dont la pièce de théâtre « le Tunnel » qui a pour sujet un cas d'évasion de prison.
En évoquant les facteurs de l'échec des prisonniers à s'évader pour une plus longue période, Al-Hawdeli a indiqué que leur « fuite fut courte dans la durée mais longue et importante dans sa signification ».
Il a estimé qu'il était « erroné de traiter cette affaire sous le prisme du miracle, dès lors qu'il s'agit d'un effort humain. Les prisonniers n'ont ménagé aucun effort et, muni d'outils simples et de possibilités réduites, ils ont obtenu quelque chose de grandiose et adressé tous leurs messages ».
Al-Hawdeli a relevé, également, « le fossé qui sépare les moyens dont disposent les prisonniers palestiniens et ceux aux mains de l'Israël. L'Etat de l'occupation a mobilisé tous ses moyens pour rechercher ces individus ».
« Malgré cela, a-t-il indiqué, les prisonniers ont atteint 90% de leurs objectifs ».
« Les prisonniers se sont libérés d'une petite prison pour rejoindre la grande prison », a-t-il dit.
« S'ils ont réussi à fuir la petite prison, ils n'ont pourtant pas réussi à s'évader de la grande prison et cela fait partie d'une bataille fondée sur le conflit des cerveaux et des volontés entre le prisonnier et son tortionnaire », a-t-il expliqué.
L'auteur palestinien adresse, par ailleurs, ses reproches à ceux « qui ont élevé le plafond des attentes et des espoirs sans prendre en considération les données de la réalité, ceux qui ont scandé des slogans loin des véritables moyens des prisonniers palestiniens ».
Malgré cela, Al-Hawdeli a souligné que « les messages adressés par les prisonniers lors de cette opération sont multiples et importants, notamment celui stipulant que la liberté est une quête à laquelle il ne faut jamais renoncer ».
Il a ajouté que « la liberté a toujours été présente dans leurs esprits tout au long des années de détention et ils ont réussi à faire acheminer leur message à tous les êtres libres au monde qu'ils sont des otages privés de leur liberté et qu’ils ont le droit de se libérer ».
Il a conclu son entretien en indiquant que « les six prisonniers représentent une affaire et non pas des individus. Ils illustrent l'affaire centrale de la Palestine, qu'ils ont remis aux devants de la scène mondiale sous son véritable visage, loin des solutions économiques et de l'amélioration des conditions de vie des habitants sous le joug de l'occupation, comme certains souhaitent le véhiculer ».
- Une « réarrestation » attendue
Pour sa part, le directeur du Centre des Etudes sur les prisonniers (non-gouvernemental), basé à Gaza, Riyadh Ai-Achkar a souligné que « l'arrestation à nouveau des prisonniers est somme toute naturelle et attendue, compte tenu de la force de l'occupation et de sa domination totale de la Cisjordanie occupée ».
Il a indiqué que « les moyens de pointe dont dispose l'occupation, aux plans militaire et sécuritaire, ont rendu quasiment impossible la réussite de l'évasion pour une période plus longue ».
« Certes, les six prisonniers ont réalisé l'impossible en se libérant mais les prévisions indiquaient toutes que leur période de liberté sera assez courte », a-t-il ajouté.
Il a motivé cela par « la mobilisation par Israël de milliers de soldats pour rechercher les prisonniers et sa domination totale du territoire en Cisjordanie ».
Quant à l'importance et au message de l'opération de l'évasion en elle-même, il a indiqué que « la réussite des prisonniers à s'évader a constitué une gifle magistrale infligée à l'occupation, en particulier, à l'établissement pénitentiaire de haute sécurité de Gilboa ».
« La réussite du l'opération de l'évasion a poussé l'occupation à intensifier ses efforts de recherche des prisonniers dans une tentative de récupérer un tant soit peu leur prestige entamé et perdu », a-t-il conclu.
- Ils ont transmis le message
De son côté, Helmy Al- A’araj, directeur du Centre de la défense des libertés et des droits civiques (non-gouvernemental), a souligner que « l'évasion représente en elle-même une affirmation du droit des prisonniers à la liberté et qu'en cas d'impasse et d'absence d'espoir et d'horizon, ils ont arraché leur liberté par la force de leurs mains ».
Il a ajouté que « l'opération de libération en elle-même représente un message adressé au monde entier, un message portant sur le droit des prisonniers et des prisonnières à se libérer de la détention ».
Le directeur du Centre a relevé que « les six prisonniers ont réussi à remettre la question des détenus aux devants de la scène et de l'opinion publique internationale en affirmant à la communauté internationale qu'il existe des prisonniers qui souffrent de cette occupation depuis de longues années et qu’ils sont déterminés à arracher leur liberté ».
Le militant palestinien a relevé que « le message des prisonniers est arrivé à bon port » et que « les différents médias internationaux ont fait écho des actes héroïques des détenus et comment ils ont réussi un miracle en faisant essuyer une défaite à un système de sécurité parmi les plus sévères et les plus développés ».
Au plan interne, a-t-il relevé, « la question des prisonniers a bénéficié de l'adhésion de la Rue palestinienne qui a fait part de sa fierté de ses héros ».
Il a estimé dans ce cadre que n’eut été l'appui populaire, l'occupation israélienne aurait procédé à l'exécution de ces prisonniers.
Toutefois, a-t-il dit, « la crainte de Tel-Aviv d'une explosion de la situation qui pourrait aboutir à un soulèvement ou à une Intifada populaire générale et probablement à une escalade militaire à Gaza, a permis de protéger les prisonniers en poussant l'occupation à les interpeller au lieu de les exécuter ».
Quelque 4850 Palestiniens croupissent dans 23 prisons et maisons d'arrêt israéliennes, dont 441 femmes, 225 enfants et 540 prisonniers administratifs, selon des institutions spécialisées dans les affaires des prisonniers.
Source : AA