Depuis quelques années, les médicaments sont devenus un problème de sécurité nationale dans la mesure où de plus en plus un risque de pénurie est mis en avant par les laboratoires pharmaceutiques.
Mais d’après un documentaire diffusé le 9 septembre par la chaine française "France 2" dans l’émission "Complément d’Enquête", certains fabricants ont volontairement réduit la production afin de pousser les états notamment européens à revoir les prix à la hausse.
Ainsi selon ce documentaire, la firme Alspen, qui distribue notamment le médicament Alkeran, vital pour un traitement anti-cancer, a eu recours à des procédés très contestables, allant jusqu'à mettre la vie de plusieurs dizaines de personnes en danger, selon l'enquête.
L’entreprise aurait donc volontairement organisé des fausses ruptures de stocks pour faire exploser les prix de ces deux médicaments.
Le problème avec cette entreprise, comme le révèle "Complément d’enquête", c’est qu’elle détient le monopole de la commercialisation de cet anticancéreux dans toute l’Europe et qu'en ce sens elle aurait volontairement organisé sa pénurie.
-Une enquête de quatre ans
En réalité, c’est après quatre ans d'enquête, de la part de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne que l’arnaque concernant 25 pays européens a pu être révélé au grand public. La commission ayant enquêté uniquement en Europe, il est très probable que d’autres pays extra-européens aient pu également subir le même sort.
"Un document interne résumait assez clairement la stratégie, pour toute l'Europe, de négociation avec les autorités nationales", explique Rainer Becker, chef d'unité de la Direction de la concurrence de la Commission européenne.
Ainsi, la commission a pu accéder à des mails dans lesquels un cadre d’Aspen transmet ses consignes à ses commerciaux:
"Les prix doivent être augmentés (...). C'est à prendre ou à laisser. (...) Si les ministères de la Santé, dans chaque pays, n'acceptent pas les nouveaux prix, on retire les médicaments de la liste des produits remboursables ou on arrête d'approvisionner. Aucune négociation possible."
D’ailleurs, toujours selon le documentaire, face à ces "chantages", l’Italie a dû procéder à des augmentations de prix allant de "300%, 400% et jusqu'à 1 500% pour certains traitements".
Y’a-t-il d’autres cas ?
Le 30 octobre 2017, l’entreprise pharmaceutique suisse, ROCHE, avait informé le gouvernement grec de son intention de retirer un nouveau médicament oncologique du marché, arguant que les interventions du gouvernement dans la tarification des médicaments avaient fait chuter de 50 % le prix de la molécule. Athènes avait dénoncé alors une "forme de chantage".
Le géant américain qui commercialise actuellement le vaccin contre le coronavirus avait fermé deux usines de productions en France, en 2004 jugeant les prix trop bas.
Il faut dire que les laboratoires pharmaceutiques suscitent souvent la polémique, d’une part pour leur chiffre d’affaires de quelques milliards de dollars gagnés sur le dos des malades, mais aussi car ils déplacent leurs productions dans des pays à bas cout afin de gagner toujours plus.
Même actuellement plusieurs pays comme l’Inde ou l’Afrique du Sud réclament la levée des brevets sur le vaccin anti-covid mais les producteurs restent insensibles aux appels. Ni le soutien du président américain Joe Biden ni celui du président français Emmanuel Macron n’y changent quelque chose. Il faut aussi noté qu’ils n’ont pas vraiment insister sur ce sujet mis à part quelques déclarations de politesses.
D’ailleurs l’Allemagne a même pris position contre ces demandes étant donné que le vaccin le plus vendu et commercialisé par Pfizer est fabriqué par une entreprise allemande.
Les choses peuvent-elles changer ?
Pour l’instant, il semble que les choses n’évolueront pas aussi facilement que ça. Plusieurs pays sont trop dépendants de ces "marchands d’espoirs" pour pouvoir se positionner contre eux. Pourtant, il y’a aussi quelques espoirs.
La Turquie est actuellement en phase trois avec son vaccin anticovid Turkovac. Le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, a annoncé lors d’un point presse le jeudi 9 septembre, que la phase trois des essais cliniques prendra fin vendredi et que la Turquie va autoriser la commercialisation du médicament dans les prochains jours.
Alors pourquoi ce vaccin est important ? En fait, il y’a quelques mois, lorsque la Turquie a annoncé qu’elle avait entamé des recherches afin de produire son propre vaccin, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait clairement pris position pour une distribution internationale à tous les pays du monde dans le besoin.
"Nous allons mettre à disposition de l’humanité notre vaccin" avait-il fait savoir. De ce fait, pour la première fois, un pays va distribuer gratuitement son vaccin sans faire appel à des dons de citoyens.
Si la Turquie réussi ce paris, cela pourra complétement changer la donne et beaucoup de pays pris au piège par des multinationaux pourront se libérer.
Source : AA