Afghanistan : les talibans ont pris possession de deux capitales régionales

La victoire est très symbolique pour les talibans et elle pourrait avoir un effet psychologique dévastateur pour l’armée afghane, dont le moral est déjà au plus bas. Les insurgés se sont emparés de deux villes : Zaranj et Sheberghan. Ce sont les premières capitales provinciales à tomber entre leurs mains depuis le début de leur offensive, en mai.

Les talibans ont pénétré à Zaranj, vendredi 6 août, la capitale de la province de Nimroz, dans le sud-ouest de l’Afghanistan, sans rencontrer « aucune résistance », a déclaré Roh Gul Khairzad, la gouverneure adjointe de la province. Petite ville située à la frontière avec l’Iran, Zaranj vaut surtout pour son importance économique. Sa prise permet également aux insurgés de contrôler une nouvelle partie des frontières afghanes.

Les talibans avaient auparavant déjà fait main basse sur plusieurs postes-frontières cruciaux avec l’Iran, le Tadjikistan, le Turkménistan et le Pakistan. Tous sont une source vitale de revenus tirés des droits de douane.

Samedi, les insurgés se sont également emparés de la ville de Sheberghan, dans le nord-ouest du pays, a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) Qader Malia, vice-gouverneur de la province de Djozdjan, dont Sheberghan est la capitale. « Les forces [afghanes] et les responsables ont fui vers l’aéroport », a-t-il ajouté.

La province de Djozdjan est le bastion du maréchal Dostom, puissant dirigeant de milice, réputé pour sa loyauté versatile et sa barbarie. Si Sheberghan devait rester aux mains des talibans, ce serait un nouveau revers pour le gouvernement, qui a récemment fait appel aux anciens chefs de guerre et à diverses milices pour tenter de juguler l’avancée des insurgés.


Les ressortissants britanniques appelés à quitter le pays

Le président de la république du Tadjikistan, Emomali Rahmon, a affirmé vendredi que les talibans contrôlaient la totalité de la frontière entre l’Afghanistan et son pays, soit près de 1 300 kilomètres, lors d’un sommet réunissant les chefs d’Etat des cinq ex-républiques soviétiques d’Asie centrale – Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan, Kirghizistan et Kazakhstan.

Les insurgés se sont emparés depuis trois mois de vastes territoires ruraux lors d’une offensive éclair lancée à la faveur du retrait des forces internationales, qui doit être complètement achevé d’ici au 31 août. Après avoir rencontré une faible résistance dans les campagnes, ils dirigent depuis quelques jours leurs offensives contre les grandes villes, encerclant plusieurs capitales provinciales.

La situation a conduit le Royaume-Uni à demander à ses ressortissants de quitter immédiatement l’Afghanistan au vu d’une « situation sécuritaire qui empire ». « Il est conseillé à tous les ressortissants britanniques en Afghanistan de partir dès maintenant via des moyens [de transport] commerciaux », a écrit vendredi le ministère des affaires étrangères britannique sur son site Internet. Les autorités britanniques déconseillent tout voyage dans le pays et préviennent qu’elles ne sont en mesure de fournir qu’une assistance « extrêmement limitée ».

Des responsables gouvernementaux ciblés

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, l’émissaire de l’ONU en Afghanistan, Deborah Lyons, a appelé les talibans à « cesser » leurs « attaques contre les villes », demandant au Conseil d’adresser un avertissement « sans ambiguïté ».

Quelques heures auparavant, les talibans avaient tué Dawa Khan Menapal, un ancien porte-parole adjoint du président afghan, Ashraf Ghani, selon le ministère de l’intérieur du pays. Les insurgés ont ainsi mis leur menace à exécution, après avoir promis, mercredi, de mener de nouvelles opérations de « représailles » contre de hauts responsables gouvernementaux en réponse à la campagne de bombardements aériens de l’armée afghane. Les armées afghane et américaine ont procédé ces derniers jours à de multiples frappes aériennes pour tenter de freiner l’avancée des talibans sur plusieurs centres urbains majeurs.

M. Menapal était une figure bien connue de la communauté des médias à Kaboul. Cet ex-journaliste s’en prenait régulièrement aux talibans sur les réseaux sociaux, souvent avec ironie. Sediq Sediqqi, ancien porte-parole du chef de l’Etat, s’est dit « profondément choqué et bouleversé d’apprendre que [son] ami et ancien collègue avait été tué par les ennemis de [leur] pays ».

Les talibans, qui avaient déjà ciblé, mardi, à Kaboul le ministre de la défense, le général Bismillah Mohammadi, sorti sain et sauf de cette attaque qui a fait huit morts, n’ont pas tardé à revendiquer cet assassinat.

Aucun endroit sûr où se réfugier

Vendredi, les combats se sont par ailleurs poursuivis à Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand, dans le sud du pays, où l’armée a lancé une contre-attaque mercredi soir.

Les bureaux de l’ONG Action contre la faim ont été touchés, jeudi, par un « bombardement aérien ». « Le bâtiment était clairement identifié comme appartenant à une organisation humanitaire, que ce soit de la rue ou du toit de l’immeuble. Par ailleurs, son emplacement a été communiqué à plusieurs reprises aux parties au conflit », a souligné l’ONG.

Les civils continuent de tenter de fuir les zones de combat, comme l’armée les y a invités, mais sans avoir aucun endroit sûr où se réfugier. Mohammad Qaim, 35 ans, a fui Lashkar Gah pour se rendre à Kaboul. « Les talibans pourront peut-être prendre plus de villes », s’est-il inquiété, affirmant que la situation dépendait de l’interférence de pays tiers. « La guerre est imposée aux Afghans, et les Afghans brûlent », a-t-il fustigé.

De Kunduz, ville du Nord assiégée par les talibans depuis plusieurs semaines, l’activiste Rasikh Marof a raconté à l’AFP que les combats avaient fait rage, la nuit dernière, près du centre-ville, sans que les talibans puissent gagner du terrain. Les forces gouvernementales ont « sérieusement défendu » la ville pour empêcher les talibans d’entrer, a-t-il expliqué, précisant que ces derniers utilisaient « des mortiers et des armes lourdes ». Les forces afghanes ont eu recours à des frappes aériennes, selon M. Marof et un responsable local.

Le docteur Fazli, responsable de la santé pour la province de Kunduz, a recensé 38 blessés et 11 morts civils, emmenés à l’hôpital principal de la ville depuis la reprise des violences la nuit dernière. « Les ambulances ne peuvent pas se déplacer à cause des combats », a-t-il ajouté, précisant que ces chiffres pourraient augmenter dans la journée.

Source: LeMonde

De la même section International