La mer Noire ... une zone de rivalité acharnée entre les puissances mondiales

Washington et Londres s'emploient, avec le concours d'autres pays membres de l'OTAN, à empêcher l'expansion de l'influence russe dans la région, à travers une série de programmes d'aide et de « révolutions colorées »

La région de la mer Noire, qui se caractérise par son importance cruciale, en particulier dans les champs de l'économie, du transport et du commerce, a abrité de nombreuses civilisations à travers l'Histoire, ce qui en a fait l’une des principales zones faisant l’objet de concurrence et de rivalité entre les puissances régionales et mondiales.

En évoquant la région de la mer Noire, au cours de la période de l’après-guerre froide, il convient de rappeler le concept de la « mer Noire étendue », qui est apparu lors de la création de « l'Organisation de coopération économique de la mer Noire » (OCEMN).

La Guerre froide révolue, des mécanismes ont été créés, à l'instar du « Groupe d'action de la coopération maritime de la mer Noire » et du « Mouvement de coordination de la coopération en mer Noire », tout en gardant les mécanismes spécifiques d’autres organisations, telles que l'Union européenne (UE), l'OTAN, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), et ce pour garantir la sécurité dans la région.

Les Etats-Unis, qui se sont employés à préserver leur domination à travers la proclamation de « Nouvel ordre mondial », après l'effondrement de l'Union soviétique, considèrent la mer Noire comme étant l'unique mer qu’ils ne peuvent pas infiltrer, bien qu'elle représente un intérêt névralgique pour cette puissance.

Ainsi, la stratégie américaine dans la région vise à adhérer à des projets relatifs à la mer Noire pour empêcher d'éventuels concurrents de se transformer en de véritables adversaires qui mettront sur pied des alliances régionales pour contrer l'hégémonie américaine.

A son tour, l'OTAN s'emploie, dans le cadre de son projet portant édification d'une « Europe unie et libre », à intégrer la région dans le Système occidental.
Les Etats-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni ont pour but de transformer la mer Noire en un « lac soumis à la domination occidentale », à travers les efforts déployés, via l'OTAN, qui assume une responsabilité de premier plan dans la préservation de la sécurité dans la région de l’Europe occidentale et atlantique.
En plus de cela, Washington et Londres s'emploient, avec le concours d'autres pays membres de l'OTAN, à empêcher l'expansion de l'influence russe dans la région, à travers une série de programmes d'aide et de « révolutions colorées », ainsi que de projets appelés officiellement à mettre fin aux conflits régionaux et à garantir la sécurité énergétique.

- La Russie renforce sa domination sur la mer Noire

D'autre part, la Russie s'emploie à élargir sa domination dans le bassin de la mer Noire qu'elle considère comme étant un « champs névralgique » qui préserve ses intérêts stratégiques, ce qui s'illustre dans plusieurs dossiers, tels que les secteurs de la sécurité régionale, le commerce, les bases de sa flotte militaire et le transport de l'énergie.

La Russie vise à renforcer sa domination dans l'objectif ultime d'accéder à la Méditerranée à travers la mer Noire et les détroits turcs.

Ces efforts et activités de la Russie qui lui ont permis de renforcer sa présence dans le détroit de Kertch et dans la mer d’Azov, ont abouti au changement de l'équilibre en termes de forces militaire et politique dans le bassin de la mer Noire, afin d’entraver l'influence de l'OTAN et de l'Occident dans la région, d'une certaine manière.

La Russie tente, à travers sa « stratégie impérialiste historique », à garantir la domination du bassin méditerranéen à travers une démonstration de force dans la région, et la récupération de l’influence dont elle disposait du temps de l'ère soviétique.

Dans le cadre de cette vision, la Russie a accru les effectifs de sa flotte en mer Noire qui atteignent désormais 25 000 soldats, 21 bâtiments de guerre, 7 sous-marins et 200 bateaux de soutien, en plus de 28 000 soldats des forces marines dépêchés dans la région.

Après l'annexion de la péninsule de la Crimée en 2014, la Russie a renforcé la présence de sa flotte militaire au port de Sébastopol en Crimée et déployé son système de défense antiaérienne et antimissile mobile S-400, ses missiles antinavires subsoniques KH-35 U, ses avions de combat Soukhoï SU-24 et Su-30M.

En déployant également des hélicoptères de type KA-27/29 en Crimée, Moscou vise à travers ces mesures à endiguer l'extension de l'influence des pays occidentaux dans ces régions, qu'elle considère comme étant névralgiques pour ses intérêts et pour accroître sa domination dans « son environnement proche ».

Dans le cadre de cette politique de contrôle de l'environnement proche adoptée par Moscou, la région a été émaillée par une série d'événements, notamment la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008, la crise qui a opposé la Russie à l'Ukraine en 2014 et l'occupation puis l'annexion ultérieure de la péninsule de la Crimée.

En empêchant la Géorgie et l'Ukraine de rejoindre le giron de l'OTAN, la Russie est parvenue à éviter l'expansion de l'alliance transatlantique dans la zone de la mer Noire, ce qui a conduit à l'extension de la domination russe dans la région notamment après la modernisation introduite sur sa flotte maritime et ses forces terrestres.
La rude rivalité dans la région a transformé la vision du concept de la sécurité et a fait de tout équilibre une donne ultra-sensible, particulièrement avec la poursuite par Moscou de ses politiques « expansionnistes et agressives ».
Au cours des dernières années, les relations entre la Turquie et la Russie ont été marquées par l'établissement d'une forte alliance dans la région, s’agissant notamment des questions relatives à la sécurité en mer Noire, tandis que les Etats occidentaux assument la responsabilité de faire face à l'expansion russe dans le bassin de la mer Noire, ce qui laisse présager une nouvelle guerre froide entre les puissances occidentales et Moscou.

- Le navire britannique a testé la réaction de la Russie

Au vu des stratégies antagonistes et des intérêts névralgiques divergents mentionnés plus haut, la mer Noire s'est transformée, au cours des derniers jours, en une nouvelle scène de tensions entre les puissances mondiales.
Dans un communiqué rendu public par le ministère de la Défense russe, en date du 23 juin 2021, il a été fait mention que le destroyer de défense britannique HMS Defender a violé les eaux territoriales russes dans le sud de la Péninsule de la Crimée, considérée par la Russie comme faisant partie intégrante de son territoire.

Le communiqué indique, également, que l'armée de l'air russe a dépêché un avion de combat SU-24M pour pourchasser le destroyer britannique, tandis qu'un navire russe chargé de protéger les frontières avait procédé à des tirs d'avertissement à l'endroit du navire britannique. L’avion militaire russe a bombardé la trajectoire du navire britannique comme mesure d’avertissement.

De leur côté, des responsables britanniques ont démenti la version russe.

Le Secrétariat d'Etat britannique à la Défense a indiqué dans un communiqué qu'aucun tir d'avertissement n'a été effectué en direction du destroyer britannique qui n’accomplissait qu'un passage inoffensif à travers les eaux territoriales ukrainiennes conformément au droit international.

Le Secrétaire d'Etat britannique à la Défense, Ben Wallace, a déclaré que son pays « n’hésitera pas à défendre les règles du droit international dans la mesure où l'incident s'est déroulé dans les eaux territoriales de la Crimée », qu'il considère comme relevant de l'Ukraine, conformément aux règles du droit international, et qualifiant les déclarations russes de « tromperies et d’allégations ».
De son côté, le ministère russe de la Défense a réclamé de Londres de contrôler les mouvements de l’équipage du navire, considérant l'accès du bateau britannique dans les eaux territoriales de la Péninsule de la Crimée comme étant une violation des accords onusiens, évoquant la possibilité de bombarder tout navire qui violerait les eaux territoriales russes.
Moscou a considéré que cet incident, qui a duré plus d'une vingtaine de minutes, et qui a été clôturé par le départ du navire britannique, était plutôt une sorte de « test de la réaction de la Russie » de la part de l'OTAN.

- Des tentatives occidentales pour infiltrer la région

Après l'accroissement des tensions dans la région de la mer Noire, les regards se sont tournés vers le président russe, Vladimir Poutine, qui a considéré l'accès du navire de guerre britannique dans les eaux territoriales de la péninsule de la Crimée comme étant un acte « illégal ».

Poutine considère, également, que la violation par le bateau britannique des eaux territoriales russes avait pour objectif de surveiller la réaction de Moscou, relevant que le navire naviguait dans la mer Noire en coordination avec les Etats-Unis.

« Même si nous aurions fait couler le bateau, a-t-il dit, il serait difficile de prévoir que le monde se trouvera au bord d'une troisième guerre mondiale, dans la mesure où les puissances qui procèdent à tels actes sont conscientes qu'elles ne sortiront jamais victorieuses d'une pareille guerre ».

En résumé, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique visent à intégrer la région de la mer Noire dans l'ordre capitaliste mondial, à travers le « Nouvel ordre mondial », et dans le projet de « l'Europe Unie et Libre », au sein duquel l'Alliance transatlantique joue un rôle de premier plan pour garantir la complémentarité de la région avec le système occidental, que ce soit à travers l'adhésion ou la coopération, comme c'est le cas pour la Géorgie ou l'Ukraine.

D'autre part, la Fédération de Russie s'emploie à développer une stratégie pour éviter que la région de la mer Noire ne s'éloigne de sa zone d'influence et de domination, et de transformer cette Mer en un lac dans le giron de l'OTAN, parallèlement à des tentatives accélérées pour atteindre les eaux chaudes.

La région du bassin de la mer Noire connaît toujours une rude rivalité entre les puissances mondiales, au moment où le monde attend de ces puissances de réactiver le rôle des mécanismes diplomatiques pour parvenir à une désescalade et éviter d'accroître les tensions, afin d'empêcher de transformer la mer Noire en une nouvelle source de menace de la sécurité de la région et du monde.

Source : AA

De la même section Contributions