Le petit pays balte compte sur la présence de troupes de l’Otan (alliance de pays d’Europe et d’Amérique du Nord) pour dissuader Moscou de tout aventurisme militaire ou politique.
Sur les cartes de l’Europe de l’Est, l’Estonie est discrète : ses 1 200 000 habitants sont dispersés sur 220 km de la côte de la Baltique à la frontière sud et 270 km d’Ouest en Est. Cet Est qu’une rivière paisible, la Narva, sépare de son omniprésent voisin russe.
Indépendante de la Russie en 1918, puis de l’URSS en 1991, l’Estonie était une république soviétique depuis 1940. Après 1991, elle a rejoint l’Union européenne et l’Otan, conservant au plus profond de sa culture un solide ressentiment à l’égard de la Russie, voire une certaine angoisse. Ce que ne cache pas la présidente estonienne, la francophile Kersti Kaljulaid.
L’adversaire, reconnait-elle, c’est la Russie de Vladimir Poutine. Celle qui au nom du droit des minorités russophones n’hésite pas à bafouer le droit des nations à décider de leur futur
, explique la Présidente. Celle qui pratique l’ingérence dans les affaires de Géorgie, d’Ukraine… et si l’avalanche continue, dans les affaires de la Moldavie
, s’inquiète Kersti Kaljulaid.
Les Estoniens ont grandi avec cette menace russe. C’est dans leur ADN
, explique Tuuli Duneton, la directrice du département Politique, au ministère estonien de la Défense, qui défend la Nation contre tous les adversaires, quelles soient leur taille et la nature de la menace
.
La menace, effectivement, ne prend pas seulement la forme d’une déferlante blindée dévalant de l’Est et fonçant dans la plaine côtière estonienne vers Tallinn, fringante capitale du petit État balte.
Ingérences
En 2006, le déplacement du Soldat de Bronze, un monument à la gloire de l’Armée Rouge, du centre de Tallinn vers la banlieue a provoqué l’émoi d’une partie de la communauté russophone (25 % de la population). Trois nuits de heurts entre nationalistes estoniens et groupes extrémistes russes ont fait un mort et 57 blessés et débouché sur 300 arrestations.
En avril 2007, une cyber-attaque massive a visé les infrastructures de l’État estonien. Moscou a aussitôt été accusé d’avoir mené, ou au moins inspiré, cette cyber-ingérence qui a paralysé l’e-démocratie estonienne.
Par la suite, les Estoniens ont assisté, avec une inquiétude croissante, aux interventions russes en Géorgie puis en Ukraine. En août 2008, la guerre russo-géorgienne s’est conclue avec la prise de contrôle de deux régions géorgiennes (Ossétie du Sud et Abkhazie) par Moscou.
En 2014, l’occupation de la Crimée par des forces russes a conduit à l’annexion par la Fédération de Russie de la péninsule et de la ville de Sébastopol. Dans la foulée, c’est dans le Donbass que le centre de gravité de l’ingérence russe s’est déplacé. Depuis lors, une guerre tantôt ouverte tantôt larvée oppose l’armée ukrainienne aux miliciens soutenus par Moscou.
Enfin, les pays baltes assistent désormais au rapprochement russo-biélorusse. Le président Poutine a loué vendredi dernier l’union
en construction avec son homologue Alexandre Loukachenko, au moment où celui-ci est sous le feu des critiques européennes après le détournement d’un avion de ligne pour arrêter un journaliste.
Parapluie otanien
Pour autant, l’Estonie est-elle une cible russe ? La présidente estonienne estime que non parce que l’Otan est présent chez nous et que sa dissuasion est absolue
.
Effectivement, depuis le Sommet de Varsovie en 2016, l’Alliance Atlantique a mis en place une présence avancée
(Enhanced Forward Presence) avec quatre bataillons multinationaux déployés en Pologne, Lituanie, Lettonie et Estonie. Ces unités, en vertu de l’article V du traité de l’Atlantique Nord, contribueraient en cas d’attaque à la défense des quatre États. C’est un message à la Russie. Un message que l’Ukraine, qui n’est pas dans l’Otan, n’a pas pu lancer à Moscou
, précise une analyste du ministère de la Défense estonien.
En Estonie, les Britanniques, les Danois et les Français arment ce bataillon. Mais il est clair qu’à Tallinn, on compte avant tout sur les États-Unis et on verrait d’un bon œil un déploiement robuste et permanent de troupes américaines, à l’image de ce qui a été réalisé en Pologne. Si les Américains sont intéressés, nous le sommes aussi
, reconnaît la présidente Kersti Kaljulaid, tout en précisant qu’elle se satisfait de l’actuelle présence française et britannique (1 100 soldats au total).
Même message au ministère de la Défense : Nous comptons sur nos amis américains. Mais il ne s’agit pas qu’ils remplacent les Européens avec lesquels nos forces s’entraînent et avec qui nous bâtissons une culture militaire commune
.
Le général Indrek Sirel, chef d’état-major adjoint des forces armées estoniennes, a donc confiance
: ses 24 000 soldats (réservistes compris), épaulés par l’Otan, dissuaderont le grand voisin
de tout aventurisme militaire.
Source : ouest-france.fr