"Les victimes sont transformées en délinquants", selon Assa Traoré'
Une éminente militante française des droits de l'homme, membre de la communauté noire, a répondu, samedi, aux questions du correspondant de l'Agence Anadolu, évoquant la mort de son frère lors d'une garde à vue dans la caserne de la gendarmerie de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), ainsi que le problème du racisme en France.
Assa Traoré, distinguée par le magazine "Time", qui l'a désignée comme l'un des "Gardiens de l'année 2020", est une icône de la lutte contre les violences policières en France.
Adama Traoré, frère d'Assa Traore, est mort le 19 juillet 2016, jour de son 24e anniversaire, sur le sol de la caserne de Persan à la suite de son interpellation par les gendarmes.
Ses derniers mots : "Je n’arrive pas à respirer", furent les mêmes que ceux de George Floyd, 46 ans, asphyxié par un policier lors de son arrestation dans la ville américaine de Minneapolis et dont l’agonie avait été filmée. Les images de l’homme suppliant "I can’t breathe" avaient enflammé les Etats-Unis, comme le rappelle le journal Le Monde dans un article publié le 03 juillet 2020.
Selon une première déclaration, Adama Traore s'est vu demander une pièce d'identité par les gendarmes. Après une course-poursuite, il a été embarqué dans un véhicule de la gendarmerie où il a été pris de malaise.
Bien qu'une équipe d'aide d'urgence ait été appelée, il est décédé avant l'intervention médicale, indique la déclaration.
Un rapport d'autopsie a indiqué qu'une insuffisance cardiaque était la cause du décès, mais une deuxième autopsie commanditée par la famille Traore a indiqué que c'était une asphyxie due à une pression soutenue qui était la cause du décès.
Les gendarmes impliqués dans l'incident ont été disculpés par une enquête. La mort de Traore a toutefois déclenché une vague de troubles dans les banlieues majoritairement peuplées de migrants.
Sa sœur, Assa Traore, a publié en juillet 2019, au troisième anniversaire du décès, une tribune sur le compte Facebook du collectif "La Vérité pour Adama", qu’elle a intitulée "J'accuse", en référence à la fameuse formule d'Emile Zola, et dans laquelle elle accusait les gendarmes impliqués dans l'interpellation d'avoir causé la mort de son frère.
Fait notable, la défense des gendarmes a été assurée par Rodolphe Bosselut, avocat de la politicienne française d'extrême droite Marine Le Pen.
Assa Traore, qui a été poursuivie en diffamation pour sa tribune, a comparu devant un juge vendredi et a qualifié la situation de scandaleuse.
"J'assume cette tribune. Si la justice française à laquelle j'étais censée faire confiance avait fait le travail nécessaire, peut-être qu'à ce moment-là, je n'aurais pas eu envie de l'écrire", a-t-elle déclaré.
Et d’ajouter : "C'est le résultat de la pression constante et de l'injustice du système judiciaire français".
"Notre combat va cependant se poursuivre. Si nous abandonnons maintenant, cela se retournera contre tout le monde. Plus personne, surtout nous, les Noirs, les Arabes et les migrants, ne pourra s'exprimer à nouveau", a souligné Traore.
Elle a déclaré à l'Agence Anadolu que les victimes sont transformées en délinquants.
L'avocat de Traore, Yassine Bouzrou, s'est dit d'accord avec sa cliente et a fait valoir que la transformation des victimes en délinquants est une pratique courante en France.
Mamadou Camara, qui était présent au tribunal pour soutenir Traore, a quant à lui souligné le racisme qui sévit en France.
Les violences policières contre les Maghrébins et les personnes appartenant à la communauté noire sont devenues courantes en France.
"Des études montrent que la police française est la plus raciste d'Europe. En France, le racisme est une réalité", a-t-il déclaré.
Source : AA