Le Kremlin intensifie sa propagande anti-européenne en Ukraine
Le Kremlin intimide l’Europe avec une menace militaire et en même temps intensifie la propagande anti-européenne. Cela se voit clairement dans les récits des médias pro-Kremlin en Ukraine, dont l’orientation principale est désormais définie par les déclarations de hauts responsables russes. Selon le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, «la confrontation entre l’Оccident et la Russie a atteint le fond», tout le monde «comprend les risques associés à l’escalade de nouvelles tensions».
Le Kremlin tire de manière démonstrative ses troupes jusqu’à la frontière ukrainienne. En réponse aux actions de la Russie, le commandement Européen des États-Unis a élevé le niveau de surveillance de la situation de «crise éventuelle» à «crise potentiellement imminente» ce qui est la plus haute marque. Les analystes ont commencé à parler d’une augmentation significative de la tension dans la région. La Russie accompagne une menace militaire ouverte d’opérations d’informations correspondantes.
La rhétorique du Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, qui a accompagné la visite de Josep Borrel à Moscou en février 2021, peut être considérée comme le début d’une nouvelle étape en campagne anti-européenne dans les médias pro-Kremlin. La conférence de presse, au cours de laquelle S. Lavrov a donné une leçon à Borrel sous les caméras, a déclenché le pool médiatique du Kremlin. Ceci a été suivi par une série de déclarations de responsables russes sur l’absence pratiquement totale de développement de la coopération entre la Russie et l’Union Européenne.
Une différence significative de la campagne d’information actuelle est sa coordination complète avec les actions du Ministère des affaires étrangères de Russie et du Ministère Russe de la Défense. Il est devenu particulièrement visible à quel point les médias russes et ceux contrôlés par la Russie sont profondément ancrés dans le système de pouvoir de la Fédération de Russie formant un des piliers sur lesquels repose le pouvoir du Kremlin, avec les services spéciaux, l’armée et l’appareil administratif.
L’aggravation de la situation à l’Est de l’Ukraine et la préparation par la Russie des exercices «Ouest-2021» s’accompagnent d’une augmentation de la menace d’attaque de la Fédération de Russie du territoire du Bélarus. Les experts considèrent ces actions du Kremlin et la montée en puissance de la rhétorique officielle russe comme des signes d’une éventuelle transition de la Russie d’une guerre hybride à une guerre froide.
Nous retracerons ce qui accompagne la transition vers un nouveau niveau d’aggravation des relations au cours de l’analyse de l’agenda anti-européen dans les médias pro-Kremlin et les chaînes-Telegram en Ukraine. Cela comprend les grands médias axés sur l’Ukraine, financés directement par la Fédération de Russie, tels que «Ukraina.ru» et les médias ukrainiens pro-russes, tels que «Strana.ua» et «NewsOne».
L’objectif principal est de discréditer l’intégration de l’Ukraine dans l’UE et l’OTAN, d’alimenter la méfiance à l’égard des autorités, de fausser le cours des négociations au «Format Normandie» visantà résoudre la situation à l’Еst de l’Ukraine. Le Kremlin, comme auparavant, tente de former une attitude négative envers l’UE parmi les Ukrainiens et leur fait peur avec des menaces imaginaires.
Les médias pro-Kremlin font la promotion des récits suivants :
– malgré une détérioration significative des relations entre la Russie et l’Union Européenne, Bruxelles est en pourparlers avec Moscou y compris sur les questions de l’Ukraine et du Bélarus;
– des négociations sur «la question ukrainienne» se déroulent sans la participation des autorités ukrainiennes;
– certains pays de l’Union Européenne, en particulier l’Allemagne et la France, sont prêts à dialoguer avec la Russie et se prononcent sur la nécessité d’une coopération avec le Kremlin;
– l’Ukraine est un partenaire peu fiable de l’Union Européenne en raison de la violation constante de ses obligations;
– la signature et la mise en œuvre de l’Аccord d’association avec l’UE sont désavantageuses pour l’Ukraine et ne conduisent qu’à une augmentation des tarifs des services publics et à l’appauvrissement de la population;
– dans l’UE, les Ukrainiens sont traités comme des personnes de deuxième choix.
Les médias ukrainiens pro-Kremlin relaient la position de la Russie sur l’Union Européenne à leur public ciblé. En février, les médias pro-russes ont publié consécutivement des déclarations de V. Poutine, du porte-parole du Kremlin D. Peskov et du ministre des Affaires étrangères S. Lavrov, dans lesquelles l’Ukraine est qualifiée de projet de l’Occident. Ces déclarations officielles visent à diviser l’Union Européenne et à promouvoir le récit sur l’insolvabilité de l’UE. Dans le même temps, l’expérience positive de l’interaction entre l’Allemagne et la France avec la Russie est soulignée. Les informations sur la coopération de Moscou avec Berlin et Paris sont présentées en Ukraine de manière à démontrer l’insolvabilité imaginaire des autorités ukrainiennes. Le Kremlin essaie de montrer que les décisions relatives à l’Ukraine seront prises sans sa participation.
Le 27 mars, «Strana.ua» a publié un article «Poutine, Merkel et Macron peuvent discuter de l’escalade dans le Donbass sans Zelenskyy». La note faisant référence au porte-parole du Kremlin D. Peskov parle de l’organisation par Moscou d’une vidéoconférence des dirigeants de la Russie, de l’Allemagne et de la France. La réunion discutera de l’ordre du jour des territoires temporairement occupés des régions de Donetsk et de Louhansk et de l’escaladeà la ligne de démarcation.
Suite à cela, « NewsOne » publie le 29 mars l’article «Merkel, Poutine et Macron ont «perdu» Zelenskyy». La publication traite de l’exclusion du président ukrainien du club des dirigeants d’États négociant au plus haut niveau, ce qui serait soit-disante une conséquence naturelle du non-respect par Kyiv des Аccords de Minsk, du refus de mettre en œuvre les accords de «Format Normandie». Il est souligné que les dirigeants de la Russie, de l’Allemagne et de la France ne sont pas les seuls dirigeants des puissances mondiales à ignorer les autorités ukrainiennes, même sur des questions directement liées à l’Ukraine.
Le Kremlin exploite le thème de la vaccination et du vaccin «Sputnik V» pour démontrer sa volonté de normaliser les relations avec de différents pays européens. Toute information sur la reconnaissance et l’intérêt des pays de l’UE dans l’acquisition et l’utilisation de «Sputnik V» est aussi activement utilisée.
Le 24 mars, «NewsOne» a publié un article «L’Allemagne a demandé à l’UE d’acheter du «Sputnik V» à la Russie pour vacciner les Européens», qui déclare que le gouvernement allemand a appelé la Commission européenne à acheter un vaccin russe pour vacciner les Européens.
Les médias pro-russes et les chaînes-Telegram diffusent activement la thèse sur les appels de certains pays de l’UE à approfondir la coopération avec la Russie. Le 28 mars, «Strana.ua» a publié un article «La Pologne a annoncé sa disposition au dialogue avec la Russie» sur des «questions historiques compliquées», indique que l’Аmbassadeur de Pologne en Russie Krzysztof Krajewski «a appelé à améliorer les relations avec la Russie».
De nombreuses publications dans les médias pro-Kremlin présentent l’Ukraine comme un partenaire international peu fiable qui ne respecte pas les accords conclus. Les principaux exemples sont les exacerbations sur la ligne de démarcation dans les régions de Donetsk et de Louhansk et les tentatives d’accuser l’Ukraine de non-respect des Accords de Minsk. Des informations sur les violations présumées des droits de l’homme par l’Ukraine en Crimée et dans les territoires temporairement occupés des régions de Donetsk et de Louhansk sont également diffusées.
En mars, «Strana.ua», décrivant la situation près de Shumy, dans la région de Donetsk, où la situation ne cesse de s’aggraver, déclare que «l’Ukraine, en fait, a désavoué le mécanisme de coordination pour un cessez-le-feu, qu’elle a accepté elle-même».
Les médias pro-Kremlin dépeignent l’attitude dédaigneuse de l’UE envers les Ukrainiens, les difficultés économiques sont présentées à la suite du développement de la coopération entre l’Ukraine et l’Union Européenne. Dans le même contexte, l’introduction par l’UE des passeports - Covid est utilisée, ce qui est présenté comme une violation des droits des citoyens ukrainiens de visiter l’UE.
Le Kremlin utilise un autre groupe de récits anti-européens pour intimider l’Ukraine avec une guerre sur son territoire. Moscou promeut des thèses sur une éventuelle aggravation à la ligne de démarcation avec les territoires temporairement occupés et sur un éventuel début d’hostilités dans toute l’Ukraine.
Les récits utilisés dans des matériaux similaires, sont suivants :
– l’Union Européenne est sous la pression des États-Unis;
– un axe de confrontation mondiale «États-Unis – UE» se forme à un pôle et «Russie – Chine» à l’autre;
– le territoire de l’Ukraine sera utilisé par les pays de l’OTAN et de l’UE pour des opérations militaires;
– les actions de l’Ukraine conduisent à une aggravation de la situation dans les territoires temporairement occupés;
– l’armée ukrainienne prépare une offensive contre le soi-disant «DNR/LNR».
Le Kremlin cherche à montrer que l’Ukraine n’est pas un sujet de politique étrangère dans les relations avec l’Union Européenne et qu’elle est considérée par l’OTAN comme un terrain d’entraînement pour les opérationsmilitaires contre la Russie.
À la suite de l’adoption de la nouvelle stratégie de sécurité militaire de l’Ukraine en mars, le Kremlin a menacé l’OTAN d’utiliser le territoire ukrainien pour faire la guerre à la Russie. Les médias pro-Kremlin imposent l’opinion que toute la population ukrainienne participera aux hostilités. Dans le même temps, la prétendue supériorité de l’armée russe est promue.
Cela peut être considéré comme une démonstration indicative de la volonté de la Russie d’entrer dans un conflit militaire avec les pays de l’OTAN. Le Kremlin impose également à l’Europe la nécessité de considérer le Bélarus comme un adversaire et d’attendre une invasion militaire de son territoire. Ainsi, la tenue d’exercices militaires conjoints «Ouest-2021» peut être utilisée par la Russie pour démontrer à l’Europe son contrôle sur le Bélarus.
Au même moment, le Kremlin intimide la population des pays européens en démontrant sa disposition à un conflit armé. Par ces actions, Moscou veut intensifier les contradictions dans l’UE.
Moscou veut priver l’Ukraine de son soutien et l’exclure de l’agenda européen. Pour le réaliser, la Russie utilise l’absence d’une position unanime parmi les politiciens des pays européens sur la nécessité de poursuivre le dialogue avec la Russie et les axes de travail dans l’espace post-soviétique. En même temps, le Kremlin discrédite l’Ukraine en tant que partenaire international fiable et effraie les Ukrainiens des conséquences du développement de la coopération avec l’UE.
En affichant une menace militaire contre l’Europe, le Kremlin cherche à semer le doute et la peur parmi les Européens. La Russie utilise le même récit pour ancrer le Bélarus sur son orbite, forçant à la fois l’Ukraine et l’Europe à évaluer la possibilité d’une invasion militaire du territoire du Bélarus. On peut conclure que le Kremlin utilise des récits anti-européens pour diviser l’Union Européenne, ainsi que les relations entre les États-Unis et l’UE.
Une position consolidée est nécessaire pour répondre aux menaces hybrides du Kremlin. Le soutien systémique aux transformations démocratiques en Ukraine et en Bélarus n’est pas moins important non plus.
Source : Association européenne d’experts (iSANS)