Plus d'une douzaine de personnes ont été tuées dans les violences meurtrières qui ont éclaté au Sénégal la semaine dernière après la condamnation à une peine de prison du leader de l'opposition, Ousmane Sonko.
Selon le dernier bilan officiel, 16 personnes ont été tuées et plus de 350 autres blessées.
La plupart des victimes ont été signalées dans la capitale, Dakar, et à Zinguinchor, la ville natale de Sonko, où ses partisans se sont heurtés aux forces de sécurité.
Ousmane Sonko, président du parti Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef), a été accusé de viol et de menaces de mort à l'encontre d'Adji Sarr, employée d'un salon de beauté, à Dakar en 2021.
La semaine dernière, un tribunal a acquitté Sonko des accusations de viol, mais l'a condamné par contumace à deux ans de prison pour "corruption de la jeunesse", ce qui le prive de la possibilité de se présenter à l'élection présidentielle de 2024.
La spirale des violences a dépassé les frontières du Sénégal. Plusieurs consulats sénégalais à l'étranger, notamment à Bordeaux, Milan, Paris et New York, ont été fermés à la suite d'attaques qui, selon le ministère sénégalais des Affaires étrangères, ont "causé d'importants dégâts".
Des centaines de personnes ont été arrêtées en raison des violences, dont les deux camps se rejettent la responsabilité.
Le gouvernement accuse l'opposition de "déstabiliser le pays", le ministre sénégalais de l'Intérieur Antoine Diome allant même jusqu'à évoquer une influence étrangère.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Depuis l'année dernière, Ousmane Sonko, 48 ans, est maire de Ziguinchor, une grande ville du sud du Sénégal.
Sonko a annoncé son intention de se présenter une nouvelle fois à l'élection présidentielle, après avoir terminé troisième lors de la course à la magistrature suprême de 2019, remportée par le président sortant Macky Sall.
L'opposant a rejeté le verdict du Tribunal de grande instance de Dakar qui le condamne à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », affirmant que l'affaire est motivée par des considérations politiques visant à l'empêcher de participer à la présidentielle de février 2024.
Depuis l'annonce du délibéré la semaine dernière, Sonko est resté dans sa résidence de Dakar sous forte surveillance policière.
Son avocat, Cire Cledor Ly, a accusé les autorités d'« agir de manière arbitraire et illégale », indiquant qu'elles n'autorisaient pas le comité de défense à rencontrer Sonko.
Le ministre sénégalais de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a indiqué que Sonko pouvait être arrêté à tout moment.
Ousmane Sonko avait déjà été arrêté en mars 2021 avant de comparaître devant un tribunal dans la même affaire.
Cette arrestation avait également déclenché des manifestations meurtrières, faisant au moins 14 morts et environ 600 blessés dans plusieurs villes, selon les chiffres de la Croix-Rouge.
Cette arrestation intervenait après un mois de tensions suite à la levée de l'immunité parlementaire de Sonko par le gouvernement, alors que des arrestations arbitraires de plusieurs membres de son parti avaient également été signalées.
Sonko avait été remis en liberté provisoire peu de temps après, mais restait sous contrôle judiciaire.
Quelle est la cause de l'indignation ?
Alors que la Constitution sénégalaise limite les mandats présidentiels à deux mandats de cinq ans, Macky Sall a indiqué qu'une réforme constitutionnelle adoptée en 2016 lui permettait de briguer un nouveau mandat.
Sall n'a toujours pas annoncé officiellement sa candidature.
Idrissa Seck, ancien ministre ayant quitté le gouvernement de Macky Sall pour se présenter à l'élection présidentielle de l'année prochaine et chef du parti d'opposition Rewmi, a averti que la candidature de Macky Sall à la présidentielle pourrait aggraver la situation.
"Il pourrait y avoir davantage de violence. La situation pourrait s'aggraver si M. Sall annonçait sa candidature à un troisième mandat", a-t-il déclaré à Anadolu.
Et Seck d'ajouter : "Il est urgent de rétablir la paix. La violence n'est pas une bonne chose pour notre peuple et notre pays. Elle entraîne la mort d'innocents et affecte notre image politique".
Que se passera-t-il ensuite ?
Les Nations unies, l'Union africaine et la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, ndlr) ont fermement condamné les violences, appelant toutes les parties à faire preuve de retenue et à opter pour le dialogue.
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'Union africaine, a indiqué que ces violences ne font que "ternir l'image de la démocratie sénégalaise, dont l'Afrique a toujours été fière".
Bien que ce pays d'Afrique de l'Ouest ait déjà connu des troubles par le passé, les récents affrontements constituent la pire crise politique depuis la grève générale et les manifestations électorales de 1988, selon Amnesty International.
La Ligue des imams et oulémas du Sénégal a exhorté Macky Sall à ramener le pays à la paix et à la stabilité.
Macky Sall, qui doit encore s'adresser à la nation au sujet de la crise actuelle, a rendu visite lundi soir à Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, l'actuel calife général de la confrérie musulmane des mourides, l'une des plus importantes et influentes du Sénégal.
Bassirou Mbacké avait appelé les manifestants à Touba, la deuxième ville la plus peuplée du Sénégal et siège de la confrérie musulmane des mourides, à cesser les manifestations et à rentrer chez eux.
Pendant les troubles de mars 2021, le calife général de la confrérie musulmane des mourides a tenu des réunions avec Macky Sall et l'opposition sénégalaise, ce qui s'est avéré déterminant dans les efforts de rétablissement de la paix.
Les démarches entreprises par Macky Sall auprès de la confrérie ont fait naître l'espoir d'un dialogue visant à désamorcer les tensions. Cependant, les craintes quant à la poursuite des troubles persistent, surtout après qu'Ousmane Sonko a lancé un appel à la résistance populaire.
Source : AA