Le 1er mai de chaque année est une journée célébrée dans de nombreux pays du monde entier pour commémorer la fête du travail, également connue sous le nom de la fête des travailleurs.
En Tunisie, cette journée est marquée par une série d'événements et de célébrations qui rendent hommage aux travailleurs et à leurs contributions à la société. Au-delà de la simple reconnaissance des efforts de la main-d'œuvre tunisienne, la fête du travail est également une occasion pour réfléchir aux défis auxquels les travailleurs sont confrontés et discuter des mesures à prendre pour améliorer leurs conditions de travail.
Le travail est une valeur fondamentale de notre société. Il est la force motrice qui alimente l'activité économique, crée des emplois et permet à la société de se développer. Mais la valeur du travail ne se limite pas à ses aspects économiques. Travailler est une activité qui apporte une multitude de bénéfices et de satisfactions, tant pour l'individu que pour la communauté dans laquelle il évolue.
Sur le plan individuel, le travail permet à chacun de contribuer à la société et d'être utile aux autres, ainsi que de développer des compétences et des connaissances qui nous permettent d'évoluer et de progresser sur le plan professionnel. Le travail peut également être une source de reconnaissance sociale, en nous permettant de nous intégrer dans une communauté et d'être valorisés pour nos réalisations.
Sur le plan collectif, le travail est essentiel à la croissance économique et au bien-être de la société. Les travailleurs sont les acteurs clés de la production et de la distribution de biens et de services qui répondent aux besoins de la population. En travaillant, ils contribuent à la création des richesses et à la réduction des inégalités sociales.
- Valeur du travail et modernité
Foued Ghorbeli, professeur universitaire en sociologie, a déclaré à Anadolu que la notion du travail était une notion moderne. On a commencé, selon lui, à parler de travail quand on a évoqué les mots "rémunération" ou "salaire" qui représentent une contrepartie pécuniaire d'un service quelconque trouvant son origine dans le "labore" (labeur en latin) et notamment dans l'agriculture. Autrefois considéré comme un fardeau, le travail est devenu au fil du temps une source de revenus, d'accomplissement, de dignité et d'identité.
"La valeur du travail réside essentiellement dans sa valeur d'échange qui est une valeur économique puisant dans l'accumulation de la richesse. Cette dernière a engendré la naissance du capitalisme et est devenue la définition même de ce régime. Sa valeur est également symbolique, sociale et psychologique car à travers le travail, l'être humain s'affirme dans un groupe donné d'individus, contrôle la nature, réalise ses besoins et s'intègre dans la société en s'appropriant un rôle qui lui permet d'éprouver un sentiment d'appartenance", a-t-il expliqué.
- Valeur du travail et valeur de consommation
"En Tunisie, la notion du travail dans sa définition moderne est née avec la colonisation. A cette époque, on travaillait pour réaliser le développement et l'avancement du pays, notamment sous le régime de Bourguiba", a-t-il indiqué, poursuivant : "Cependant, la valeur du travail dans le pays est en train de s'effriter de nos jours et ce, depuis que la société de consommation a pris de l'ampleur".
Auparavant, l'existence de l'être humain se réalisait à travers le travail (Je travaille donc j'existe) mais aujourd'hui c'est plutôt la consommation qui a pris la relève (Je consomme donc j'existe). La société de consommation n'accorde pas d'importance à la nature du travail et n'a d'yeux que pour ce qu'on achète, ce qui fait que la valeur de la consommation est nettement supérieure à celle du travail dans les sociétés modernes, d'après lui.
La valeur du travail a également changé depuis les années 70 ou même après quand il fallait aller à l'école, exceller pour avoir de bonnes notes et occuper plus tard un poste important qui sera bien rémunéré puis escalader petit à petit l'échelle sociale. Aujourd'hui, on parle plus de notions telles que "le gain rapide" où on peut faire de l'argent sans études (la contrebande en l'occurrence), selon ses propos.
- Politiques économiques et changements sociaux
"Les politiques économiques et les réformes structurelles mis en place dans les années 80 et celles imposées par le Fonds monétaire international ont impacté la notion et le mode du travail dans notre pays, dans la mesure où les Tunisiens vivent aujourd'hui dans la précarité professionnelle. Le coronavirus est venu, plus tard, exacerber la crise socio-économique qui couve depuis des décennies, déjà", a-t-il expliqué.
Par ailleurs, la notion classique des contrats de travail permanent commence peu à peu à disparaître notamment dans le secteur privé. Les gens changent plus rapidement de boulot plusieurs fois dans leur carrière ou même dans la même année et peuvent faire plusieurs boulots en même temps au moment où les conditions au travail sont devenus plus flexibles en général, l'Etat étant incapable de titulariser l'ensemble des fonctionnaires, d'après lui.
"La Fête du travail est une occasion pour rappeler le mouvement ouvrier et commémorer la lutte de 300 000 salariés aux Etats-Unis revendiquant une journée de travail de huit heures, le 1er mai 1886, dans un régime capitaliste qui était un régime de pure exploitation. Cette journée internationale est une occasion annuelle pour nous rappeler qu'il faut critiquer les politiques capitalistes injustes, l'inégalité, l'exploitation des femmes sous-payées (celles qui travaillent dans les usines en Tunisie ou celles qui travaillent pour les grandes marques au Bangladesh)", a-t-il conclu.
- Travail et santé mentale
Pour la psychologue de travail, Ines Boughanmi, le travail contribue au bien-être mental. Une étude de « Daiga Kamerādea, Senhu Wang et all » publiée dans la revue Social Science and Medicine, montre qu’effectuer un travail rémunéré de huit heures ou moins par semaine augmenterait le bien-être mental de 30%, à condition qu'il soit réalisé dans de bonnes conditions.
Par contre, il a été démontré que le chômage a des effets très variés sur la santé physique et mentale d'un individu selon une étude de "Zhang, S. & Bhavsar, V. publiée en (2013)" tels que « la dépression, l'anxiété, une mauvaise estime de soi, l'isolement et la pression sur la famille » (Donovan et al., 1987), ainsi que des problèmes cardiovasculaires conséquents de la somatisation de la réponse au stress ( Brenner 1979) et une forte augmentation du cholestérol sanguin (Gore 1978), a-t-on détaillé.
Pour finir, la valeur du travail, multiple et complexe, contribue à l'épanouissement individuel et au développement collectif, mais doit être encadrée par des normes sociales et juridiques pour garantir la dignité des travailleurs. Travailler est donc une valeur essentielle de notre société, qui mérite d'être respectée et valorisée à sa juste mesure.
Toutefois, pour que le travail conserve toute sa valeur, il doit être exercé dans des conditions justes et équitables. Les travailleurs doivent bénéficier de conditions de travail décentes, d'une rémunération juste et d'une protection sociale adéquate. Il est également important de garantir l'égalité des chances en matière d'emploi, en favorisant l'accès au travail pour tous, indépendamment de l'âge, du genre, de la religion ou de l'origine sociale.
Source : AA