Le discours de Macron sur l'Afrique suscite des réactions mitigées

Avant d’entamer, ce mercredi 1er mars, sa première tournée de l’an 2023 sur le continent africain qui le conduira au Gabon, en Angola, au Congo et en République Démocratique du Congo (RDC), le président français, Emmanuel Macron, a présenté, lundi 27 février, les nouvelles orientations de sa politique africaine.

En Afrique, on estime que c’est un discours de « répétition » sur la politique française en Afrique.

« On constate que le discours de Macron, est un speech qui a été répété à Ouagadougou et dans plusieurs autres pays d’Afrique. Mais cette fois-ci, on constate un certain apaisement. Macron a souligné que la France doit intervenir en Afrique avec une certaine humilité. Là on constate un changement d’arrogance de la France envers l’Afrique », a indiqué à Anadolu, l’universitaire Docteur Garba Moussa, analyste de la politique africaine.

Selon ce spécialiste de la politique africaine, Macron a aussi estimé que la France va adopter la politique américaine en Afrique en restant très discrète étant présente sur le continent avec un effectif réduit.

Pour le philosophe camerounais Hubert Mono Ndjana, « le discours de Macron porte l’humilité réclamée depuis longtemps par plusieurs » parties, surtout en Afrique.

Ce dernier se demande si c’est « un début de changements réels ? » et conclut en disant que « toutes les parties attendent ».

Au Togo, l’analyste politique Raissa Girondin, a estimé que « le discours d’Emmanuel Macron n’est qu’un plat bien réchauffé sur du gaz » mais « au fond, il n y a rien de surprenant » dans le discours.

« En réalité, il n y a rien. Il s’agit tout simplement d’un discours flatteur visant un seul objectif : reconquérir les cœurs. Alors que le cœur de bon nombre de pays africains sont très loin, loin de la France », a-t-elle relevé.

Dans un tweet, lundi, Amir Nourdine Elbachir, analyste politique, géopolitique et géostratège, s’est étonné que Macron soit « encore en train de parler de plans pour l'Afrique sans les Africains ».

« Vous allez venir nous trouver ici ! Tout le monde sait que vos intérêts sont menacés en Afrique et c'est là que, subitement, vous pensiez à revoir vos plans pour nous. On sait lire maintenant votre politique », a écrit l’analyste.

Depuis Conakry en Guinée, le journaliste politique Mamadou Dian Baldé, a souligné que « depuis le discours tenu par Macron dans un amphithéâtre à Ouagadougou en 2017, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts » et « sans que les fruits ne tiennent la promesse des fleurs. Car au lieu de se renforcer, les liens entre l’Afrique et la mère colonie se sont plutôt distendues allégrement ».

Selon M. Baldé, « parmi les erreurs d’appréciation commises par la France, il y a le fait d’avoir pensé pouvoir lutter toute seule contre le terrorisme. C’est donc pour soigner l’image de son pays, que le chef de l’Exécutif français a tenu à remettre les pendules à l’heure. A travers un regard dénué de toute condescendance. Et surtout à surfer sur l’approche des partenariats d’égal à égal avec les pays africains. Comme le font déjà d’autres pays riches. En clair, la France doit se départir de son complexe de supériorité vis-à-vis de l’Afrique. Tel semble être le message en creux véhiculé par le discours d’Emmanuel Macron. Qui considère que l’ère de la françafrique est révolue ».

En République démocratique du Congo, où Macron est attendu dans les prochains jours, le journal Interkinois, a plutôt pointé « l’incohérence entre discours public pro-Congo et pratique tacite pro-Rwanda ».

Le professeur mauritanien Simon Paul Bangbo Ndobo a résumé en disant : « la France ne change pas, elle s’adapte à la nouvelle situation ».

- "La France joue sa survie"

Au Bénin, le professeur Gille Gohy, politologue et sociologue à l'université Abomey-Calavi estime pour sa part que le président français a fait preuve d'un "grand réalisme".

"Dans son discours d'aujourd'hui, le président français a fait preuve d'un grand réalisme. Il n'y a plus d'arrogance. Les deux parties doivent avoir le même niveau de dialogue, le même niveau de coopération pour de futurs accords solides. La France et les pays africains sont conscients qu'ils ont chacun leur rôle à jouer pour des relations fructueuses. C'est un discours positif. Je suis sûr que les pays africains le sentiront. Je vois que la France a vraiment envie de changer d'attitude vis-à-vis de ses partenaires africains", a-t-il déclaré à Anadolu.

Et d'ajouter : "La France joue aussi sa survie. Car elle n'est rien aujourd'hui sans les pays africains avec lesquels elle avait coopéré de manière inégale".

Gille Gohy note que "la nouvelle coopération doit être égalitaire" et que "les Africains doivent en profiter pour que les souvenirs douloureux ne reviennent pas".

"Quand on est en conflit, chacun regarde dans sa propre direction et pas forcément dans la même direction. Mais il est toujours possible que les deux parties regardent dans la même direction d'une manière différente car les bases doivent être clairement redéfinies. Il est clair que l'unipolarité dont la France et l'Occident étaient les champions -cette position de dominant à dominé- est révolue entre la France et l'Afrique. Les pays africains qui ont pris conscience de leur valeur, de leur souveraineté ne peuvent plus se laisser humilier, amoindrir ou exploiter comme par le passé. Ne cachons pas la vérité, la France est ce qu'elle est aujourd'hui grâce aux pays africains exploités et pillés", a-t-il relevé.

Quant à l'analyste politique et constitutionnaliste rwandais Louis Gitinywa, il considère qu'il est encore tôt pour évaluer cette nouvelle approche de la politique étrangère de la France en Afrique. Il estime toutefois "qu'il (Macron NDLR) est audacieux pour reconnaître les lacunes et les échecs de la France en termes de politique étrangère en Afrique subsaharienne, mais aussi [...] que la dynamique a changé et que le continent africain n'est plus leur territoire comme avant".

"Il reconnaît également que la France doit rivaliser avec d'autres puissances occidentales pour défendre ses intérêts sur le continent, donc je pense que le grand défi incombe aux dirigeants africains de savoir comment s'adapter et faire avancer les intérêts de leurs pays en s'assurant que nous avons la juste part du gâteau et d'agir avec maturité", explique-t-il à Anadolu.

Et de conclure : "A long terme, le statu quo ne sera plus valide car on assiste à un net affranchissement des Etats africains de la tutelle française".

Source : AA

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