De nombreux enfants rapatriés de la Syrie s’intègrent parfaitement, selon Human Rights Watch

De nombreux enfants rapatriés des camps de détention réservés aux suspects de Daech et à leurs familles dans le nord-est de la Syrie se réintègrent avec succès dans leur pays d’origine, a déclaré Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié lundi.

Le rapport de 68 pages, intitulé « “Mon fils est juste un enfant comme les autres” : Expériences d’enfants rapatriés des camps pour suspects de l’EI et leurs familles dans le nord-est de la Syrie », présente le vécu d’une centaine d’enfants rapatriés ou rentrés en Allemagne, en France, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède entre 2019 et 2022.

Par ailleurs, HRW estime que « malgré des années passées en détention dans des conditions dangereuses pour leur vie, avec une nourriture, de l’eau et des soins de santé insuffisants et peu ou pas d’accès à l’éducation, nombre d’enfants semblent bien s’adapter et avoir de bons résultats à l’école ». D’ailleurs, selon l’ONG, beaucoup d’entre eux pratiquent des sports collectifs.

De même, selon, Jo Becker, directrice du plaidoyer auprès de la division Droits des enfants à HRW, « les enfants sauvés de l’horreur des camps ont de bons résultats à l’école, se font des amis et se construisent une nouvelle vie dans leur pays d’origine.

De ce fait, HRW exhorte « les gouvernements à supprimer les obstacles à une réintégration effective et veiller à ce que les politiques régissant les retours ne causent pas de préjudice inutile à leurs ressortissants enfants ».

Ainsi, d’après ce rapport, 89 % des personnes interrogées, dont des familles d’accueils et des assistants sociaux jugent que l’enfant va « très bien » ou « assez bien ». De même, 73 % ont indiqué que l’enfant réussissait « très bien » ou « assez bien » en classe.

Suivant les chiffres de HRW, « environ 56 000 personnes, dont la quasi-totalité sont des femmes et des enfants, sont arbitrairement détenus à al-Hol et Roj, deux grands camps fermés dans le nord-est de la Syrie ». Toujours selon l’ONG, plus de 18 000 sont syriens, approximativement 28 000 sont irakiens, plus de 10 000 autres sont originaires d’une soixantaine d’autres pays. Sur ces 56 000 personnes, « plus de 60 % sont des enfants », précise encore HRW.

Rappelant que la plupart d’entre eux, furent capturés à partir de février ou mars 2019, HRW constate aussi que « près de 80 % des enfants dans les camps ont moins de 12 ans, et 30 % ont cinq ans ou moins ». En outre, HRW observe aussi « qu’un grand nombre d’entre eux ont passé la majorité, voire la totalité, de leur existence en détention illégale dans le nord-est de la Syrie, ce qui revient à une peine collective, laquelle constitue un crime de guerre ».

Une politique contreproductive

Pour Human Rights Watch, une intégration est possible mais « certains choix de politique de la part de gouvernements procédant à des rapatriements rendaient la réintégration des enfants plus difficile et, dans certains cas, leur avaient même causé un préjudice supplémentaire ».

L’ONG pointe du doigt, par exemple, la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Suède qui « séparent immédiatement les enfants de leurs mères, si la mère faisait l’objet d’une enquête ou était mise en examen pour des infractions en relation avec l’EI ». Pour l'ONG, ceci « provoque chez les enfants une détresse émotionnelle et psychologique significative ».

De même, « dans certains pays, les membres de la famille élargie, notamment les grands-parents, doivent faire l’objet d’une longue procédure d’enquête avant d’être autorisés à s’occuper des enfants de retour ou à avoir des contacts avec eux, même s’ils sont en relation avec les autorités depuis des années », regrette encore l’ONG.

Pourtant, selon HRW « les gouvernements pourraient améliorer la réintégration des enfants en délivrant rapidement des actes de naissance, des cartes d’identité et d’autres documents ».

Se réjouissant que « certains, dont l’Allemagne, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, la Russie, la Suède et le Tadjikistan, ont désormais rapatrié un grand nombre ou la plupart de leurs ressortissants », le HRW regrette « en revanche, que le Royaume-Uni n’a rapatrié que dix enfants, et en a laissé 30 à 60 autres dans les camps » comme le Canada qui n'a rapatrié ou accepté le retour que de quatre enfants et trois femmes ». Toutefois, « 23 enfants et 19 femmes se trouvent toujours dans les camps pour ce pays ».

Pour la France, l’ONG recense au second semestre de 2022, 32 femmes et 77 enfants depuis juillet.

Rappelant « les conditions déjà déplorables dans les camps de détention qui sont en train de se dégrader », l’ONG explique que « le plus gros risque n’est pas de ramener les enfants chez eux, mais de les laisser dans les camps où ils risquent la mort, la maladie, un recrutement par l’EI et une détention illimitée à cause des crimes que leurs parents sont suspectés d’avoir commis ».

« Les pays dont des ressortissants se trouvent dans les camps devraient de toute urgence leur permettre de rentrer dans leur pays et faire tout leur possible pour garder ensemble les mères et leurs enfants », conclut Jo Becker.

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