Déclaration d'Alger…Les Arabes s'engageront-ils en rangs serrés dans le monde post-Covid ?

La Cause palestinienne a repris le devant de la scène pour occuper le centre d'intérêt des Arabes dans la Déclaration finale du Sommet arabe d'Alger après que les retombées de la deuxième vague du Printemps arabe eurent été en tête des priorités des dirigeants arabes lors du précédent Sommet tenu à Tunis, en mars 2019.

Ce qui a caractérisé le plus le Sommet d'Alger est l'appel lancé pour lever le blocus imposé à la Bande de Gaza, point qui ne figurait pas dans la Déclaration de Tunis, trois ans auparavant.

Les dirigeants arabes sont convenus, également, de prendre une position unifiée en affichant leur neutralité à l’égard du conflit qui oppose la Russie à l'Occident, dont la guerre en Ukraine représente l'une des illustrations.

Ils ont, en revanche, mis l’accent sur la nécessité de la participation des pays arabes à l'élaboration des contours du nouveau système international du monde post-Covid et après la guerre en Ukraine, ce qui s'inscrit en harmonie avec les appels russes et chinois lancés pour la mise en place d'un monde multipolaire, au lieu et place du système mondial unipolaire sous la direction des États-Unis.

La Déclaration d'Alger a condamné, également, ce qui a été considéré comme une « ingérence dans les affaires internes » des pays arabes, sans pour autant nommer d’Etats en particulier.

L'Égypte n'est pas parvenue à convaincre les pays arabes de retirer leur connaissance à l'endroit du gouvernement d'Union libyen, conduit par Abdelhamid Dbeibeh, en particulier après les altercations verbales entre le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukry, et son homologue libyenne, Nejla Mangouche, selon plusieurs médias arabes.

Au niveau de la forme, la Déclaration d'Alger a été résumée en 5 principaux points, alors que celle du précédent Sommet en comptait 17.

Lever le blocus imposé à Gaza

Tout en mettant l'accent sur la centralité de la Cause palestinienne et sur le soutien apporté à l'Initiative de paix arabe - un point qui revient dans chaque Somment arabe- la Déclaration d'Alger a été marquée par un appel franc lancé pour lever le blocus imposé à la Bande de Gaza depuis 2006, soit depuis la victoire du Mouvement Hamas aux élections législatives palestiniennes.

Ismael Haniyeh, chef du Bureau politique du Mouvement Hamas, avait adressé un message aux dirigeants arabes, dans lequel il les a appelés à appuyer le peuple palestinien et sa résistance, à œuvrer en vue de la levée du blocus imposé à Gaza, et à adopter la Déclaration d'Alger sur la réunification des factions palestiniennes.

La Déclaration finale du Sommet arabe a, dans ce cadre, salué la signature par les Palestiniens de la Déclaration d'Alger issue de la Conférence pour la réalisation de l'Union nationale palestinienne, tenue du 11 au 13 octobre écoulé, à Alger toujours.

Néanmoins, la Déclaration n'a pas évoqué directement la mise sur pied d'un Comité arabe de suivi de la Déclaration d'Alger relative à la réunification palestinienne, mais a évoqué le nécessaire « accompagnement par les États arabes des frères palestiniens sur la voie de la concrétisation des mesures convenues dans cette Déclaration ».

Le Sommet arabe a adopté ainsi implicitement la proposition faite par le président algérien Abdelmadjid Tebboune de demander à l'Assemblée générale des Nations unies de reconnaître la Palestine comme un Etat indépendant.

La Déclaration a mentionné un soutien à ce que l’Etat de la Palestine s’adresse aux Nations unies pour obtenir son adhésion entière.

Le président Tebboune avait confirmé aux journalistes, selon un extrait vidéo qui circulait sur la toile au cours du Sommet, qu'il « se chargera personnellement du suivi du dossier palestinien ».

Libye : le débat tranché

L'un des dossiers ayant soulevé le plus de de discussions et de tensions en marge du Sommet arabe est celui de la Libye, après que le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukry, a entrepris des démarches pour retirer la reconnaissance arabe du gouvernement d'Union nationale libyen, conduit par Abdelhamid Dbeibeh, en considérant son mandat comme étant « achevé », et ce dans une tentative de reconnaître le gouvernement de Fathi Bashagha.

Néanmoins, cette position n'a pas eu un écho favorable auprès des autres pays arabes, en particulier lorsque la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Mangouche, a considéré l'attitude égyptienne comme étant une « intervention dans les affaires internes » de son pays. Ajoutons à cela le fait que le gouvernement d'Union libyen bénéficie d'un soutien franc de l’Algérie.

L'entrevue entre les présidents algérien et égyptien, lors du premier jour du Sommet, a contribué à briser la glace et à aplanir les différends entre les deux positions, ne serait-ce que diplomatiquement, en mettant l'accent sur l'importance de tenir des élections en Libye dans « les plus brefs délais ».

C'est ce point de la Déclaration finale du Sommet qui a souligné le « soutien des efforts visant à mettre un terme à la crise libyenne, de nature à réaliser les aspirations de son peuple à parvenir à organiser des élections dans les plus brefs délais ».

Cette position signifie la continuité de la reconnaissance des pays arabes de la légitimité du gouvernement de Dbeibeh, dans le différend qui l’oppose à celui de Fathi Bashagha, désigné par la chambre des députés qui siège à Tobrouk (est), et qui est soutenue par l’Egypte.

Abdelhamid Dbeibeh a, dans un post diffusé sur son compte officiel « Facebook » accueilli favorablement la décision du Sommet arabe d'Alger de « mettre l'accent sur la priorité de la tenue des élections afin de garantir une stabilité permanente en Libye ».

Il a ajouté : « Actuellement, la position des frères arabes est devenue plus proche et la voix des Libyens porte mieux. Non à la prolongation, oui pour les élections ».

La résolution du Sommet arabe est de nature à renforcer la position du gouvernement d'Union pour faire face à tous ces nouveaux scénarios, y compris celui d’un éventuel rapprochement entre la Chambre des députés et le Conseil d'État pour former un troisième gouvernement, tout en se partageant les postes régaliens, ce qui a été officiellement rejeté par Dbeibeh.

Des relations régionales équilibrées

Plusieurs pays arabes, et à leur tête l'Arabie Saoudite, l'Égypte, le Maroc et le Soudan, se sont employés à condamner ce qu'ils considèrent comme étant des « interventions des pays du voisinage régional dans leurs affaires intérieures ».

L'Arabie Saoudite, forte de l’appui classique les Etats du Golfe, en plus de l'Égypte et du Maroc, se sont employés à condamner les ingérences iraniennes dans la région.

Cela a été concomitant avec ce qui a été rapporté par le journal « The Wall Street journal », mardi, qui citait des responsables saoudiens et américains, que Riyad a échangé des renseignements avec Washington au sujet d'une imminente attaque iranienne contre des objectifs dans le Royaume. Ces informations ont été démenties en bloc par Téhéran.

L'Égypte et le Soudan ont, de leur côté, tenté de condamner l'Éthiopie, en raison du barrage de la « Renaissance » et des mesures unilatérales prises par Addis-Abeba en ce qui concerne les trois opérations de remplissage du barrage sans coordination préalable avec les deux pays arabes.

La Déclaration finale mentionne la nécessité d'édifier des relations « saines et équilibrées » entre le Groupe arabe et les autres communautés régionales et internationales, y compris dans « le champ islamique, africain et euroméditerranéen », et de respecter la souveraineté des Etats ainsi que de ne pas s'ingérer dans leurs affaires internes.

Ce point reflète la préférence des pays arabes pour l'option du dialogue et du partenariat avec leur environnement régional.

Le monde après la Covid et la guerre d'Ukraine

Les pays arabes sont convenus, dans la Déclaration d'Alger, de prendre une position commune de ne pas s’aligner derrière une quelconque partie dans le conflit qui sévit actuellement en Ukraine, lequel conflit est marqué par une polarisation aiguë entre la Russie et l'Occident, qui ressemble à celle qui prévalait lors de décennies de la guerre froide.

Les pays arabes ont rappelé leur principe portant rejet de l'usage de la force et de privilégier l'option de la paix, à travers une adhésion effective du Groupe ministériel de contact arabe, composé de l’Algérie, de l’Egypte, de la Jordanie, des Émirats, de l’Irak du Soudan et du Secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, aux efforts internationaux visant à élaborer une solution politique à la crise.

Cette position reflète un refus de prendre parti en faveur d’un quelconque protagoniste de la guerre en Ukraine.

En revanche, la Déclaration finale a mis l'accent sur l'impératif de la participation des pays arabes à l'élaboration des contours du nouveau système mondial du monde post-Covid et après la guerre en Ukraine, en tant que groupe cohérent et uni.

Il s'agit d'une allusion au souhait des pays arabes de disposer d'un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, d’autant plus que ces pays considèrent qu'il existe « un besoin impérieux de traiter « les déséquilibres structurels des mécanismes de gouvernance mondiale », de nature à garantir l'égalité entre tous les pays et à mettre un terme à la marginalisation qui cible les pays en voie de développement.

La Déclaration finale du Sommet d'Alger a, par ailleurs, évoqué des questions économiques portant sur la réactivation complète de la grande zone de libre-échange arabe, en prélude à l'établissement de l'Union douanière arabe, ainsi que la conjugaison des efforts pour faire face aux défis que posent la sécurité et l'autonomie alimentaire, énergétique et sanitaire.

Sur un autre plan, le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a réussi à obtenir une promesse du président algérien Abdelmadjid Tebboune, d'aider son pays à résoudre ses crises.

Cette promesse rend probable la possibilité de voir l'Algérie approvisionner à nouveau en carburant le pays du cèdre, afin de résoudre la crise d’électricité, et s'activer afin de rapprocher les points de vue entre les différents protagonistes libanais, en vue de choisir un nouveau président de la République et sortir de l'ornière et de l'actuelle vacance constitutionnelle.

Il convient de noter que le Sommet d'Alger a connu la participation, selon le Secrétaire général de la Ligue des Etats Arabes, de 17 hauts dirigeants, parmi des présidents, des princes, des chefs de gouvernement et des princes-héritiers, ce qui en fait un des sommets arabes le plus importants en termes de participation.

Source : AA

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