Délimitation des frontières entre le Liban et Israël : Vers le renforcement ou l’affaiblissement du rôle iranien ?

Il se dégage de plusieurs indicateurs qu'un accord de délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël est devenu quasiment prêt, en s’appuyant sur une proposition faite par la médiation américaine.

Ainsi, les regards se tournent pour examiner les conséquences politiques de cet accord attendu et son impact sur les équilibrés régionaux, notamment, le rôle de l’Iran.

Depuis deux ans, des négociations indirectes avaient débuté entre Beyrouth et Tel-Aviv, à la faveur d'une médiation américaine et sous parrainage onusien, pour résoudre le conflit au sujet d’une zone maritime contestée en Méditerranée méridionale, riche en pétrole et en gaz naturel.

Lundi, le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a annoncé que « les choses évoluent sur la bonne voie ».

Selon une proposition faite par Washington à Beyrouth, à travers le médiateur Amos Hochstein, l’éventuel accord garantirait au Liban l'intégralité de la zone contestée et qui s'étend sur une superficie de 860 km², comme l'ont indiqué plusieurs responsables libanais.

Pour sa part, le vice-président de la Chambre des députés libanaise, Elias Bou Saab, a déclaré, lundi, qu'un « équilibre existe dans le traitement du dossier entre le Liban et l'ennemi israélien et cela s'est concrétisé à travers l’équation de l'armée, du peuple et de la Résistance (Hezbollah) et le Liban a obtenu l'intégralité de ses droits ».

L'Iran et Hezbollah

De son côté, l'ancien ministre israélien de l'Energie, Yuval Steinitz, a exprimé son « étonnement après avoir entendu dire que les Libanais obtiendront 100% de la zone contestée alors qu’Israël n'en obtiendra que 0 ».

Selon des responsables israéliens, l'intérêt de Tel-Aviv consiste à éloigner le Liban de l'orbite de l'Iran. Israël et l'Iran se considèrent mutuellement et de façon radicale comme étant des ennemis.

Pour sa part, le Premier ministre israélien, Lair Lapid, a souligné, dimanche, que « l'accord affaiblira le rapprochement entre l’Iran et le Liban de même qu’il inhibera les ardeurs du Hezbollah ».

Tel-Aviv ainsi que plusieurs capitales régionales et occidentales, dont Washington, accusent le groupe libanais Hezbollah de contrôler les institutions de l'Etat pour le compte de son allié l'Iran, ce que le groupe chiite et Téhéran nient en bloc.

Pour sa part, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, estime que « l'éventuel accord est économique dans son essence mais pourra renforcer la stabilité et la force de dissuasion, tout en fragilisant le fait que le Liban compte grandement sur l'Iran qui lui fournit énergie et autres produits ».

A l’opposée, des experts ont exclu le fait que Washington vise à travers cet accord d'éloigner l'influence iranienne du Liban.

L'analyste politique Mounir Errabi’ a indiqué que le but de la délimitation des frontières entre le Liban et Israël consiste à assurer le gaz pour l'Europe et à adresser un message à la Russie à travers cela.

L'accord vise essentiellement aussi à préserver la stabilité et à garantir la sécurité d'Israël, à partir du Sud-Liban, en lui permettant d'explorer et d'extraire le gaz, toujours selon notre interlocuteur.

Des acquis iraniens

Contrairement à ce qu’espérait Israël, l'analyste politique Tony Paul a, dans une déclaration accordée à l'Agence Anadolu, exclu que « l'éventuel accord parviendrait à réduire l’acuité du placement du Liban sous tutelle iranienne…ce qui est apparent c'est que l'accord accorde des acquis à l'Iran au détriment du peuple libanais ».

Et Paul de poursuivre : « Il est clair que l'accord qui sera obtenu sera plus conclu entre l'Iran et Israël que celui entre le Liban et Israël, d’autant plus que ses résultats commencent à apparaître en Iran ».

« Nous avons constaté, a-t-il dit, comment des prisonniers américains en Iran ont été élargis, de même que des informations circulent au sujet de l'intention de Washington de lever le gel imposé à des comptes bancaires appartenant au régime iranien ».

« Des informations circulent également au sujet d'un feu vert américain accordé à l'Iran pour exporter de plus grandes quantités de son pétrole, parallèlement à des accords entre Téhéran et le gouvernement libanais pour exporter le pétrole vers le Liban », a-t-il ajouté.

Il ressort de l'ensemble de ces données, selon Paul, que « l’accord a été conclu (là-bas) avec Téhéran ».

Plus d’une fois, Nasrallah avait menacé que son groupe (qui dispose d'un grand arsenal d'armes et de missiles) est capable d'empêcher Israël d'extraire le gaz au cas où le Liban n'obtiendrait pas ses droits pétroliers dans la zone maritime frontalière.

Renforcement du rôle de Téhéran et du Hezbollah

Abondant dans le même sens de Paul, l’analyste politique Kacem Qassir a indiqué que « l'accord, en cas de conclusion effective, n'aura aucun impact sur les relations du Liban avec l'Iran mais au contraire au raffermissement des relations entre les deux pays ».

Dans une déclaration faite à AA, Qassir a ajouté que « l'accord lèvera le veto américain imposé au Liban pour l'obtention d'aides étrangères, de même qu'il consolidera le rôle de Téhéran et du Hezbollah au Liban, d'autant plus que Hezbollah, fort du soutien de l’Iran, ont appuyé la position de l'Etat libanais dans ce dossier ».

Il a considéré que « les responsables israéliens et américains tentent de justifier les concessions (de la ligne 23) offertes au Liban par le fait que cela générera un affaiblissement du rôle de l'Iran mais cela n'est pas vrai ».

Le 24 septembre dernier, l’ancien Secrétaire d'État américain adjoint pour les affaires du Moyen-Orient, David Kenneth Schenke, s’est dit, dans une déclaration aux médias, « convaincu que l'Administration américaine actuelle ne punira pas le Liban en cas d'importations de son énergie depuis l'Iran ».

La semaine passée, une délégation libanaise a examiné avec des responsables iraniens à Téhéran la possibilité d'alimenter le Liban en carburant afin de faire fonctionner les usines d'énergie, d’autant plus que le Liban souffre d'une pénurie aiguë en la matière.

L'équation du Hezbollah

De son côté, l’analyste politique, Faycal Abdessater, a estimé que « la réalisation acquise par le Liban a été possible à la faveur de la contribution du Hezbollah grâce à l'équation qu'il a imposée, à savoir l'obtention par le Liban de ses droits pétroliers en premier, en contrepartie de l'exploration par Israël du gaz du champ de Karish ».

Abdessater, un proche du Hezbollah, a ajouté dans une entrevue accordée à AA que « chacun sait que l'ennemi israélien fait peu de cas des droits des autres, sauf si la partie adverse le menace et qu’il craint, et c’est ce qu'a fait la Résistance à travers les drones et les vidéos qui ont détecté et observé les plateformes de karish ».

Il a considéré que « le Hezbollah est celui qui a contraint Israël de céder et ce qui s'est passé n'a aucun lien avec l'Iran ni avec un autre pays dans la mesure où cela verse dans l'intérêt des Libanais ».

Au mois de juillet dernier, le Hezbollah avait lancé trois drones en direction du champ de Karish, où des bateaux et des plateformes israéliens s'apprêtaient à extraire le gaz, alors que l'armée israélienne avait annoncé avoir intercepté un de ces appareils.

Le même mois, des médias libanais avaient diffusé, en relayant Hezbollah un extrait vidéo d'une durée d'une minute et 16 secondes, qui montre clairement que les navires israéliens d'exploration et d'extraction de gaz étaient dans la ligne de mire des missiles du Hezbollah.

Source : AA

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