Assassinat de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia : un accusé condamné à quinze ans de prison

Le tribunal a déclaré avoir tenu compte du fait que Vincent Muscat, qui avait pour la première fois plus tôt dans la journée plaidé coupable de ce meurtre, avait collaboré avec la police.

Trois ans et demi après le meurtre de Daphne Caruana Galizia, les trois accusés font face à la justice maltaise. Mardi 23 février, l’un d’entre eux, Vincent Muscat, a été condamné par le tribunal de La Valette à une peine de quinze ans de prison pour le meurtre, en octobre 2017, de la journaliste maltaise anticorruption.

En annonçant le verdict, le tribunal a déclaré avoir tenu compte du fait que Vincent Muscat, qui avait pour la première fois plus tôt dans la journée plaidé coupable de ce meurtre, avait collaboré avec la police et que le parquet avait lui aussi demandé cette peine. La juge a ainsi précisé que le principal responsable de l’enquête sur le meurtre de la journaliste, l’inspecteur Keith Arnaud, avait assuré que Vincent Muscat collaborait avec la police depuis 2018.

La famille de la journaliste, déçue par le verdict, a néanmoins dit espérer que la condamnation de M. Muscat « ouvrirait la voie à une justice totale pour Daphne Caruana Galizia ». L’avocat de la famille, Jason Azzopardi, a précisé que ses clients avaient donné leur accord à la proposition du parquet d’une peine de quinze ans de prison pour Vincent Muscat.

Changement de défense

Le 16 octobre 2017, la journaliste blogueuse Daphne Caruana Galizia, 53 ans, est tuée par une bombe placée dans sa voiture. Elle enquêtait depuis plusieurs années sur la corruption au plus haut niveau à Malte et notamment sur le business de la vente de passeports européens par l’Etat maltais à des personnes parfois sous le coup de sanctions internationales, les relatant dans son blog « Running Commentary ».

Considérés comme de simples exécutants, trois hommes au casier judiciaire déjà chargé – les frères Alfred et George Degiorgio, ainsi que Vincent Muscat – sont inculpés le lendemain, soupçonnés de participation à une organisation criminelle et d’avoir fabriqué la bombe. Ils plaidaient non coupables depuis lors, jusqu’au retournement de situation de mardi lorsque M. Muscat a décidé de plaider coupable. « Ce sont de graves accusations, meurtre, conspiration, il risque la réclusion à perpétuité », a lancé la juge Edwina Grima à Marc Sant, l’avocat de M. Muscat, mais ce dernier a répété qu’il plaidait coupable.

Sur la piste du commanditaire

Un quatrième homme lié à cette affaire, Yorgen Fenech, un homme d’affaires propriétaire de la société 17 Black, avait été arrêté en 2019 sur son yacht au large de Malte, alors qu’il tentait de fuir. Un chauffeur de taxi soupçonné d’avoir été un intermédiaire l’accuse d’avoir été le principal commanditaire du meurtre, mais les audiences le concernant n’ont pas encore commencé.

C’est en creusant le volet maltais des retentissants « Panama papers » que Daphne Caruana Galizia avait mis au jour les liens entre M. Fenech et de hauts responsables politiques maltais. Elle avait notamment révélé qu’une société de Dubaï, 17 Black, avait versé 2 millions d’euros à Keith Schembri, à l’époque chef de cabinet du premier ministre Joseph Muscat (sans lien de parenté avec Vincent Muscat), et Konrad Mizzi, le ministre du tourisme. La contrepartie de ces pots-de-vin présumés n’est pas connue.

Le consortium de journalistes Projet Daphné, dont fait partie Le Monde, a repris ses enquêtes et a révélé que 17 Black appartenait à M. Fenech. Et le chef du gouvernement, accusé de s’être ingéré dans l’affaire et d’avoir protégé ses collaborateurs, son chef de cabinet, ainsi que le ministre du tourisme ont démissionné depuis.

Yorgen Fenech a été inculpé de complicité samedi. Il a lui-même mis en cause plusieurs hauts responsables du gouvernement, en particulier Keith Schembri, le désignant comme le « vrai commanditaire » de l’assassinat.

Source : Le Monde avec AFP

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