États-Unis : 100 jours après sa réélection, Trump divise une population politiquement épuisée

Cent jours après le début du second mandat du président américain Donald Trump, un nouveau sondage CNN révèle une Amérique profondément divisée, de plus en plus frustrée par le système politique, sceptique à l’égard des deux grands partis et inquiète pour l’avenir.

Réalisée par l’institut SSRS et publiée mardi, l’enquête montre qu’une majorité d’Américains pense que le pays suit une mauvaise trajectoire. Malgré le contrôle unifié des Républicains sur la présidence et le Congrès, la confiance envers les dirigeants reste faible, quel que soit le camp.

Près des deux tiers des sondés estiment que la situation aux États-Unis évolue négativement. Les Républicains au Congrès ne recueillent que 37 % d’opinions favorables, tandis que le soutien aux Démocrates chute à 27 %, son plus bas niveau depuis 2008 dans les sondages de CNN.

Parmi les électeurs désabusés figure Lisa Taylor, une indépendante du Maryland, ex-sympathisante de Trump qui a voté pour Kamala Harris en 2024.

« Je ne suis pas satisfaite. Je suis incertaine. Honnêtement, j’ai peur. C’est la première fois que je peux dire que je redoute l’avenir, à cause de ce qui s’est passé et de ce qui nous attend », a-t-elle déclaré à CNN.

Et elle est loin d’être un cas isolé : la proportion d’Américains disant avoir peur de l’avenir sous la présidence Trump atteint 41 %, soit une hausse de 12 points depuis décembre. Chez les Démocrates et les indépendants proches du parti, ce chiffre grimpe à 71 %.

- Institutions fragilisées

Le sondage met en lumière une inquiétude croissante face à l’érosion des contre-pouvoirs. Une majorité d’Américains estiment que le Congrès ne fait pas assez pour limiter les actions de Donald Trump. La moitié pense que le système judiciaire échoue également dans ce rôle. Plus d’un sur deux considère que l’administration Trump ne respecte pas l’équilibre constitutionnel des pouvoirs.

Les électeurs proches des Républicains ne partagent pas ces craintes : la majorité d’entre eux jugent que le Congrès, les tribunaux et l’exécutif maintiennent un équilibre adéquat. Certains vont plus loin, accusant le pouvoir judiciaire d’excès dans sa volonté de freiner Trump.

- Effondrement de la confiance envers les Démocrates

Malgré la défiance grandissante envers le contrôle républicain, les Démocrates ne parviennent pas à s’imposer comme une alternative crédible. Plus de la moitié des sondés considèrent que la domination républicaine nuit au pays, mais les dirigeants démocrates échouent à convaincre.

Le chef de la minorité démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries, ne recueille que 20 % d’opinions favorables. Quant à Chuck Schumer, leader démocrate au Sénat, sa popularité chute à 17 %, son niveau le plus bas depuis 2017.

Gregory Victorianne, un électeur démocrate de Los Angeles, exprime sa frustration : « Ils doivent se réveiller, mettre Trump et son parti face à leurs responsabilités, et nous informer en temps réel de leurs actions pour que nous puissions reprendre le contrôle de la Chambre, du Sénat et de la Maison Blanche », a-t-il déclaré à CNN.

La colère gronde chez les électeurs démocrates : 70 % se disent en colère face à la politique nationale, contre 46 % en janvier. Le soutien aux figures établies du parti, comme Schumer, chute fortement chez les moins de 35 ans.

- Harris, une alternative qui divise

La vice-présidente Kamala Harris ne fait pas l’unanimité comme éventuelle alternative à Trump. Selon le sondage, 42 % estiment que Trump fait un meilleur travail, 41 % jugent que Harris aurait fait mieux, et 16 % pensent que cela n’aurait fait aucune différence.

Le mécontentement semble surtout venir de l’intérieur du camp démocrate : 61 % des électeurs affiliés au parti désapprouvent sa direction. À l’inverse, 72 % des Républicains se disent satisfaits de la leur.

- Opposition croissante aux politiques migratoires de Trump

La majorité des Américains estiment que les mesures migratoires du président Trump vont trop loin. Selon le sondage, 52 % jugent ses politiques d’expulsion trop extrêmes, tandis que 57 % dénoncent le non-respect des lois fédérales lors des procédures de renvoi.

Le taux d’approbation des actions migratoires de Trump chute à 45 %. Plusieurs mesures de son administration suscitent une vive contestation, notamment la révocation de visas étudiants pour des raisons politiques, les expulsions directes vers des prisons au Salvador, ou encore le recours à des pouvoirs d’urgence militaire pour accélérer les renvois.

Même le suivi des sans-papiers via les données fiscales de l’IRS est rejeté par une courte majorité. Chez les électeurs indépendants, 56 % estiment que Trump a abusé de son pouvoir. Les jeunes s’opposent également en grand nombre aux pratiques sévères, en particulier aux révocations de visas étudiants et aux expulsions agressives.

Un cas récent a particulièrement choqué : Kilmar Abrego Garcia, expulsé à tort vers le Salvador. Une majorité d’Américains, y compris des partisans de la politique migratoire de Trump, souhaitent que l’État facilite son retour aux États-Unis conformément à une décision de la Cour suprême.

- Les perspectives économiques s’assombrissent

L’économie reste un sujet de préoccupation majeur. D’après le sondage, 59 % des Américains pensent que les politiques de Trump ont empiré la situation économique, contre 51 % en mars. Un niveau de confiance comparable aux pires scores enregistrés sous la présidence Biden.

Alors que les effets des nouveaux tarifs douaniers se font sentir, 60 % des sondés imputent la hausse des prix et du coût de la vie à l’agenda économique de Trump. Seuls 12 % estiment qu’il a contribué à les réduire.

La peur d’une récession se renforce : 69 % des personnes interrogées la jugent probable dans l’année à venir. L’optimisme est en berne, seuls 34 % se disent confiants quant à l’avenir économique.

Même si de nombreux Républicains continuent de croire aux bénéfices à long terme de la stratégie tarifaire de Trump, l’inquiétude monte parmi ses partisans concernant l’instabilité à court terme, l’épargne-retraite et l’absence d’amélioration concrète.

Source: AA

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