Révocation de magistrats tunisiens : Appels à la mise en œuvre des décisions du Tribunal Administratif

La Coordination des structures judiciaires en Tunisie a appelé, lundi, le président du pays, Kais Saïed, à "veiller" à l'application d'une décision de justice visant à suspendre la révocation de magistrats visés par un décret présidentiel mettant fin à leurs fonctions.

La Coordination des structures judiciaires a mis en garde contre le fait de "monter des accusations" contre ces magistrats.

C'est ce qui ressort d'une déclaration commune de la Coordination des structures judiciaires, une fédération de syndicats et d'associations de magistrats, publiée sur sa page Facebook officielle.

La Coordination a souligné la nécessité de "mettre un terme à la mascarade que le ministère de la Justice fait subir à notre pays à l'intérieur et à l'extérieur, et de veiller à l'application des décisions du Tribunal Administratif."

Le 10 août, le Tribunal Administratif a décidé de suspendre l'application du décret de Saïed concernant la révocation d'un certain nombre de juges (49 sur 57 juges), notamment pour "modification du cours des affaires" et "perturbation des enquêtes" dans des dossiers liés au terrorisme et pour corruption financière et manquements à l’éthique, ce que les juges réfutent.

La Coordination a appelé à "l'exécution immédiate et complète de la décision du Tribunal Administratif afin de faire respecter l'Etat de droit et la souveraineté de la loi et son application à tous, étant donné que tous les jugements sont rendus au nom du peuple et exécutés au nom du Président de la République, qui est responsable en premier et dernier lieu de l'exécution des jugements."

Dimanche, le ministère de la Justice a déclaré que les juges visés par la décision de suspension de la révocation "sont toujours susceptibles d'être poursuivis."

La Coordination a exprimé son étonnement quant à ce qui "figure dans la note du ministère de la Justice demandant aux responsables des tribunaux de changer les serrures des bureaux des juges (révoqués), de les placer sous inventaire et de leur interdire l'accès après le prononcé des décisions de suspension d'exécution."

Elle a tenu le ministère "pleinement responsable de toute action qu'il entreprend en l'absence de transparence et de respect des lois, et responsable de toute altération des bureaux des juges, plus encore après l’inventaire préalable et le recensement de leur contenu immédiatement après la publication de l'arrêt de révocation."

La Coordination a mis en garde contre "les pressions exercées par la ministre de la Justice (Laila Jaffal) sur les inspecteurs du ministère, pour les forcer à accélérer le montage de dossiers et à fabriquer des accusations contre les juges visés par les décisions de révocation", selon le communiqué.

La Coordination a dénoncé ce qu'elle a appelé "l'orientation du ministère de la Justice vers la fabrication de dossiers et de poursuites pénales à postériori contre les juges qui ont bénéficié d'une décision définitive, après avoir échoué à prouver les accusations devant la justice administrative."

Elle a également mis en garde contre les "graves conséquences de la non-application des décisions du Tribunal Administratif et de la primauté de la logique de la force", estimant qu'il s'agit d'un "dangereux abus de pouvoir."

La Coordination a appelé tous les juges à être "vigilants, mobilisés et prêts à s'engager dans toutes les formes de lutte requises par la période à venir."

Le dossier des juges révoqués s'inscrit dans le cadre d'une grave crise politique que connaît la Tunisie depuis le 25 juillet 2021, date à laquelle Saïed a imposé des mesures d’exception, notamment la destitution du gouvernement, la nomination d'un autre exécutif, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et du Parlement, la promulgation de lois par décrets, l'adoption d'une nouvelle Constitution le 25 juillet et la tenue d'élections législatives anticipées le 17 décembre prochain.

Des forces politiques tunisiennes considèrent ces mesures comme un "coup d'État contre la Constitution de 2014 et la consolidation d'un pouvoir autoritaire", tandis que d'autres forces y voient une "correction du cours de la révolution de 2011" qui avait renversé le régime du président de l'époque, Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011).

Source : AA

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