En Turquie, la « crédibilité » de la banque centrale en question après le limogeage de son gouverneur

Financier respecté, Naci Agbal a été remplacé, dans la nuit de vendredi à samedi, par un proche de Recep Tayyip Erdogan.

C’est un très mauvais signe envoyé par la Turquie aux investisseurs et aux marchés. Dans la nuit de vendredi 19 à samedi 20 mars, cinq mois à peine après sa nomination à la tête de l’institution, le gouverneur de la Banque centrale de Turquie (BCT), Naci Agbal, a été limogé par le président Recep Tayyip Erdogan.

Il a été remplacé par Sahap Kavcioglu, un proche du président, partisan comme lui des taux d’intérêt au plus bas, qui est aussi éditorialiste au quotidien complotiste et antisémite Yeni Safak. C’est la quatrième fois en moins de vingt mois que la BCT change de gouverneur. Lundi matin, la Bourse d’Istanbul a suspendu à plusieurs reprises ses cotations.

Le limogeage de M. Agbal est intervenu deux jours après sa décision de relever le taux directeur de 200 points de base, à 19 %, afin de lutter contre l’inflation, estimée à 15,6 % en rythme annuel. Grâce à la gestion habile de ce financier respecté, la devise turque s’était appréciée d’environ 18 % ces derniers mois. Ce gain a été perdu dès lundi, la livre turque accusant dans la matinée une perte de plus de 14 % de sa valeur par rapport au dollar, ce qui risque d’aggraver les pressions inflationnistes.

« Coup porté à l’indépendance » de la BCT

Ziad Daoud, l’économiste en chef de Bloomberg, a évoqué sur son compte Twitter « un coup porté à la crédibilité et à l’indépendance de la banque centrale ». Selon lui, autant les marchés financiers étaient prêts « à donner une chance à Naci Agbal », autant « son successeur aura du mal à rétablir cette confiance ».

Hostile aux taux d’intérêt élevés, M. Kavcioglu est un ancien député du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), au pouvoir en Turquie depuis 2002. Inconnu à l’étranger, il est titulaire d’un doctorat de l’université de Marmara. Proche du président Erdogan, il a occupé le poste de directeur général adjoint de la banque publique Halkbank entre 2005 et 2015, soit au plus fort du contournement par cette banque des sanctions américaines à destination de l’Iran. L’établissement est accusé aux Etats-Unis d’avoir mis en place un système ayant permis à l’Iran d’accéder à plus de 20 milliards de dollars de liquidités entre 2008 et 2016, au mépris des sanctions imposées par Washington.

Ankara, qui rejette en bloc ces accusations, redoute l’exclusion de Halkbank du système bancaire international et l’imposition d’une lourde amende, autant de mesures susceptibles de saper l’économie turque fragilisée.

Source : AA

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