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- Le 22 Novembre 2024
Les dirigeants européens s’apprêtent à accorder à l’Ukraine le statut de candidat à l’UE. Une décision qui promet, en pleine guerre, de nombreux défis pour Kiev et l’Europe.
C’est la première étape d’un très long chemin. A l’occasion du sommet européen qui s’est ouvert le jeudi 23 juin, les dirigeants de l’Union européenne (UE) s’apprêtent à accorder à l’Ukraine le statut de candidat à l’UE. Ce statut, qui permet d’ouvrir officiellement les négociations sur une adhésion, constitue le tout début d’un processus qui pourra prendre plusieurs dizaines d’années.
« Si la pression politique, induite par la guerre en Ukraine, a permis de valider en un temps record la candidature de l’Ukraine, son adhésion ne sera pas immédiate », prévient Georgina Wright, directrice du programme Europe au sein du think-tank de l’Institut Montaigne. « Il faut s’assurer que les deux instances peuvent assumer ce projet », souligne-t-elle, évoquant, d’un côté « la capacité de l’Ukraine à se conformer aux règles européennes », de l’autre « celle de l’UE d’absorber un nouveau pays, tout en maintenant son équilibre institutionnel. »
Du dépôt de candidature à l’adhésion au sein de l’Union européenne, en passant par la validation du statut de candidat, Le Monde revient sur ce long chemin qui attend l’Ukraine avant de devenir, ou non, État membre de l’Union européenne.
Un statut de candidat validé en un temps record
Le 28 février, quatre jours après l’invasion russe de son territoire, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, demande à bénéficier d’une « procédure spéciale » pour permettre à son pays d’adhérer à l’Union européenne. Quelques semaines plus tard, dans le courant du mois de mars, le président dépose officiellement sa demande d’adhésion.
En réalité, il n’existe pas de procédure accélérée pour une adhésion à l’UE. Une telle candidature suppose un long processus qui démarre par une acceptation de la demande par la Commission, le Parlement européen, le Conseil (les Etats membres) et une validation officielle par le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement) à l’unanimité.
A titre de comparaison, la Serbie qui avait déposé son dossier en 2009 avait dû attendre 2012 avant que le statut de candidat lui soit accordé et 2013 pour que les négociations soient lancées. A l’instar de plusieurs pays des Balkans, la Serbie patiente encore aujourd’hui aux portes de l’UE. Comme celles de l’Albanie, de la Macédoine du Nord et du Monténégro, son adhésion n’a toujours pas été validée et les négociations se poursuivent. Exemple le plus emblématique, la Turquie a fait sa demande en 1987, avant d’être déclarée candidate en 1999 et d’entamer des négociations en 2005, qui sont actuellement au point mort.
Vers l’octroi du statut de candidat… sous conditions
Trois mois après le dépôt de candidature, la Commission européenne a été la première instance à valider, le 17 juin, l’octroi du statut de candidat à l’UE de l’Ukraine. « Les Ukrainiens sont prêts à mourir pour défendre leurs aspirations européennes. Nous voulons qu’ils vivent avec nous le rêve européen », a justifié la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, vêtue d’une veste jaune et d’un chemisier bleu aux couleurs du drapeau ukrainien.
« L’Ukraine a déjà adopté environ 70 % des règles, normes et standards européens », a d’abord vanté Mme von der Leyen, évoquant pêle-mêle « une démocratie présidentielle et parlementaire très solide », « une administration publique qui fonctionne très bien et qui a permis de faire fonctionner le pays pendant cette guerre », le « succès » de la réforme de la décentralisation et « une économie de marché pleinement opérationnelle ». Dès 2014, l’Ukraine a signé un accord d’association avec l’UE, incluant un accord de libre-échange. Considéré comme un préalable à une adhésion, ce texte, entré en vigueur le 1er septembre 2017, visait à réformer les institutions et l’économie ukrainiennes, pour les faire correspondre aux standards de l’Union européenne.
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« Beaucoup a été accompli, mais, bien sûr, il reste un travail important », a toutefois tempéré Ursula von der Leyen, évoquant des progrès à faire sur « l’Etat de droit, les oligarques, la lutte contre la corruption et les droits fondamentaux ». Une mise en garde qui vise à éviter un casse-tête aux diplomates européens. Marqué par des adhésions trop rapides, comme celles de la Bulgarie et la Roumanie, aujourd’hui rongées par la corruption, Bruxelles veut éviter les profils de pays problématiques. « Ce statut de candidat est réversible », précisait au Monde un haut fonctionnaire, début juin. Si ce statut devrait bien être accordé à Kiev, le Conseil européen peut toutefois décider de le lui retirer.
Les réformes qui attendent l’Ukraine
Une fois la candidature de l’Ukraine validée par le Conseil, la Commission européenne devra établir avec Kiev une stratégie de pré-adhésion du pays au sein de l’UE. « Cette étape du processus implique l’instauration d’un programme de soutien et d’aides financières permettant au candidat de mener les réformes administratives, politiques, économiques nécessaires pour intégrer le corpus législatif européen », détaille Georgina Wright de l’Institut Montaigne.
A quels chantiers devra s’atteler l’Ukraine ? En plus de s’engager à respecter les articles 49 et 2 du traité sur l’union européenne, le pays doit également appliquer le traité de Lisbonne et les critères de Copenhague, qui reposent sur des impératifs de stabilité politique et économique. « A cela s’ajoute le critère de l’acquis communautaire, qui signifie que l’État candidat doit être en capacité d’intégrer l’ensemble des normes européennes existantes dans son droit national », poursuit Mme Wright.
« Pour se préparer à rejoindre l’UE, il ne s’agit pas seulement de réaliser un copier-coller du droit européen », prévient Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques-Delors, précisant qu’une « désoligarchisation » de l’économie ukrainienne sera nécessaire. « Etre membre de l’UE, cela implique d’être une démocratie libérale, avec une économie de marché », précise le spécialiste, évoquant la nécessité d’instaurer « une loi antiblanchiment » en Ukraine, où des systèmes de corruption sont à l’œuvre.
Toujours selon Sébastien Maillard :
« La façon dont l’Ukraine protège ses minorités - grecques, bulgares, hongroises et surtout russophones - constituera également une dimension clé dans la manière dont le pays évolue pour rejoindre les standards européens. »
Début juin, le président Volodymyr Zelensky a fait savoir qu’il était « prêt à travailler » pour que l’Ukraine devienne « membre de plein droit de l’UE ».
Une fois les premières réformes amorcées, l’Ukraine pourra débuter la phase de négociations, décidée par le Conseil de l’UE. Menée par une équipe de négociateurs, cette phase porte sur une trentaine de chapitres, qui recouvrent tout le spectre de l’activité de l’UE. La Commission fera une première évaluation du chemin parcouru d’ici à la fin de l’année. Difficile toutefois d’imaginer l’UE démarrer les négociations rapidement, alors que le pays est toujours en guerre.
Quid de la capacité de l’Europe à accueillir un pays comme l’Ukraine ?
Au-delà des efforts réclamés à l’Ukraine, son adhésion repose également sur la capacité de l’UE à accueillir un nouveau pays dans de bonnes conditions : budget suffisant, capacité décisionnelle… Si l’Ukraine est admise dans le plus grand bloc commercial mondial, elle en deviendra le plus grand pays en termes de superficie et le cinquième le plus peuplé. « Cela aurait une conséquence sur les équilibres de pouvoir, avec une très forte représentation de l’Ukraine au sein du Conseil et du Parlement européen », analyse Georgina Wright.
Emmanuel Macron, au début de sa présidence de l’UE et avant la guerre en Ukraine, avait déclaré devant le Parlement européen :
« Nous savons très concrètement que ce n’est pas l’Europe actuelle, avec ses règles de fonctionnement, qui peut devenir une Europe à 31, 32 ou 33. Ça n’est pas vrai, nous nous mentirions à nous-mêmes. »
L’éventualité de plus en plus probable de voir l’Ukraine rejoindre à terme l’UE constitue donc un défi pour les Européens. Les Vingt-Sept font face à des bouleversements majeurs, qui ne sont pas sans rappeler les décisions prises dans les années 1990 pour accueillir les ex-pays communistes d’Europe de l’Est.
Source : Le Monde