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- Le 22 Novembre 2024
Censé rencontrer le prince héritier en Arabie saoudite à la mi-juillet, le président américain fait face aux critiques de certains élus démocrates qui regrettent ce qu’ils considèrent comme un revirement politique.
C’est une annonce qui a provoqué des divisions au sein du camp démocrate. Au cours d’une visite inédite prévue à la mi-juillet en Arabie saoudite, le président américain Joe Biden doit rencontrer le prince héritier Mohammad ben Salmane. Faisant l’objet de rumeurs depuis plusieurs semaines et confirmé au début du mois, ce voyage sonne comme un revirement politique pour celui qui avait promis de « recalibrer » la relation entre Washington et Riyad. Une décision que regrettent certains élus de sa famille politique, qui avait adopté une ligne ferme contre l’Arabie saoudite dans le sillage de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul en 2018, et des violations des droits humains commis par la coalition menée par le royaume au Yémen. À son arrivée à la Maison-Blanche, Joe Biden avait notamment déclassifié un rapport de la CIA pointant la responsabilité du dauphin saoudien dans l’affaire Khashoggi, tout en refusant de s’adresser à lui directement, prenant ainsi le contre-pied de la politique menée par son prédécesseur, jugée trop accommodante à l’égard des pétromonarchies du Golfe. Face à ce qui ressemble à une réhabilitation, « il y a des voix, y compris parmi les soutiens du président, qui lui soufflent de ne pas effectuer cette visite », indique Daniel Shapiro, membre distingué de l’Atlantic Council et ancien ambassadeur américain en Israël. « Biden lui-même a ses doutes, car ce ne sera jamais simple de collaborer avec le prince héritier », poursuit-il.
L’invasion russe de l’Ukraine, ses conséquences géopolitiques et ses répercussions sur le secteur énergétique mondial ont cependant contraint le président américain à revoir ses calculs à l’égard du royaume wahhabite, le plus important pays exportateur capable d’augmenter sa production de pétrole rapidement et considérablement. Washington a désormais besoin de Riyad afin de contrer la flambée des prix des hydrocarbures qui contribue à nourrir l’effort de guerre russe ainsi qu’une forte inflation aux États-Unis, alimentant à son tour un mécontentement populaire à l’approche des élections de mi-mandat prévues en novembre. « L’objectif primordial aujourd’hui, plus important que tout le reste, c’est de battre Poutine », a ainsi déclaré le représentant Tom Malinowski du New Jersey, ancien secrétaire d’État adjoint à la démocratie, aux droits de l’homme et au travail sous Barack Obama et très critique de la guerre au Yémen, selon des propos rapportés par le média Politico.
Gestes pragmatiques
Si l’Arabie saoudite, pays moteur de l’OPEP+ avec la Russie, a finalement consenti à augmenter la production de l’organisation de plus de 200 000 barils de pétrole par jour pour juillet et août, les cours très élevés des énergies fossiles et l’inflation qui en résulte ne devraient pas baisser substantiellement face à ce changement de plan. Certains analystes espèrent que la visite de Joe Biden permettra de convaincre Riyad d’écouler plus de barils dès septembre. Pour ce faire, des concessions sont néanmoins attendues de la part du royaume wahhabite, notamment en ce qui concerne des garanties de sécurité face aux attaques des rebelles houthis sur son sol, lancées avec l’appui de Téhéran, en représailles contre le soutien de la coalition aux forces progouvernementales au Yémen. « Une fois que l’entente stratégique est restaurée, la relation américano-saoudienne se stabilisera et s’améliorera probablement petit à petit, avec le temps », prévoit Daniel Shapiro.
C’est en s’appuyant aussi sur d’autres signes de bonne volonté de la part du prince héritier que le président américain essaie de faire passer la pilule de la realpolitik à son camp. Riyad s’est en effet activé pour pousser à la formation en avril dernier d’un conseil présidentiel de huit membres afin de remplacer l’ancien président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi. En parallèle, ce belligérant a globalement respecté la trêve de deux mois conclue au début du ramadan sous les auspices de l’ONU, qui a permis la première accalmie sur le terrain depuis 2016. Lors du renouvellement in extremis de la trêve début juin, Joe Biden a loué, dans un geste d’ouverture, le « leadership courageux » de l’Arabie saoudite.
Sans condamner explicitement la visite prévue, six élus démocrates, dont le représentant de Californie Adam Schiff, président du Comité du renseignement de la Chambre, ont néanmoins adressé une lettre au chef de la Maison-Blanche le 7 juin pour faire entendre leurs conditions d’un « recalibrage » de la relation américano-saoudienne. Reprenant la formule employée par Joe Biden lui-même, ils ont notamment insisté sur le respect des droits humains et la demande de justice dans l’affaire Khashoggi. Lors de la publication du rapport de la CIA en janvier 2021, Adam Schiff avait déjà enjoint à Joe Biden de sanctionner MBS, estimant qu’il « a du sang sur les mains ».
Afin de ne pas braquer ce partenaire essentiel au Moyen-Orient, l’équipe du président démocrate s’y était pourtant refusée, consciente que le prince héritier devrait a priori succéder à son père. Jouant ainsi d’un pragmatisme discret, Washington a également décidé en février 2021 de mettre un terme au soutien « offensif » à la coalition au Yémen. Publié quelques jours après l’annonce de la visite de Joe Biden en Arabie saoudite, un rapport du Government Accountability Office, chargé d’auditer les comptes publics, dénonçait toutefois l’absence de définition claire donnée aux « équipements défensifs par nature ». Face au conflit qui a provoqué l’une des pires crises humanitaires au monde et fait près de 380 000 victimes directes et indirectes depuis 2014, une opposition bipartisane à la poursuite de la guerre continue de s’exprimer au Congrès, bien qu’à géométrie variable. En novembre dernier, le Sénat américain, bien que majoritairement contrôlé par les démocrates, a voté contre le blocage d’un contrat d’armement de 650 millions de dollars avec Riyad. En 2019, tous les sénateurs démocrates avaient pourtant voté contre une vente proposée par Donald Trump à ce même partenaire. Parmi les sénateurs qui ont changé de position entre-temps se trouve le fervent critique de la guerre au Yémen Chris Murphy du Connecticut, qui a justifié sa décision en arguant que les équipements du récent contrat étaient de nature défensive, dont le royaume avait besoin pour se défendre contre les attaques houthies en provenance du Yémen.
Justifications
Comprise au sens large, la menace iranienne, avec ses programmes nucléaire et balistique et ses supplétifs régionaux, est un souci constant de Riyad et d’autres États, comme Israël, à l’heure où les pourparlers pour réactiver l’accord sur le nucléaire iranien sont au point mort. En plein bouleversement des cartes dans la région – comme le montre l’actuelle tournée de MBS qui doit se conclure chez son ancien rival turc –, le président américain a ainsi œuvré en coulisses en préparation de sa visite pour acter un rapprochement officiel entre le royaume wahhabite et l’État hébreu, selon le site d’information Axios, dans le but de renforcer un front anti-iranien.
L’objectif de ce déplacement est également de contrer les velléités expansionnistes chinoises dans la région, alors que Riyad aurait notamment commencé à développer son propre programme de missiles balistiques avec l’aide de Pékin, selon des informations révélées par CNN en décembre dernier. L’administration de Joe Biden a ainsi évoqué la possibilité d’une coopération avec le royaume wahhabite sur le développement d’un réseau 6G, alors que le déploiement de la 5G chinoise à travers le Golfe provoque des tensions entre Washington et ses alliés, particulièrement avec Abou Dhabi. « Il y a une compréhension assez large et bipartisane que l’environnement international actuel force les États-Unis à stabiliser leurs partenariats, y compris au Moyen-Orient, afin de s’assurer que leurs partenaires restent alignés sur les intérêts américains lorsqu’ils sont contestés par Moscou et Pékin », assure Daniel Shapiro.
Interrogé sur son voyage en Arabie saoudite, le locataire de la Maison-Blanche se défend pourtant de négliger les droits de l’homme, disant ne pas avoir changé de perspective. « Mais mon travail en tant que président des États-Unis est d’apporter la paix si je le peux », a-t-il ajouté. Une explication qui ne convainc pas les activistes saoudiens exilés notamment en Amérique, les organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que les groupes de victimes du 11-Septembre souhaitant connaître les liens entre le gouvernement saoudien et les pilotes kamikazes qui ont foncé dans les tours jumelles de New York en 2001. En signe de protestation, une manifestation s’est tenue la semaine dernière devant l’ambassade saoudienne à Washington pour y dévoiler une plaque portant le nom de rue « Jamal Khashoggi Way » et réclamer du président qu’il exige des comptes au prince héritier sur les violations des droits de l’homme dans le royaume.
Source : OLJ