Les magistrats tunisiens ont entamé, lundi, une grève d’une semaine dans tous les tribunaux du pays, à l’appel des principaux syndicats de magistrats, pour protester contre la décision du président de la République, Kaïs Saïed, de révoquer 57 de leurs confrères accusés entre autres de corruption.
Le président de l'Association tunisienne des jeunes magistrats (Atjm - indépendante), Mourad Massoudi, a indiqué que la grève a débuté dans tous les tribunaux du pays et qu’elle a été largement suivie.
Pour l’heure, les autorités tunisiennes n'ont émis aucun commentaire sur les conséquences de la grève sur le travail des tribunaux.
« Nous sommes arrivés à un point de non-retour. L’indépendance judiciaire est menacée, le magistrat est à la merci d’une décision de révocation sans en connaître les raisons », a déclaré Massoudi, lui-même limogé, suite à la décision de Saïed.
Et le président de l’Atjm d’ajouter : « nous sommes en grève pour tenter de défendre l’indépendance du pouvoir judiciaire, étant donné que la plupart des magistrats révoqués, l’ont été sur fond de leurs décisions judiciaires rendues qui n’allaient pas dans le sens de la volonté du président Kaïs Saïed ».
« Le chef de l’État voulait que les magistrats agissent selon son bon vouloir », a estimé Massoudi.
Il a expliqué que « la grève devrait se poursuivre au moins jusqu'à la semaine prochaine », faisant observer qu’elle « va se prolonger sans nul doute si le président de la République ne revenait pas sur sa décision ».
Le président de l’Atjm a accusé le chef de l’État de s'octroyer le pouvoir de révoquer les magistrats sans le moindre recours possible.
Kaïs Saïed avait publié, mercredi, un décret-loi portant révocation unilatérale de 57 magistrats sur fond d’accusations qui leur ont été adressées dont « l’obstruction au déroulement de l’instruction, l’entrave à l’exercice de la justice en lien avec des affaires de terrorisme, la corruption financière, et l’outrage aux mœurs ».
Cette décision a été rejetée sur le plan interne, en particulier par des syndicats et des partis politiques. De plus, des critiques internationales ont été formulées, notamment, de la part des Etats-Unis d'Amérique et de l'ONG « Amnesty International ».
L'Association des magistrats tunisiens (Amt) avait décidé, samedi, d’observer une grève d'une semaine, d’organiser des sit-in ouverts aux sièges des structures syndicales judiciaires et de ne pas candidater aux postes judiciaires pour remplacer les magistrats révoqués ainsi qu’aux postes au sein des instances régionales relevant de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).
La Tunisie souffre, depuis le 25 juillet dernier, d’une crise politique aiguë, lorsque le président Saïed avait imposé des « mesures d’exception », en limogeant le Chef du gouvernement, en suspendant les activités du Parlement avant de le dissoudre le 30 mars 2022, et en légiférant par voie de décrets.
Source : AA