Le Mouvement tunisien Ennahdha a considéré, samedi, que le décret du président Kaïs Saïed portant création d'une Instance consultative pour le référendum constitue un « écart total de la légalité constitutionnelle et une consécration du coup d'Etat ».
Un décret présidentiel a été publié, vendredi, au Journal officiel de la République tunisienne (JORT), portant création d'une Instance nationale consultative pour une nouvelle République, ainsi que de deux commissions et une troisième pour le « Dialogue national ».
Le Mouvement Ennahdha a indiqué, dans un communiqué, que « cette mesure constitue un écart total de la légalité constitutionnelle et une consécration du coup d'Etat du 25 juillet 2021, un ancrage du pouvoir d’un seul et du monopole des pouvoirs, tout en rompant avec les acquis de la République, de la révolution et des priorités économiques et sociales du peuple ».
Ennahdha a dénoncé « la persistance à vouloir imposer un projet utopiste d'édification de base, l'adoption de la Consultation nationale avortée, étant boycottée par 95% au moins du peuple tunisien, tout en voulant faire croire au déroulement d'un Dialogue dépourvu de tous les attributs de réussite, étant fondé sur l'exclusion des partis et des organisations nationales et dont les résultats et les outputs sont connus d'avance ».
Le Mouvement a tenu « ceux qui adhèrent à ce crime pour responsables de la participation à ce putsch ».
Ennahdha a souligné que « ce qui est prétendument appelé référendum est dépourvu de légalité et de crédibilité, tout particulièrement après le remplacement de la légale Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) par une autre instance désignée et soumise au diktat de celui qui l'a nommé ».
A la mi-janvier dernier, le président Saïed avait annoncé le lancement d'une Consultation nationale, via une plateforme électronique, dans le but de renforcer la participation des citoyens au processus de changement démocratique, consultation qui sera suivie d'un referendum populaire, au mois de juillet afin de déterminer le régime politique et le système électoral pour le scrutin prévu au mois de décembre prochain.
Ennahdha a appelé l'ensemble des forces nationales à « poursuivre la lutte, à unifier les efforts pour recouvrir la démocratie, à protéger les libertés et les droits de l'homme, à respecter les fondements du régime républicain, et à sauver le pays des risques d’effondrement économique, financier et social et de l'isolement international dont souffre la Tunisie en raison des politiques putschistes ».
A son tour, Imed Khemiri, dirigeant au sein du Mouvement Ennahdha et président de son bloc parlementaire au sein de la l'Assemblée des Représentants du Peuple dissoute, a déclaré à AA que le décret de Saïed « n’a aucun fondement légal ou constitutionnel ».
Il a ajouté que ce décret est « une continuité de l'édification pyramidale voulue par Saïed en plaçant les décrets présidentiels au-dessus de la Constitution, texte sur lequel il a prêté serment et qui l’a fait accéder à la Présidence de la République avec des prérogatives limitées ».
Khemiri a indiqué que le décret « confirme l'approche hautaine de Saïed dans le traitement réservé à la crise politique que traverse le pays et souligne sa vision fondée sur l'exclusion de ses opposants, des partis politiques, des organisations sociales et celles de la société civile ».
Il a, par ailleurs, appelé les forces politiques à « hâter la tenue d'une Conférence nationale pour le dialogue » aux fins d'identifier une issue véritable à la crise que traverse la Tunisie et pour sauver le pays d'un effondrement imminent ».
Plus tôt dans la journée du samedi, la Coordination des partis, qui comprend « Le Courant démocratique », le Parti républicain et le Forum démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL), a dénoncé dans un communiqué rendu public « l'exclusion des partis politiques du Dialogue national » annoncé par le président Saïed.
Jusqu'à 16h15 (GMT), les autorités tunisiennes n'ont pas émis de commentaire au sujet de ces accusations qu’elles démentent généralement, tout en confirmant son attachement au texte de la Constitution et son ouverture au dialogue avec l'ensemble des parties qui « veillent à respecter l'intérêt de la patrie ».
La Tunisie souffre, depuis le 25 juillet dernier, d’une crise politique aiguë, lorsque le président Saïed avait imposé des « mesures d’exception », dont le gel des activités du Parlement avant sa dissolution, le limogeage du Chef du gouvernement et la légifération par voie de décrets.
Plusieurs forces politiques et civiles tunisiennes rejettent ces mesures qu’elles considèrent comme étant un « coup d’Etat contre la Constitution », alors que d’autres forces les considèrent comme étant une « restauration du processus de la révolution de 2011 », qui avait fait chuter l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali.
Source : AA