Le quotidien indépendant arabophone, dont le directeur de publication et le rédacteur en chef sont en prison, dénonce un « harcèlement continu ».
La direction du quotidien indépendant marocain Akhbar al-Yaoum (« les informations du jour »), dont le directeur de publication et le rédacteur en chef se trouvent en prison, a annoncé que le journal allait cesser de paraître, évoquant un « calvaire » financier. Le journal a subi un « harcèlement continu à travers un boycott publicitaire » et a été « privé » des aides à la presse débloquées par le gouvernement pendant la crise sanitaire, a affirmé la direction dans un communiqué diffusé dimanche 14 mars sur Facebook.
La rédaction de ce journal arabophone fondé en 2009 conteste une décision « unilatérale », dénonce une « mauvaise gestion » et espère encore « sauver le journal », selon des témoignages recueillis par l’AFP sur place. La direction n’a pas précisé quand le journal allait fermer, mais selon des journalistes de la rédaction, le dernier numéro est paru lundi.
L’annonce de la fermeture du journal fait suite aux démêlés judiciaires de trois de ses journalistes, considérés comme des « affaires politiques » par leurs soutiens. Le directeur de publication, Taoufiq Bouachrine, a été condamné à douze ans de prison en 2018, une peine alourdie à quinze ans en appel, pour des « violences sexuelles » qu’il a toujours niées.
Une décision « unilatérale »
La journaliste Hajar Raissouni a été condamnée à un an de prison ferme en 2019 pour « avortement illégal » et « sexe hors mariage », avant d’être graciée par le roi. Son oncle, Souleimane Raissouni, rédacteur en chef du quotidien, se trouve en détention préventive depuis près de neuf mois pour une affaire d’agression sexuelle qu’il nie aussi. Son procès a été reporté deux fois et renvoyé au 30 mars.
« C’est une manière terrible d’acter la fin d’un journal porte-voix de ceux qui n’en ont pas », s’est indigné Rachid El Kharroubi, 31 ans, un journaliste qui, comme ses confrères, dit avoir « appris la nouvelle sur les réseaux sociaux ». « Cette décision unilatérale n’a aucune valeur juridique : on ne peut pas fermer un journal du jour au lendemain », conteste Mohamed Jalid, un autre journaliste, évoquant une gestion « catastrophique » du quotidien. « On n’a pas été payés depuis le mois de décembre, nos lignes téléphoniques ont été coupées et le journal a cessé d’être distribué en octobre en version papier car ça coûtait trop cher, selon eux », énumère-t-il.
L’équipe d’Akhbar Al-Yaoum compte une quarantaine d’employés, contre une centaine avant l’arrestation de son directeur en 2018.