L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté, mercredi 2 mars, à une écrasante majorité, une résolution qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Un vote salué comme « historique » et accueilli par une salve d’applaudissements.
Sur les 193 membres de l’ONU, 141 pays ont approuvé le texte, cinq – Russie, Biélorussie, Corée du Nord, Erythrée et Syrie – s’y sont opposés et trente-cinq se sont abstenus, dont la Chine.
Piloté par l’Union européenne (UE) en coordination avec l’Ukraine, le texte « déplore » également « dans les termes les plus vifs l’agression de la Russie contre l’Ukraine » et affirme « son attachement à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale » de ce pays.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a jugé que le vote « exposait au grand jour l’isolement » de son homologue russe, Vladimir Poutine. « Une immense majorité des nations reconnaissent que Poutine n’attaque pas seulement l’Ukraine, mais également les fondations même de la paix et de la sécurité dans le monde », a-t-il dit dans un communiqué.
Un vote « historique », selon Josep Borrell
« Le message de l’Assemblée générale est fort et clair, a réagi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Mettez fin aux hostilités en Ukraine – maintenant. Ouvrez la porte au dialogue et à la diplomatie – maintenant. »
Pour le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, le résultat du vote est « historique », un point de vue partagé par le premier ministre britannique, Boris Johnson, pour qui « rarement le contraste entre le bien et le mal a été aussi frappant ».
Intitulée « Agression contre l’Ukraine », la résolution appelle par ailleurs à accorder à l’aide humanitaire un accès sans entrave et « déplore l’implication de la Biélorussie » dans l’attaque de l’Ukraine.
Dans la salle de l’Assemblée générale, de nombreux pays avaient installé sur la table de leur délégation des peluches de girafes, d’ours ou de lapins pour souligner leur soutien aux jeunes générations.
L’ambassadeur de l’Ukraine auprès des Nations unies, Sergiy Kyslytsya, avait dénoncé juste avant à la tribune un « génocide » en cours dans son pays, perpétré par la Russie. « Il est déjà clair que l’objectif de la Russie n’est pas seulement une occupation. C’est un génocide », a-t-il dit, alors que l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, assurait que la Russie entendait utiliser des « armes à sous-munitions » et des « armes thermobariques », interdites par la convention de Genève.
Son homologue russe, Vassily Nebenzia, a affirmé que la Russie ne visait pas de cibles civiles et se bornait à défendre les populations vivant dans le Donbass, dans l’est séparatiste de l’Ukraine.
Outre l’Amérique du Nord et l’Europe, la résolution a bénéficié du vote favorable de nombreux Etats africains, mais pas celui de l’Afrique du Sud, qui s’est abstenue, comme l’Algérie, la Centrafrique et le Mali, deux pays développant actuellement leurs liens avec la Russie. Le Burkina Faso, où s’est produit récemment un coup d’Etat, n’a pas voté ; le Sénégal a opté pour une abstention surprenante.
Abstention de la Chine et de l’Inde
Une majorité des pays d’Amérique latine, pourtant très éloignés du théâtre ukrainien, ont voté en faveur de la résolution.
Pour le Moyen-Orient, les Emirats arabes unis – suspectés d’avoir conclu un accord plus ou moins tacite avec la Russie en échange d’un vote favorable, lundi, de ce pays au Conseil de sécurité pour désigner les houthistes yéménites comme des « terroristes » – ont voté pour, rompant avec une position suivie depuis la semaine dernière au Conseil.
L’Iran, en négociations sur son programme nucléaire avec la Russie notamment, s’est abstenu, une position adoptée aussi par l’Irak. L’Arabie saoudite et Israël ont voté en faveur de la résolution.
L’abstention de la Chine est fidèle à sa position depuis une semaine au Conseil de sécurité. L’Inde s’est aussi abstenue, malgré de fortes pressions des Etats-Unis. Le Pakistan, aussi sous pression notamment des Européens pour un vote favorable, s’est abstenu.
La résolution à l’Assemblée était inspirée d’un texte rejeté la semaine dernière au Conseil de sécurité en raison d’un veto posé par la Russie qui a scandalisé les Occidentaux.
Au sein de l’Assemblée générale, le droit de veto, privilège des cinq membres permanents du Conseil (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni), n’existe pas. Ses résolutions ne sont pas contraignantes légalement.
En 2014, une condamnation similaire de la Russie pour l’annexion de la Crimée, qui s’était faite sans effusion de sang, avait obtenu cent voix pour, onze contre.