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- Le 22 Novembre 2024
La décision, prononcée mercredi, survient au lendemain de l’interdiction de la structure mère de l’organisation, vivement critiquée par les Nations unies. La Cour européenne des droits de l’homme a demandé à la Russie de « suspendre » cette dissolution.
Un tribunal de Moscou a ordonné, mercredi 29 décembre, la dissolution de la branche consacrée aux droits humains de l’organisation non gouvernementale (ONG) Memorial, au lendemain de l’interdiction de la structure mère de cette organisation emblématique. Le Centre de défense des droits humains de Memorial, entité juridique distincte de celle dissoute mardi, est accusé d’avoir enfreint une loi controversée sur les « agents de l’étranger » et d’avoir fait l’apologie du « terrorisme » et de l’« extrémisme ».
Le procureur a jugé que « les violations des droits et libertés des personnes ainsi que les violations répétées et grossières aux lois de la Russie constituent un motif de dissolution ». Le Centre de défense des droits humains s’est impliqué, ces dernières années, dans la défense des droits humains ou des prisonniers politiques, dont elle fait un recensement documenté. L’audience de mercredi s’est tenue au lendemain de la dissolution par la Cour suprême de Memorial International et de ses antennes régionales, décision qui marque un renforcement de la répression des voix critiques du Kremlin.
« Si l’on nous dissout, cela confirmera que les poursuites à des fins politiques sont devenues une réalité systémique de nos vies », a dit devant le tribunal Alexandre Tcherkassov, qui dirige le Centre de défense des droits humains. Mercredi soir, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), à laquelle est théoriquement soumise la Russie en qualité de membre du Conseil de l’Europe, a demandé au gouvernement russe de « suspendre » cette dissolution le temps d’étudier une procédure d’urgence envoyée par l’ONG à la Cour.
Fondée en 1989 par des dissidents soviétiques, dont le Prix Nobel de la paix Andreï Sakharov, Memorial s’était donné pour mission de faire la lumière sur le goulag et les crimes de l’Union soviétique. Après la fin de l’URSS, elle s’est également engagée dans la défense des droits humains. Lors des deux guerres de Tchétchénie, elle s’est illustrée en documentant les exactions des forces russes et de leurs alliés tchétchènes. En 2009, Natalia Estemirova, responsable de l’ONG dans cette région du Caucase, avait été assassinée. Le crime n’a jamais été élucidé.
« Agent de l’étranger » depuis 2013
Les partisans de l’ONG considèrent que le pouvoir poutinien veut supprimer Memorial pour passer sous silence l’histoire des répressions soviétiques, le Kremlin ayant plus à cœur de célébrer l’héritage de l’héroïsme de l’URSS face aux nazis que celui de la mémoire des millions de victimes de Staline. L’ONG accuse les autorités de compliquer son travail, en limitant l’accès aux archives et aux identités des exécutants des purges soviétiques.
Les deux décisions de justice « aboutissent à la dissolution de deux des groupes de défense des droits de l’homme les plus respectés de Russie et affaiblissent encore davantage la communauté en déclin des droits de l’homme du pays », a déclaré à l’Agence France-Presse le Bureau des droits de l’homme des Nations unies. « Memorial a travaillé sans relâche pendant des décennies pour assurer que les violations [des droits] de l’ère soviétique ne soient jamais oubliées. Sa fermeture porte un nouveau coup effrayant à la liberté d’expression en Russie », a aussi déclaré la ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni, Liz Truss, sur Twitter.
Les poursuites lancées contre Memorial et son Centre de défense des droits humains, dans le cadre de deux procédures judiciaires distinctes, illustrent l’ampleur de la répression dans la Russie de Vladimir Poutine. L’année 2021 a été marquée par l’emprisonnement du principal adversaire du Kremlin, Alexeï Navalny, puis l’interdiction de son mouvement pour « extrémisme », mais aussi la désignation de nombreuses ONG, médias indépendants ou simples individus comme « agents de l’étranger ». Cette qualification, qui rappelle celle d’« ennemi du peuple » à l’époque soviétique, contraint les personnes ou entités visées à se soumettre à de fastidieuses démarches administratives et à mentionner ce statut dans chacune de leurs publications – c’est le cas pour le Centre de défense des droits humains depuis 2013.
C’est justement parce qu’elles reprochaient à Memorial International d’avoir manqué à cette dernière obligation dans certaines publications que les autorités russes ont obtenu sa dissolution. Le même reproche est fait au Centre de défense des droits humains, mais le parquet l’accuse aussi d’avoir fait l’apologie du « terrorisme » et de l’« extrémisme » en publiant une liste de noms de prisonniers contenant ceux de membres de groupes religieux ou politiques interdits en Russie.
Source : Le Monde avec AFP