Le parti s’apprête à choisir une nouvelle Direction à la suite de la démission de son Secrétariat général conduit par Saadeddine Othmani, après la débâcle aux dernières élections législatives
Nombre d’observateurs estiment comme fort probable le retour de Abdel-ilah Benkiran, ancien Chef de gouvernement, pour diriger le parti à nouveau
Académicien : Benkiran demeure la personnalité la plus apte à traiter les carences et lacunes au sein du parti pour redorer son blason et le faire revenir en tête de la scène politique
Analyste politique : Benkiran est capable d’unifier le parti au cours de la prochaine étape, au cas où il reprendrait le Secrétariat général
A la suite de la débâcle inédite durant les dernières élections législatives, le parti marocain de la Justice et du Développement (PJD) s’apprête à choisir une nouvelle Direction, après la démission de son Secrétariat général conduit par Saadeddine Othmani, résultat de sa défaite aux dernières élections.
A l’approche de la tenue du Congrès national du parti au cours du mois d’octobre, et qui aboutirait au choix d’une nouvelle direction, de nombreux observateurs estiment fort probable un retour de Abdelilah Benkiran, ancien Chef de gouvernement, pour diriger le parti à nouveau.
Un retour qui laisse entrevoir plusieurs questions et interrogations relatives à la capacité de Benkiran à restaurer le PJD après la défaite de la formation politique aux dernières élections et les divergences de points de vue qui ont éclaté entre les dirigeants, divergences ayant atteint le stade d’attaques et d’offenses via les médias.
Le 8 septembre dernier, des élections législatives se sont déroulées au Maroc et ont été sanctionnés par la victoire du « Rassemblement national des Libres » (Centre) qui a obtenu 102 sièges sur un total de 395 à la Chambre des députés (chambre basse du Parlement).
De son côté, le PJD (d'obédience islamique), qui avait dirigé les deux précédents gouvernements pour la première fois dans l'histoire du pays, est passé de 125 sièges, aux élections de 2016, à 13 députés seulement actuellement.
Le parti tiendra un Congrès extraordinaire, le 30 octobre courant, une semaine après la tenue du Conseil national (parlement du parti), le 23 du même mois.
- Retour de Benkiran
Il semble que le retour de Benkiran à la tête du PJD est réalisable, dans la mesure où ce parti fût dirigé, depuis 1998, de manière alternative par le tandem Othmani et Benkiran.
Cette orientation semble se renforcer compte tenu de la situation à laquelle a abouti le PJD après les dernières élections, dans la mesure où il est exclu que Othmani, Premier ministre sortant, continuera à assurer la Direction du, parti en particulier après avoir été la cible de critiques multiples au sein de la formation, lors de son mandat à la tête du parti et du gouvernement.
Compte tenu de la prévalence de nombreuses voies internes qui s’opposent à son style et à sa méthode de diriger le parti au cours des cinq dernières années et qui conviennent, dans leur majorité, que l'absence de Benkiran du paysage partisan et politique au cours de la phase précédente a impacté et généré une régression inédite du parti.
L'ensemble de ces facteurs renforcent la probabilité du retour de Benkiran à la direction du PJD.
Si l'ensemble de ces facteurs et d'autres rendent probable le come-back de Benkiran pour diriger le parti, a-t-il dit, il n'en demeure pas moins que « sa mission ne sera pas de tout repos, cette fois-ci, compte tenu de la détérioration inédite qui caractérise le parti après sa débâcle au cours des dernières élections ».
- Une personnalité fédératrice
Compte tenu de la sensibilité et de la délicatesse de la phase que traverse le pays, Benkiran reste la personnalité la plus apte à traiter les foyers de tension et les lacunes au sein du parti pour le remettre en tête du paysage, selon l'académicien marocain Abderrahim Allem.
Le professeur de sciences politiques à l'Université marocaine a indiqué à AA que « Benkiran et vu ses capacités oratoires et sa personnalité charismatique, il demeure apte à recoller les morceaux et à unifier le parti pour l'extraire de l'ornière et de la situation de dégradation dans laquelle il s’est enlisé ».
Il a estimé que « son expérience précédente à la direction du parti a montré l'ampleur de respectabilité et d'acceptation dont il bénéficie, que ce soit à l'intérieur du parti voire dans les rangs de la société ».
Et notre interlocuteur d'ajouter : « Le PJD a remporté plusieurs échéances électorales lorsque Benkiran était en tête du Secrétariat général, la dernière en date était lors des élections de 2016 lorsque le parti avait remporté la victoire avec 1,6 millions de voix ».
« Les talents et capacités de Benkiran en matière de communication lui permettront de défendre les échecs du parti avant même ses succès. Il dispose d'une capacité à convaincre le public ce que facilitera sa tâche pour restaurer sa formation politique », a-t-il encore dit.
Il a, dans ce cadre, mis l'accent sur l'importance de « la capacité communicationnelle de l'homme afin de restaurer l'image du parti », considérant que parmi « l'un des principaux facteurs de l'échec du PJD lors des dernières élections est la politique de silence sidéral qui était suivie par Othmani, politique qui a prouvé son échec ».
A son tour, l'analyse politique marocain Mohamed Bouden, a relevé que Benkiran a « une forte personnalité et a de nombreux bienfaits sur le parti…Il est quasiment le seul capable d'unifier sa formation politique au cours de la prochaine phase au cas où il assurerait le poste de secrétaire général ».
Dans un entretien accordé à AA, l'analyste a indiqué que la « personnalité fédératrice de Benkiran, son leadership, son style et sa capacité de mobilisation contribueront sûrement à restaurer le parti pour qu'il reprenne sa place au sein de la société marocaine ».
- Aplanir les différends : Une priorité
Bouden estime que « parmi les facteurs figurent sa force intrinsèque sa capacité à aplanir les différends qui ont surgi entre les dirigeants du pays au cours de la dernière période ».
« Bien que le conflit de Benkiran avec certains dirigeants du parti ait atteint un point irréversible, il n'en demeure pas moins que l'homme est capable de surmonter ces écueils, d'aplanir les différends et d'afficher le parti comme étant unifié, du mois à l'intérieur », a-t-il encore dit.
De son côté, l'académicien Allem estime que Benkiran demeure « à travers son style de direction du parti auparavant capable de surmonter ses différends avec les autres dirigeants en usant de son expérience antérieure »
« Ce qui est remarquable c’est que l'homme garde près de lui ceux qu’ils considèrent comme adversaires voire ennemis. Il a auparavant placé de nombreuses personnes qui réclamaient sa tête et sa chute au sein du Secrétariat général du parti », a-t-il expliqué.
- Une mission difficile
Il n'est pas dit que « le retour du PJD à son époque d’or est tributaire du seul retour de Benkiran à sa tête, dans la mesure où redorer le blason du parti dépend de l'analyse des causes et facteurs de la défaite par la nouvelle Direction afin de tirer les véritables leçons », selon Bouden.
Notre interlocuteur a ajouté que « le retour de Benkiran à la tête du parti soulève une série d'interrogations, notamment, celle inhérente à l'aptitude de l'homme à mener cette mission en temps de défaite en particulier ».
« Nous sommes face à un homme qui a une capacité à bien lire et interpréter la réalité et les contextes qui l’entourent, en atteste son rejet de se porter candidat lors des dernières élections, bien qu'il ait été investi par le parti », a-t-il poursuivi.
Et Bouden d'ajouter : « De même, Benkiran, en tant qu'ancien chef de gouvernement qui a une symbolique et un charisme certains accepterait-il donc de mener cette mission à l'époque de la régression et de la défaite? ».
Il a conclu en indiquant que « les prochains jours seront seuls à nous dévoiler l'aboutissement et le destin du parti dans le paysage politique marocain en cas de retour de Benkiran en tête d’affiche ».
Source : AA