Algérie. Élections locales du 27 novembre 2021: faute de réformes des collectivités locales, aucun maire ne pourra améliorer le sort de sa commune

Si pour l’administration centrale, les communes représentent un enjeu majeur, en ce sens qu’elle trouve dans les élus locaux des relais pour exercer le pouvoir sur l’ensemble du territoire national, pour les élus locaux, comme pour les  populations concernées, il n’y a dans les conditions de gouvernance actuelles, aucune chance pour que leur sort s’améliore, après les résultats des élections locales anticipées du 27 novembre 2021. 

Aucune réforme susceptible de donner aux élus locaux la plénitude du pouvoir exécutif et les moyens d’exercer pleinement les missions pour lesquelles ils ont été élus, les Assemblées Populaires Communales (APC) et les Assemblées Populaires de wilayas (APW) continueront effectivement à éprouver les mêmes difficultés que celles qui les avaient précédées, à tenir leurs engagements électoraux. Toutes leurs décisions (délibérations) continueront en effet, comme le veut la loi en vigueur, à être soumises à l’approbation des walis et leurs moyens financiers resteront toujours dépendants du Fonds Commun des Collectivités Locales (FCCL) qui leur allouera, au gré d’une clé de répartition établie par l’administration centrale, les ressources financières minimales nécessaires à leur fonctionnement.

Tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays ont considéré cette situation comme anormale et ont tenté en conséquence de réformer ce système aussi injuste qu’inefficace, mais aucun d’eux n’est parvenu à donner aux communes les moyens de s’émanciper, en leur permettant notamment de lever elles mêmes, certains impôts et taxes ou de faire fructifier les biens qui leur appartiennent. Il leur est également interdit de créer des entreprises marchandes et d’investir l’argent qui leur est alloué par le Fond Commun des Collectivités Locales dans des activités lucratives. Sans ressources financières produites dans leurs territoires et sans moyens de réalisation (Toutes les entreprises publiques locales ont été dissoutes durant les années 90), les communes se retrouvent ainsi pieds et points liés, à la merci du FCCL et des allocations financières occasionnelles allouées par les wilayas et certains ministères. 

Les quelques recettes tirées de la location des marchés forains, des plages, des parkings ou de locations immobilières, ne pèsent évidemment pas lourd dans les budgets des communes qui dépendent essentiellement des maigres ressources allouées par l’Etat par le biais de ce fond créé à cet effet au milieu des années 1970. Les allocations sont dans pratiquement tous les cas opérées de manière subjective, lésant parfois les unes et privilégiant les autres. Les plus lésées sont évidemment les communes qui ont un fort potentiel fiscal (cas d’El Hadjar, Oued Smar, Hassi Messaoud et autres, où sont implantées de nombreuses unités de production pourvoyeuses d’impôts et taxes), mais dont les recettes fiscales sont directement prélevées par le ministère des finances via sa direction des Impôts. Les plus chanceuses sont par contre les commune déshéritées qui perçoivent des allocations du FCCL, en dépit de l’absence totale de foyers fiscaux sur leurs territoires.   

Mais dans tous les cas de figures, il n’y a aucune commune algérienne qui parvient à faire face aux dépenses autres que celles des salaires des fonctionnaires et de quelques programmes communaux de développement (PCD), qu’on vient du reste de supprimer au moyen d’une simple décision d’un chef de département du Ministère des Finances. Les communes ressemblent aujourd’hui à de simples démembrements bureaucratiques de l’Etat, dont le champ d’intervention se réduit à de simples formalités administratives et à la gestion du reste mal assurée de quelques équipements sociaux (écoles, routes et chemin communaux, centres de soins etc.). Elles prennent pleinement conscience de leur impuissance chaque fois qu’elles sont confrontées à des événements imprévus (graves sinistres, réparation urgente d’un ouvrage collectif, organisation d’un grand événement culturel) qui requièrent des moyens financiers et matériels dont elles ne disposent pas. Elles comptent alors sur des subventions en provenance des Assemblées populaires de Wilayas, de certains ministères et démembrements de l’Etat.

Toutes les réformes visant à huiler les rouages de la gestion des communes sont restées lettre morte et les prochains maires issus des élections du 27 novembre prochain, subiront le même sort que leurs prédécesseurs, en tant que maires sans pouvoirs ni moyens d’assumer correctement leurs charges et les engagements pris envers leurs électeurs. Comme les maires qui les avaient précédés, ils seront eux aussi, empêtrés dans des difficultés quasi quotidiennes que les walis et les chefs de daïra, leur créeront en bloquant leurs initiatives. Mais si la modicité des disponibilités financières a de tout temps tiré la gestion et le développement économique des communes vers le bas, le coup fatal leur a en réalité été donné, par la dissolution des entreprises publiques locales (EPL) qui leur servaient de moyens de réalisation qu’elles pouvaient mobiliser à tout moment sans tenir compte de leurs disponibilités financières. Grâce à ces entreprises de proximité, les communes ont pu construire des écoles, des centres de santé, des centres culturels et de loisirs, ouvrir des routes, faire embaucher des chômeurs, intervenir d’urgence en cas d’intempéries, ce qu’elles ne peuvent malheureusement plus faire depuis la dissolution de ces entreprises. La dissolution de plus de 1500 entreprises publiques locales sur injonction du FMI, a effectivement a amputé les communes d’un outil de travail essentiel qui leur permettaient de régler d’épineux problèmes locaux (adduction d’eau, entretien des écoles, remise en état des routes abimées par des intempéries etc.). La fermeture des EPL, rapidement suivie d’un bradage de leurs actifs, a entraîné la mise au chômage de milliers de travailleurs auxquels les APC continuent, en tant qu’institutions de proximité, à être confrontés quotidiennement à ce jour.

Le plus grave est que ces dissolutions se sont accompagnées d’une interdiction faite aux communes d’en créer de nouvelles en remplacement de celles qui avaient disparues. Cette interdiction persiste à ce jour, malgré les promesses souvent réitérées d’autoriser les APC à, non seulement, créer des entreprises, mais également, à investir dans des activités marchandes. Il existe en effet dans bon nombre de communes, des actifs (terrains et immeubles notamment) laissés par les EPL dissoutes, pouvant servir à capitaliser les entreprises à créer. Avec ces moyens immédiatement disponibles, ces nouvelles entreprises pourront vite entrer en activité et générer ainsi de la croissance et de l’emploi. Les communes enclavées pourraient également s’offrir une ou plusieurs petites entreprises de réalisation ou de services (transport public) dont les populations déshéritées  pourraient tirer d’inestimables bénéfices.

Aucune des lois actuellement en vigueur n’étant en faveur de l’émancipation de la gestion des collectivités locales, il y a fort à craindre que les élus qui sortiront des urnes des élections locales du 27 novembre prochain, ne puissent pas faire mieux que leurs prédécesseurs bridés par un arsenal juridique à tous points anachronique et liberticide. Les prochains élus seront de surcroît desservi par la nature de ces élections qui ont été concoctées en vase clos en maintenant bien souvent les populations concernées à distance. On se plaint déjà de candidats totalement méconnus et sans charisme, qui considèrent ces élections, non pas, comme une occasion de mettre leurs savoirs faire et leurs énergies au service de leurs communes, mais comme  une « offre d’emplois bien rémunérés » à saisir.

Source : Algerie-Eco

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