Algérie – France : que dira Macron le 17 octobre ?

Les relations algéro-françaises traversent une période de froid sans précédent depuis les déclarations faites par Emmanuel Macron le 30 septembre dernier.

Le président français est très attendu à l’occasion de la commémoration des événements du 17 octobre. De ce qu’il dira, des gestes qu’il fera ou pas, en réponse au président Tebboune, dépendra en partie l’issue de la crise qu’il a déclenchée et l’avenir des relations entre les deux pays à court et moyen termes.

En recevant des jeunes, des « descendants de la guerre d’Algérie », le chef de l’État français entendait panser toutes les blessures de la colonisation, mais, on ne sait trop pourquoi, il les a réveillées.

Il s’est attaqué frontalement au système algérien et surtout remis en cause l’existence de la nation algérienne avant sa colonisation en 1830, déclenchant une tempête que les relations entre les deux pays n’ont jamais connu pareille.

La réaction ferme d’Alger, qui a rappelé son ambassadeur à Paris et fermé son espace aérien aux avions de l’armée française qui se rendent au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane, a amené les responsables français à tempérer leur discours.

Le 5 octobre, Emmanuel Macron a appelé à « l’apaisement » dans un entretien à France Inter, sans reculer sur ses propos controversés. « Mon souhait, c’est qu’il y ait un apaisement parce que je pense que c’est mieux de se parler et d’avancer« , a tempéré le président français, assurant avoir « le plus grand respect pour le peuple algérien » et « des relations cordiales avec le président Abdelmadjid Tebboune ».

Le 12 octobre, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a réitéré le respect des autorités de son pays au peuple algérien, indiquant qu’il appartient aux Algériens et à eux seuls « de décider de leur destin et de définir les contours de leurs choix et de leur débat politique ».

Une déclaration jugée par une source algérienne comme en-deçà de ce qui était attendu de la partie française, estimant que Le Drian a évoqué le peuple et non l’État Algérien.

Deux jours auparavant, dimanche 10 octobre, le président Abdelmadjid Tebboune avait conditionné le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris par le « respect total de l’État algérien ».

Les observateurs avaient conclu dès le lendemain des déclarations controversées du président français qu’il sera difficile de dépasser la crise déclenchée par de simples déclarations.

Emmanuel Macron est allé trop loin, estime-t-on, et seul un geste fort sur le dossier de la mémoire pourrait tempérer les ardeurs et amorcer un début d’un retour à la normale.

Ce geste attendu pourrait survenir à l’occasion de la commémoration des événements du 17 octobre 1961, date à laquelle la police parisienne a massacré des dizaines d’Algériens qui manifestaient pour l’indépendance.

Un geste d’autant plus probable que le président français semble avoir le projet en tête avant même le froissement des relations avec Alger. Lors de sa rencontre avec des jeunes le 30 septembre, il leur a demandé de lui faire des propositions pour marquer la commémoration de l’événement.

Dérouté, Benjamin Stora s’interroge sur le sort de ses propositions

Dans les premiers mois de sa présidence, en octobre 2018, le président français avait été interpellé par un collectif d’associations pour reconnaitre la responsabilité de la France dans ces massacres.

« Après plus d’un demi-siècle, il est temps que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’État », avait écrit le collectif.

« Le 17 octobre 1961 fut le jour d’une répression violente de manifestants algériens. La République doit regarder en face ce passé récent et encore brûlant. C’est la condition d’un avenir apaisé avec l’Algérie et avec nos compatriotes d’origine algérienne », avait répondu Macron sur Twitter.

Pendant son mandat, M. Macron a multiplié les gestes dans le sillage de sa déclaration historique faite à Alger avant son élection, qualifiant le colonialisme de « crime contre l’humanité ».

Il a notamment reconnu la responsabilité de l’État français dans la mort de résistants algériens sous la torture (Maurice Audin et Ali Boumendjel) et chargé l’historien Benjamin Stora de rédiger un rapport sur « les mémoires de la colonisation ».

Le rapport, remis en janvier 2021, est voulu par Emmanuel Macron comme une base pour le travail mémoriel commun avec l’Algérie où, néanmoins, il n’a pas été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme.

Même son auteur semble dérouté par le grand rétropédalage du président le 30 septembre dernier. C’est Benjamin Stora qui a démenti les propos d’Emmanuel Macron sur la nation algérienne et c’est encore lui qui lui met une sorte de pression à la veille de la commémoration des massacres du 17 octobre.

« Moi, ce que je veux, c’est savoir ce qu’on fait concrètement de mes propositions. Que fait-on le 17 octobre ? Je n’ai toujours pas eu de réponse. On commémore, on reconnaît le crime d’État ? J’espère qu’il y aura une réponse. C’est un des combats de ma vie », a déclaré le célèbre historien sur Mediapart le 8 octobre.

S’il est quasiment sûr que Emmanuel Macron fera un geste le 17 octobre sur la mémoire en direction des Algériens et surtout de la diaspora à quelques mois de la présidentielle française du printemps prochain, il est peu probable de faire machine arrière sur ce qu’il a dit concernant le système algérien qu’il a qualifié de « politico-militaire », dans un contexte électoral en France.

« Apaisement et recueillement sont les maîtres mots de la cérémonie du 17 octobre en France. Ce sera un moment solennel », affirme une source proche du dossier, qui estime peu probable un « discours musclé » de Macron à l’égard de l’Algérie.

Si la crise entre les deux pays va encore durer parce qu’elle est survenue dans un moment politique en France, le président français devrait plaider une nouvelle fois l’apaisement entre les deux pays.

Sa réponse au président Tebboune, qui a exigé le « respect de l’État algérien et de l’Algérie » pour le retour de l’ambassadeur algérien à Paris (il a été rappelé samedi 2 octobre en réaction aux propos de Macron), sera déterminante pour le dégel des relations entre les deux pays.

Source: TSA

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