En Géorgie, le parti au pouvoir dit avoir remporté des élections municipales entachées d’accusations de fraudes

Le parti au pouvoir en Géorgie a revendiqué, dimanche 3 octobre, sa victoire au lendemain d’élections municipales cruciales, marquées par des accusations de fraude. Après le décompte des bulletins de quasiment tous les bureaux de vote, la formation Rêve géorgien, qui dirige ce pays du Caucase depuis 2012, remporte 47 % des suffrages. Elle est suivie par le Mouvement national uni (MNU), parti de l’ancien président Mikheïl Saakachvili – arrêté à son retour d’exil, vendredi –, qui obtiendrait 30,61 % des voix, selon les chiffres de la commission électorale.

Les partis d’opposition remportent toutefois ensemble 53 % des votes et plusieurs d’entre eux ont crié à la fraude – des accusations relayées par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le scrutin a été entaché « par des allégations généralisées et récurrentes d’intimidations, d’achat de voix et de pressions sur les candidats et les électeurs », ont ainsi déclaré dimanche les observateurs de l’OSCE, lors d’une conférence de presse.

Dans un communiqué publié plus tôt dans la journée, le parti politique Rêve géorgien, fondé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, principal rival de M. Saakachvili, a soutenu au contraire que le vote avait correspondu « aux plus hauts critères démocratiques ». Son dirigeant, Irakli Kobakhidze, a également revendiqué une victoire « décisive ». « Les partis politiques radicaux et revanchards ont essuyé une rebuffade méritée de la part de la société géorgienne », a-t-il affirmé, saluant une « victoire pour la paix et la stabilité ». Dans plusieurs villes importantes, dont la capitale, Tbilissi, un second tour aura lieu le 30 octobre.

Rêve géorgien tourne le dos à la médiation de l’UE

La campagne électorale a été bouleversée vendredi par l’arrestation de Mikheïl Saakachvili, président de 2004 à 2013, rentré en Géorgie après un exil de huit ans pendant lequel il a mené une deuxième carrière politique agitée en Ukraine. Dimanche, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a d’ailleurs affirmé qu’il allait faire pression pour que M. Saakachvili, 53 ans, soit autorisé à retourner en Ukraine. Ce dernier a perdu sa nationalité géorgienne et possède un passeport ukrainien.

L’ancien dirigeant a été arrêté en Géorgie alors qu’il avait été condamné par contumace, en 2018, à six ans de prison pour « abus de pouvoir », une affaire qu’il juge politique. Depuis sa cellule, il a annoncé qu’il commençait une grève de la faim.

La Géorgie est plongée dans une crise politique depuis la dénonciation par l’opposition de fraudes massives aux élections législatives d’octobre 2020, remportées sur le fil par le parti au pouvoir. En mai, après une médiation de l’Union européenne, Rêve géorgien avait accepté d’organiser des législatives anticipées s’il rassemblait moins de 43 % des suffrages lors des élections municipales de samedi. Mais le parti au pouvoir s’était finalement retiré de cet accord, en juillet, suscitant la colère de l’opposition. Selon les résultats officiels du scrutin de samedi, Rêve géorgien aurait toutefois dépassé ce seuil de 43 %.

Intimidations, achats de voix et votes multiples

Mais, comme lors des législatives de 2020, les formations d’opposition ont dénoncé des fraudes. Guiorgui Baramidze, un cadre du MNU, s’est indigné d’« intimidations d’électeurs et d’achats de voix » avant les élections, puis de « votes multiples » le jour du scrutin. Il a promis que sa formation utiliserait « tous les moyens légaux pour faire annuler cette falsification ».

Avant son interpellation vendredi, M. Saakachvili avait appelé à manifester dimanche à Tbilissi. Toutefois, l’opposition s’est pour l’heure abstenue de relayer cet appel, dans l’attente des conclusions des observateurs internationaux. Personnalité charismatique, autant adulé que critiqué, Mikheïl Saakachvili a mené lors de son passage au pouvoir d’importantes réformes anticorruption et a rapproché son pays des Etats-Unis et de l’OTAN.

Il est toutefois tenu en partie responsable d’un conflit qui avait entraîné en 2008 une intervention militaire de la Russie en territoire géorgien, et avait coûté à Tbilissi la perte de facto de deux territoires séparatistes, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. M. Saakachvili a aussi été accusé par ses détracteurs de dérives autoritaires. Ces dernières années, c’est, à l’inverse, la formation Rêve géorgien qui a été accusée de faire taire ses opposants et des journalistes.

Source : Le Monde avec AFP

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