Quelle réalité se cache derrière les « obligations de quitter le territoire » et autres laissez-passer consulaires en passant par les visas et les expulsions ?
Face aux difficultés qu’elle rencontre à renvoyer dans leur pays d’origine les ressortissants de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie qui délivrent au compte-gouttes les laissez-passer consulaires, la France a donc décidé ce mardi de durcir drastiquement les conditions d’obtention des visas pour l’Hexagone à partir de ces trois pays. Selon les étapes de la procédure en cause, voici les chiffres qui permettent de lire concrètement la réalité de la relation migratoire avec le Maghreb telle qu’elle se présente aujourd’hui.
- Les « obligations de quitter le territoire »
Les chiffres des procédures d’expulsions enclenchées par les autorités, soit les « obligations de quitter le territoire français » (OQTF), sont les seuls à avoir augmenté pendant la crise du Covid-19. Entre le 1er janvier et juillet 2021, 7 731 Algériens ont été visés par ces OQTF, soit 47 % de plus qu’à la même période en 2020, selon les données transmises par le ministère de l’Intérieur à l’AFP. 3 301 Marocains sont dans la même situation (+ 25 %), presque autant que les Tunisiens, 3 424 (+ 43 %).
- Les placements en rétention
Sur les mêmes sept premiers mois de 2021, les placements en centres de rétention administratives (CRA), où sont retenus les étrangers en situation irrégulière dans l’attente de leur expulsion, ont chuté de 55 % par rapport à 2020 pour les ressortissants algériens (597 contre 1 321 entre janvier et juillet 2020). 542 Marocains ont été enfermés en CRA (- 16 %), tandis que les chiffres sont stables pour les Tunisiens (674 en 2021, 656 en 2020).
- Les laissez-passer consulaires
C’est sur le sujet des laissez-passer consulaires (LPC) que le bât blesse, point d’achoppement entre la France et ces trois pays qui n’en délivrent qu’au compte-gouttes, freinant des expulsions déjà rendues difficiles par la crise sanitaire et les fermetures des frontières. La décision française sur les visas vise justement à « pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laissez-passer consulaires », a expliqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Seulement 31 ont été délivrés par l’Algérie en 2021 (- 90 % par rapport à la même période de 2020, et alors qu’elle en délivrait 1 142 en 2019), soit un « taux de coopération » de 5 %, selon la Place Beauvau. Le Maroc a délivré 138 de ces documents entre janvier et juillet, un nombre stable avec un taux de coopération de 25 %. La Tunisie en a émis 153 sur la même période (soit plus qu’en 2020, 134, mais quatre fois moins qu’en 2019), pour un taux de coopération de 23 %.
- Les expulsions effectives
Résultat, le nombre de « retours forcés exécutés » est en chute, en particulier pour l’Algérie, où la baisse est de 94 % entre 2021 et 2020 : seulement 22 Algériens ont été renvoyés entre janvier et juillet, contre 385 sur la même période de 2020 et 1 677 en 2019. En 2021, le taux d’éloignement, soit le ratio entre le nombre de personnes sous OQTF et le nombre de personnes effectivement expulsées, est tombé à 0,3 %, contre 18 % en 2019. Ce taux est également en chute libre côté marocain en 2021 : 2,4 %. 80 ressortissants marocains ont été expulsés, soit deux fois moins qu’en 2020. Un taux qui ne cesse de décroître en Tunisie, aussi : 4 % en 2021, 8 % en 2020, 19 % en 2019. Entre janvier et juillet, cette année, 131 Tunisiens ont été expulsés.
- Les visas
Reste que le nombre de visas demandés par les ressortissants de ces trois pays baisse significativement, lui aussi. Entre janvier et juillet 2021, 11 815 demandes algériennes ont été déposées alors qu’il y en avait 504 173 en 2019. 8 726 visas leur ont été délivrés. Côté marocain : 24 191 visas demandés et 18 579 délivrés en 2021. À titre de comparaison, en 2019, c’était 420 000 demandes, 346 000 acceptations. En Tunisie, cette année, 12 921 visas pour la France demandés, 9 140 obtenus (192 000 demandés en 2019, 145 000 obtenus). La France menace désormais de baisser de 50 % ces délivrances de visas.
Source : AFP