Près d’une année après son deal avec Israël et les Etats-Unis et la reconnaissance par ces derniers de sa souveraineté sur les territoires occupés du Sahara occidental, le Maroc tombe de très haut.
La Cour de justice européenne a tranché ce mercredi 29 septembre sur deux requêtes introduites par le Front Polisario, donnant gain de cause à ce dernier, qui contestait l’accord entre l’Union européenne (UE) et le Maroc, modifiant les préférences tarifaires accordées par l’UE aux produits d’origine marocaine ainsi que l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable conclu entre les deux parties.
Il s’agit d’une éclatante victoire pour le Front Polisario. Le Tribunal de l’UE a affirmé que le Front Polisario « est reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara occidental ».
Dans le fond, le verdict constitue une négation de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et ses eaux territoriales, et une nouvelle déconvenue pour le Maroc. L’arrêt du tribunal de l’UE est exécutoire pour les parties prenantes des accords contestés, c’est-à-dire le Maroc et le Conseil de l’Europe.
C’est par le biais d’une déclaration conjointe que les deux parties ont réagi. Signée par Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Maroc et Josep Borell, haut représentant et vice-président de la Commission européenne, la déclaration s’apparente à une résignation à appliquer la décision de justice. Les deux parties ne la contestent pas et annoncent que « les mesures nécessaires » seront prises afin « d’assurer le cadre juridique qui garantit la poursuite et la stabilité des relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc ».
Le Maroc ne bombe plus le torse
Pour les observateurs qui suivent de près ce dossier, la décision était attendue. C’est le cas du journaliste espagnol Ignacio Cembrero, spécialiste du Maghreb, qui a entrevu une telle issu dans un entretien publié en mai dernier sur TSA.
« Le tribunal peut invalider les accords d’association et de pêche entre l’Union européenne et le Maroc à cause justement du Sahara occidental, parce que ces accords ont été signés sans consulter la population sahraouie. C’est en tout cas la thèse que soutiennent les avocats du Polisario et c’est peut-être la thèse que va faire sienne le tribunal. Dans ce cas, il invalidera les accords et le Maroc se fâchera beaucoup avec l’Union européenne parce qu’il se sentira en quelque sorte désavoué », a-t-il dit.
Politiquement, l’arrêt du tribunal européen annihile un peu plus l’accord conclu avec l’administration de l’ancien président américain Donald Trump en décembre 2022.
Il s’agit en tout cas pour le Maroc d’un retour sur terre et d’une désillusion retentissante par rapport à ses attentes du deal triangulaire. Au moins, l’effet d’entraînement escompté n’a pas eu lieu et ne risque pas de se produire dans les prochains mois.
En procédant à la normalisation avec Israël en contrepartie de la reconnaissance par les Etats-Unis de sa souveraineté sur le Sahara occidental, le Maroc avait cru avoir fait le plus dur et s’est assuré l’impunité.
Pour beaucoup, c’est cet accord qui fut à l’origine des bravades marocaines face à de grands pays de l’Union européenne, d’abord l’Allemagne puis l’Espagne sur laquelle le royaume a lâché des millions de migrants en mai dernier. « Depuis la décision de Trump, le Maroc bombe le torse », analysait le même journaliste espagnol.
La première désillusion marocaine a eu lieu avec le rééquilibrage entamé par la nouvelle administration américaine. Le consulat annoncé dans les territoires occupés n’a pas été ouvert et le président Joe Biden a refusé que des manœuvres militaires conjointes se tiennent au large du Sahara occidental au début de l’été dernier.
Avec une Europe qui ne se laisse pas intimider, des Etats-Unis qui retrouvent progressivement leur politique équilibrée et une Algérie toujours intransigeante quant au principe d’autodétermination du peuple sahraoui, les autorités marocaines ont compris que le deal triangulaire de l’année passée est plus proche du non-événement que du tournant historique. En tout cas, elles ne bombent plus le torse, comme le montre leur réaction à l’arrêt du tribunal de Luxembourg.
Source : TSA