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- Le 22 Novembre 2024
Pour contrer les nombreuses vidéos de triche au scrutin du 17-19 septembre, les autorités ont mis en scène une perquisition, avec des figurants professionnels, d’un prétendu local de fabrication de fraudes.
Les autorités russes ont une explication à l’apparition de dizaines de vidéos en ligne montrant des fraudes aux élections législatives du 17 au 19 septembre : une sinistre manipulation orchestrée dans un studio installé pour l’occasion à Moscou. Ce scénario a été présenté, samedi 18 septembre, dans les très solennels locaux de la Commission électorale centrale.
Ce jour-là, une vidéo apparemment tournée par la police y est diffusée comme un document exceptionnel. On voit l’arrivée d’agents dans un appartement de la capitale. Là, un groupe d’individus apeurés sur un divan, du matériel d’enregistrement et, dans un coin, une urne et des bulletins de vote. Le tout doit servir à tourner, donc, de « fausses fraudes » à diffuser ensuite sur Internet. Des photos d’Alexeï Navalny sont également retrouvées dans la « planque ».
« Voilà comment se fabriquent ces fakes », commente la présidente de la Commission électorale, Ella Pamfilova, connue pour avoir estimé que les élections russes étaient « les plus démocratiques au monde ». Son adjoint confirme et évoque une opération de « déstabilisation ». La télévision publique prend rapidement le relais. Sur Rossia-24, on apprend que les personnes interpellées sont passées aux aveux. L’un d’eux aurait été payé 10 000 roubles (115 euros), on a trouvé dans son téléphone le contact d’un adjoint d’Alexeï Navalny.
Figurants professionnels
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais alertée par le caractère peu naturel de la scène, la rédaction russophone de la BBC a poussé les recherches. En passant leurs visages dans un simple logiciel de reconnaissance d’images accessible en ligne, elle a retrouvé, sur les réseaux sociaux, deux des participants du complot. Leurs profils montrent que les deux sont… des figurants professionnels. Offres de services, photos de tournage, tout est là. D’autres photos les montrent à des rassemblements politiques pro-gouvernementaux – les deux aspects ne s’excluant pas puisque ces rassemblements mobilisent souvent des personnes payées ou amenées par leur entreprise.
A la BBC, Maria (dont le nom de famille n’est pas dévoilé) assure qu’elle a été appelée précisément pour un travail de figurante. Avant l’arrivée de la police, on lui aurait expliqué qu’elle participait à une vidéo promouvant le scrutin et qu’elle aurait à lire un texte sur le vote dans le contexte de pandémie.
Egalement interrogés par la BBC, deux membres de la Commission électorale ont été incapables de dire par quel biais ils avaient reçu la vidéo montrant l’intervention de la police. Mme Panfilova a maintenu dimanche que le document était authentique mais que les détails ne pouvaient être dévoilés « pour les besoins de l’enquête ». La police de Moscou, elle, ne fait pas mention du raid dans ses rapports d’activité.
Les vidéos – bien réelles – montrant des fraudes dans les bureaux de vote sont devenues un classique des élections russes et une source d’embarras récurrent pour le pouvoir. Elles sont apparues après 2012, quand le pouvoir a décidé de calmer une contestation post-électorale en installant des webcams dans les bureaux de vote, accessibles à tous les citoyens. Un genre est né, celui des vidéos de bourrages d’urnes acrobatiques, dans lesquelles les responsables de la fraude, souvent membres des commissions électorales, agissent dans les positions les plus diverses, parfois en tentant de se dissimuler, parfois visage découvert face à la caméra.
Pour le scrutin de septembre, une modification avait été annoncée début août, au cœur de l’été : les caméras ne seraient désormais plus accessibles qu’aux seules équipes de campagne, et sur demande ad hoc. Après avoir avancé l’argument budgétaire, les autorités avaient expliqué que « l’Occident » pourrait utiliser ce système pour « créer et diffuser de fausses fraudes grâce à l’intelligence artificielle ».
Fausse formation électorale
Avec ce système, le nombre d’yeux disponibles a certes diminué, mais sans empêcher l’apparition de vidéos de fraudes, relayées par les observateurs de plusieurs partis politiques. La plus partagée cette année est celle, venue de la ville sibérienne de Kemerovo, d’un électeur compulsif, caché derrière un drapeau.
Une autre manœuvre avait déjà été entreprise en amont du vote pour disqualifier par avance toute accusation de falsifications. Des vidéos apparues sur une chaîne Telegram liée au Kremlin, puis diffusées plus largement grâce à des journalistes de RT, montraient les coulisses d’une soi-disant mission de formation électorale. La formatrice y expliquait aux participants, à l’allure très jeune et montrés de dos, que « puisque nous ne serons pas capables de montrer beaucoup de vraies fraudes (…), notre but est de rendre cette élection illégitime ». La méthode : provoquer des scandales en se faisant expulser des bureaux de vote, mode opératoire détaillé dans « un livret qui vous attend à la sortie ».
Sur le tableau, derrière la formatrice, on pouvait voir le sigle de la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Celle-ci ne participait toutefois pas à l’observation du scrutin russe de cette année, après la tentative de Moscou de limiter sa délégation à soixante personnes. La formatrice, elle, était décrite comme une membre de l’organisation de supervision électorale Golos, active depuis 2000 et déclarée « agent de l’étranger » au mois d’août. Le nom comme le visage de cette « formatrice » étaient parfaitement inconnus.
Source : Le Monde