Russie : l'opposition dénonce des fraudes massives au lendemain des législatives

Bourrages d'urnes, report suspect des résultats du vote en ligne... alors que la présidence russe a salué, lundi, "la transparence et la probité" des élections législatives remportées par le parti au pouvoir Russie unie, l'opposition dénonce de son côté des fraudes massives.

L'opposition russe dénonçait, lundi 21 septembre, des fraudes massives au lendemain des élections législatives, le parti du Kremlin revendiquant une super-majorité des deux-tiers, à l'issue d'un scrutin dont les détracteurs du président Vladimir Poutine ont été exclus.

La formation Russie unie rassemblait 49,64 % des voix, selon des résultats portant sur 95,15 % des bureaux de vote. Le président russe Vladimir Poutine a remercié, lundi, ses concitoyens après des législatives marquées par une victoire franche du parti du Kremlin mais vivement critiquée par l'opposition qui a dénoncé des fraudes massives.

"J'aimerais particulièrement remercier les citoyens russes, vous remercier pour votre confiance chers amis", a-t-il affirmé lors d'une réunion avec la cheffe de la Commission électorale diffusée à la télévision.

Selon un dirigeant du parti, Andreï Tourtchak, le camp présidentiel a conquis plus des deux-tiers des sièges à la chambre basse du Parlement, la Douma, comme lors du précédent scrutin il y a cinq ans. Il disposera d'au moins 315 mandats sur 450, majorité suffisante pour réformer la Constitution sans l'appui d'autres forces.

"Pour le président (Poutine), le plus important est bien sûr que les élections aient été concurrentielles, dans la transparence et la probité", a estimé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, se félicitant en outre que Russie unie ait "rempli sa mission".

Le parti au pouvoir devance les communistes (19,41 %) mais son score représente néanmoins une baisse par rapport aux 54,2 % et 334 sièges raflés en 2016.

L'opposition anti-Kremlin, pour l'essentiel interdite de scrutin à l'instar d'Alexeï Navalny – emprisonné –, a dénoncé des fraudes massives : bourrages d'urnes, report suspect des résultats du vote en ligne, observateurs du décompte chassés des bureaux de vote...

Des soupçons de violations que le gouvernement allemand a demandé lundi à "tirer au clair", tandis que l'Union européenne a dénoncé un climat d'"intimidation" et le manque d'observateurs internationaux.

"Sale cuisine"

Le dirigeant communiste, Guennadi Ziouganov, généralement mesuré, a aussi dénoncé des falsifications et appelé Vladimir Poutine à faire cesser "cette sale cuisine". Ces élections "vont creuser les divisions croissantes de la société", a-t-il mis en garde.

À Moscou, place-forte des détracteurs du Kremlin, ces derniers ont affirmé que les résultats du vote en ligne avaient été falsifiés, permettant ainsi d'inverser la tendance défavorable à Russie unie observée lors du décompte des votes papiers.

"Honte aux auteurs, initiateurs et penseurs de ce marasme", a réagi sur le site de la Radio Echo de Moscou, Sergueï Mitrokhine, candidat du petit parti libéral Iabloko et qui s'estime dupé.

"Ce sont les élections de la fraude électronique", a lâché sur Twitter Ivan Jdanov, un lieutenant en exil d'Alexeï Navalny, "il ne s'agit pas d'un dépouillement mais d'un vol".

La popularité de Russie unie était en berne avant le vote, avec une cote de confiance inférieure à 30 %, selon le baromètre de l'institut étatique Vtsiom. Le parti est miné par les affaires de corruption et la chute du niveau de vie ces dernières années.

"Les gens sains d'esprit (...) n'ont pas pu voter pour ce parti", a estimé auprès de l'AFP Dmitri Gavrilov, électeur moscovite et membre du syndicat des écrivains russes.

L'ONG spécialisée Golos a qualifié d'"évidence" la baisse du "niveau de transparence" et "de clarté du système électoral".

Les soupçons d'"irrégularités massives" doivent être "pris au sérieux" et "tirés au clair", a déclaré au cours d'un point-presse régulier le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, regrettant qu'il n'y ait pas eu d'"observation électorale" internationale de ce scrutin, remporté par le parti au pouvoir Russie unie.

"Vote intelligent"

La présidente de la Commission électorale, Ella Pamfilova, a balayé ces accusations, louant "la transparence" du scrutin. Tout comme Tamara Pronina, une archiviste de 59 ans, interrogée par l'AFP à Moscou : "Tout s'est déroulé dans les règles, sans violation significative et je suis très heureuse que Russie unie ait gagné."

Étant donné le score en hausse des communistes, le mouvement d'Alexeï Navalny a revendiqué le succès de leur stratégie du "vote intelligent", consistant à appeler à voter pour les candidats les mieux placés pour gêner ceux de Russie unie, faute d'avoir pu participer aux élections.

Les partisans de l'opposant, emprisonné depuis son retour en janvier en Russie après un empoisonnement qu'il attribue au Kremlin, étaient bannis du scrutin du fait de l'interdiction de leur organisation pour "extrémisme".

Ces élections ont été précédées par des mois de répression et la mise à l'écart de la quasi-totalité des opposants anti-Poutine. Les autorités ont également forcé Apple et Google à supprimer l'application de l'équipe d'Alexeï Navalny donnant des consignes de vote.

Outre Russie unie et les communistes, trois partis sont en position de siéger à la Douma : les nationalistes de LDPR (7,47 %), les centristes de Russie Juste (7,42 %) et un nouveau venu, le parti des "Nouvelles personnes" (5,39 %). Ces formations sont considérées dans la ligne du pouvoir.

Le parti du Kremlin arrive en tête aussi de dizaines de scrutins régionaux, comme en Tchétchénie, où le dirigeant autoritaire Ramzan Kadyrov a récolté 99,6 % des votes.

Source: AFP

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