L’Australie refuse un visa à Ayelet Shaked
- Le 22 Novembre 2024
Mayda s'inquiète pour son fils, Misaday veut savoir quand son oncle sera jugé: deux mois après les manifestations historiques qui ont secoué Cuba, des centaines de personnes restent en détention et leurs familles vivent dans l'angoisse.
"Même si ce jour-là il a crié quelque chose (contre le gouvernement), je ne pense pas que ce soit une raison pour le garder détenu si longtemps", déclare à l'AFP Mayda Yudith Sotolongo, infirmière de 50 ans au visage triste.
Mardi, jour de la vierge noire de Regla, vénérée sous le nom de Yemaya dans le culte afrocubain, Mayda est allé lui supplier, face à la mer puis dans son sanctuaire à La Havane, "la libération prochaine" de son fils Yunior Consuegra, 24 ans, qui est mécanicien automobile.
Dans sa modeste maison à San Miguel del Padron, en banlieue de La Havane, elle désespère. En deux mois, elle n'a pu voir son fils qu'une fois, six jours après son arrestation. Il avait "des bleus sur les bras et sur le dos".
Yunior, sourd de l'oreille gauche depuis sa naissance et atteint d'une tumeur cérébrale, a attrapé le coronavirus en prison, lui a-t-il dit par téléphone.
Il est accusé de désordre public, ce que conteste Mayda: le 11 juillet, Yunior est sorti dans la rue "par curiosité". En voyant que les troupes anti-émeutes commençaient à réprimer les manifestants, "il a pris peur et a essayé de rentrer à la maison", en vain.
"Je sais qu'elle (Yemaya) va faire quelque chose, pas seulement pour mon fils mais pour tous les détenus", veut-elle croire.
"Cauchemar"
A Santa Clara, dans le centre de Cuba, la famille de Randy Arteaga, 32 ans, partage la même angoisse. "On s'inquiète, ça fait presque deux mois qu'il est en prison, sans date de procès, alors qu'il est déjà inculpé pour résistance. Il a une fille de six ans", confie à l'AFP sa nièce Misaday Garcia, 21 ans.
Dans une vidéo montrée par la famille, on voit le moment où plusieurs policiers font entrer de force Randy - qui, selon Misaday, écrit des chansons de rap contre le racisme - dans un camion lors des manifestations.
Sur les réseaux sociaux, des dizaines de témoignages similaires ont été publiés, mais plusieurs familles de détenus contactées par l'AFP n'ont pas souhaité parler, par peur de représailles.
Pour le gouvernement communiste, les manifestations du 11 juillet, quand des milliers de Cubains ont défilé aux cris de "Liberté" et "Nous avons faim", font partie d'une stratégie financée par Washington pour forcer un changement de régime. Il n'a pas communiqué le nombre de personnes arrêtées.
Ce jour-là, Mayda a vécu "le pire cauchemar" de sa vie: sans avoir participé aux manifestations, elle a fini elle aussi en prison pendant quatre jours... pour être venue s'informer dans un commissariat au sujet de son fils.
Exaspérée de n'avoir aucune réponse, elle avait fini par lancer que "si pour en savoir plus sur son fils", elle devait aller en prison, alors qu'ils l'arrêtent. Ce qu'ils ont fait, sans lui en dire plus ni la laisser le voir.
437 détenus
Cette semaine, l'ONG de défense des droits de l'homme Cubalex a assuré avoir identifié 949 personnes arrêtées lors des manifestations, dont 437 restent détenues.
Les Etats-Unis et l'Union européenne exigent leur libération.
Selon le gouvernement, au 5 août, 62 Cubains avaient été jugés, lors de procédures "abrégées", pour des délits comme troubles à l'ordre public, résistance ou incitation à la délinquance. Un seul a été relaxé, 45 ont fait appel. Les délits les plus graves font toujours l'objet d'une enquête.
Il y a un "renforcement de la politique de répression (du président) Miguel Diaz-Canel pour reprendre le contrôle et rétablir la culture de la peur qui a vacillé le 11 juillet", a critiqué sur Twitter la directrice d'Amnesty International pour les Amériques, Erika Guevara-Rosas.
Amnesty a déclaré prisonniers de conscience six Cubains dont l'opposant José Daniel Ferrer, 51 ans, et l'artiste dissident Luis Manuel Otero Alcantara, 33 ans, tous deux arrêtés le 11 juillet.
Pour l'opposant modéré Manuel Cuesta Morua, le gouvernement veut "semer la panique comme traitement préventif visant à empêcher de futures manifestations. Une panique judiciaire et civile".
La jeune historienne de l'art Carolina Barrero, membre du mouvement 27N, collectif d'artistes et intellectuels réclamant plus de liberté d'expression, goûte elle aussi à ce traitement, en étant "surveillée jour et nuit".
"La sécurité de l'Etat s'acharne à m'isoler comme si j'étais une criminelle extrêmement dangereuse", a-t-elle dénoncé lundi sur Facebook, disant être empêchée par les forces de l'ordre de sortir de chez elle depuis deux mois et demi. Des dizaines de personnes affirment souffrir de mesures similaires.
Source : AFP