Le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), Lyes Merabet, appelle les autorités sanitaires à diligenter une enquête au sujet de ce qu’il considère comme une surmortalité des soignants algériens du Covid-19.
Il déplore la non application des mesures annoncées il y a un an par le président de la République en faveur des professionnels de la santé, dans le cadre de la lutte anti-Covid.
Comment évaluez-vous la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 en Algérie ?
Il y a une tendance à la baisse et une stabilisation de la situation pandémique. Cela bien sûr nous réconforte en tant que professionnels de la santé.
La pression exercée sur les hôpitaux et les praticiens de la santé est heureusement redescendue, au niveau des consultations et des urgences.
Mais surtout dans les services hospitaliers et les réanimations. Cependant, même si on est retombé à moins de 500 cas par jour, cela reste important comme bilan quotidien.
Cela sous-entend qu’il y a un pourcentage de malades qui vont continuer à se rendre dans les services hospitaliers et les structures de réanimation. Cela pourrait être une source d’aggravation mais surtout une raison qui pourrait expliquer le nombre de décès enregistrés.
Les spécialistes avancent que l’un des facteurs pouvant servir de base d’évaluation du degré de gravité de la situation sanitaire, c’est justement le nombre de décès. Un commentaire ?
L’indice majeur pour évaluer la situation pandémique c’est le nombre de nouveaux cas. Tant qu’il y a une baisse des nouveaux cas Covid recensés, on est dans le bon sens par rapport à l’évolution de la pandémie.
Parmi les personnes contaminées, il y a malheureusement celles qui développent des formes graves de la maladie ; il y a aussi des personnes âgées qui ont des comorbidités et qui sont sujettes à des complications.
Ajoutez à ces facteurs, les conditions de la prise en charge. C’est un ensemble d’éléments à prendre en considération pour comprendre pourquoi on continue à recenser des décès.
Mais il faut répéter que l’élément essentiel pour évaluer le sens d’évolution de la pandémie, c’est le nombre de cas recensés. Aujourd’hui c’est indéniable, on est à l’aise. Il y a moins de consommation d’oxygène.
Dans une telle situation, l’Algérie ne dispose-t-elle pas d’une fenêtre favorable pour accélérer la vaccination anti-Covid ?
Effectivement, on est dans une situation d’accalmie, il faudra en profiter pour accélérer la cadence de la campagne de vaccination. Il faut dire que cette campagne a malheureusement ralenti.
En tant que professionnels, on est déçu. On ne fait que rappeler à nos concitoyens la nécessité de se rapprocher des centres de vaccination et profiter de cette couverture et de l’immunité que va leur conférer la vaccination.
Celle-ci n’élimine pas le risque de contamination, mais ce qui est indéniable c’est qu’elle protège contre les formes graves de la maladie. Quant aux chiffres, on n’en a pas mais ce qui est certain c’est qu’on est loin d’avoir atteint les pourcentages de vaccination voulus.
Ce sont des données qui ne sont pas communiquées par le ministère de la Santé. On ne sait pour quelle raison, car il est important de savoir combien de doses ont été distribuées, combien ont été reçues, combien de personnes ont reçu leur première dose et celles qui ont reçu une vaccination complète…
Les rentrées sociale et scolaire sont pour bientôt. Avec un niveau de vaccination faible, on peut légitimement redouter une 4e vague. Que faut-il faire pour l’éviter ?
D’abord, il y a lieu de renforcer le travail qui se fait déjà. Je pense qu’on peut faire mieux en matière de communication et de sensibilisation. Il faudrait aussi multiplier les points de vaccination et les doter en quantité de vaccins conséquente et de manière régulière.
Il faudrait peut-être s’organiser de façon à rendre cette vaccination obligatoire à travers le pass sanitaire (déjà mis en place dans des pays notamment européens, ndlr), de telle manière à pousser les gens à se faire vacciner. Et espérer arriver à une couverture vaccinale au minimum de 50% d’ici la fin de l’année.
Le corps médical a payé un lourd tribut depuis le début de la pandémie en Algérie. La 3e vague du Covid a été particulièrement meurtrière. Quelle est la situation aujourd’hui ?
Uniquement pour le mois de juillet 2021, on a recensé 48 décès dans le corps des médecins des deux secteurs public et privé. Depuis le début du mois d’août, nous avons enregistré 28 décès. Soit 76 décès pour ces deux mois.
Depuis le début de la pandémie, le bilan est de 476 cas de décès, dont 307 parmi les médecins toutes spécialités confondues, autant issus des secteurs public et privé.
Et là, les autorités sanitaires sont interpellées. Nous voulons des explications. Au moins que des enquêtes soient diligentées. Je pense qu’on a le taux le plus élevé au monde, s’agissant des décès des professionnels de la santé, durant cette pandémie.
Nous demandons officiellement aux autorités sanitaires de se pencher sur ce dossier sérieusement, qu’une enquête soit lancée, bien entendu en associant les partenaires sociaux qui représentent ces différents corps.
Des annonces ont été faites l’an dernier en faveur des professionnels de la santé. Où en êtes-vous par rapport aux différentes mesures instituées ?
Pour la « prime Covid », jusqu’à présent nous sommes à 3 trimestres qui ne sont pas honorés : le 5e, le 6e et le 7e trimestres. Vous me parlez de la « prime Covid », en tant que praticiens, nous préférons parler de « dossier Covid ».
Il y a des décisions présidentielles qui ont été prises mais qui n’ont pas été mises en application. Je rappelle au passage l’assurance maladie avec une couverture à 100 % qui n’a pas été mise en place jusqu’à aujourd’hui malgré le fait qu’il s’agisse d’une décision qui a été réitérée par le président de la République.
Il y a eu aussi la mesure qui consiste à comptabiliser deux mois de travail dans le cadre de la lutte contre la pandémie, équivalent à six mois de cotisations pour la Caisse nationale des retraites. Elle n’a toujours pas été appliquée.
Enfin, je termine sur l’indemnité-décès (capital-décès) décidée par le président de la République pour toutes les familles ayant perdu un proche parmi les professionnels de la santé. Aucune famille n’a perçu le 1 million de DA promis jusqu’à présent.
Source: TSA